A peine adoptée, non sans difficulté, la nouvelle loi organique sur le droit d'accès à l'information a fait, récemment à Tunis, l'objet d'un débat poussé suscité par des organisations internationales et des composantes de la société civile nationale. Les tenants et les aboutissants de la loi n'ont pas fini de nourrir les discussions et les réflexions sur les modalités de son application. La conférence, initiée par les bureaux de l'Unesco et du Haut commissariat aux droits de l'homme (Hcdh) à Tunis, a vu la participation d'un ensemble d'ONG et de structures de la corporation médiatique. Elle s'inscrit dans le cadre de la célébration de la journée mondiale de la liberté de la presse, placée, cette année, sous le signe «Accès à l'information et aux libertés fondamentales, c'est votre droit !». Et c'est justement autour de cette question majeure que vont s'articuler les différentes interventions, avec pour fil conducteur la toute récente loi datant du 24 mars 2016 portant sur le droit d'accès à l'information, le pourquoi d'une telle loi et comment la traduire dans les faits, avec toutes les garanties possibles aussi bien pour les professionnels des médias que pour le citoyen ordinaire. Ainsi, Haica, Snjt, TAP, Capjc, Ctlp, Ipsi, Coalition civile pour la défense de la liberté d'expression, association «Vigilance pour la démocratie», RSF, l'Union tunisienne des médias associatifs (Utma), Article 19, tous y sont intervenus pour remettre les pendules à l'heure et aborder l'avenir d'un métier mal en point. Son état des lieux en dit long sur la cacophonie médiatique y prévalant et l'anarchie dans laquelle se débat tout le secteur. A l'ouverture, M. Kamel Jendoubi, ministre chargé des Relations avec les instances constitutionnelles, la société civile et les organisations des droits de l'homme, a souligné la portée significative de la journée mondiale de la liberté de la presse dont la célébration, sous nos cieux, coïncide avec le bon positionnement de la Tunisie à une grande échelle en matière de liberté de la presse. Un tel honneur rime avec la teneur d'un droit déjà constitutionnalisé donnant accès à l'information. «Ce choix démocratique veut que la presse soit un pouvoir indépendant, libre et responsable, mais qui ne soit guère au-dessus de la loi...», affirme-t-il. Et malgré cette avancée constitutionnelle, le secteur rencontre encore des problèmes liés notamment aux questions de régulation, d'autorégulation et des conditions de travail au sein des entreprises médiatiques. «Raison pour laquelle une large consultation aura lieu, au cours du mois prochain, pour la création d'un statut régissant la Haica...», promet-il. De son côté, le représentant du Hcdh à Tunis a relevé que la liberté de la presse fait partie intégrante des droits de l'homme dans leur acception la plus large. Et d'ajouter que le droit d'accès à l'information, en tant que thème choisi pour la journée de cette année, correspond ainsi aux orientations futures des Nations unies, marquant ainsi le début d'un nouveau cycle de 15 ans pour les nouveaux Objectifs de développement durable (ODD). Le journaliste y étant, désormais, un vecteur principal. Adopter une loi, est-ce suffisant ? Mais, d'après lui, cette loi d'accès à l'information tire sa juste valeur de ses modes opératoires. De fait, les mécanismes exécutifs y afférents demeurent une condition sine qua non pour son optimisation. Cela semble très important, du moment que le journaliste s'engage, lui aussi, dans la guerre antiterrorisme. En ces temps particuliers, la guerre est, avant tout, médiatique, où l'information vaut son pesant d'or. Est-il suffisant d'adopter une loi pour tout permettre aux médias? Ainsi s'interroge le président du Snjt, M. Neji Bghouri, jugeant bon d'instituer, a priori, un pareil cadre législatif qui n'aurait aucunement d'impact sans d'autres mécanismes opérationnels d'appoint. «Sans information, on ne peut qualifier un journaliste en tant que tel...», révèle-t-il, mettant le doigt sur les maux de la profession, à savoir la mauvaise gestion financière, l'absence d'instances d'autorégulation dans la presse écrite et électronique, la corruption, l'emploi précaire. La société civile devrait rester vigilante pour faire face à tous ces abus. Pour M. Nouri Lajmi, président de la Haica, la mise en place des instances constitutionnelles de contrôle et de régulation ne doit pas occulter les défis posés à tous les niveaux. Et bien que des pas aient été franchis sur ce point, on n'en est pas encore à l'autorégulation. Du reste, il a tout résumé en ces termes: «La liberté de la presse est la clé de voûte de toutes les libertés...». C'est que l'application de la nouvelle loi en question constitue l'opportunité ou jamais pour relever les défis auxquels fait face le journaliste d'aujourd'hui.