Sport collectif par nature, le football a assez vite, au cours de son histoire, fait célébrer des individualités. Dès l'après-guerre, la liste de ces figures qui sortent du rang s'allonge, en parallèle de l'évolution de ce sport vers un divertissement de masse de plus en plus médiatisé, qui désigne des idoles. On ne peut donc pas dire que la starification des joueurs est un phénomène nouveau, mais aussi progressive soit-elle, l'individualisation du football est une réalité, dont on peut identifier une quantité de signes qui sont allés en se multipliant au cours de la période récente. Echapper à l'uniforme Avant d'en arriver là, il aura fallu pouvoir identifier chaque joueur sur le terrain en s'aidant d'autre chose que des silhouettes, des attitudes ou simplement du poste. L'apparition des numéros sur les maillots a constitué une première étape à la fin des années 1920, mais c'est évidemment l'inscription des noms au dos de ceux-ci qui marque un tournant. Moins pour le spectateur, sauf s'il a de très bons yeux, que pour le téléspectateur... et le joueur lui-même, qui pourra célébrer son but dos au public en montrant des deux pouces son patronyme. Alors, le maillot avec l'option flocage qu'achète un supporter est-il encore celui du club, ou du joueur choisi ? Coiffure, chaussures : nouvelles conquêtes Restaient, en réalité, deux territoires d'expression à conquérir. On n'insistera jamais assez sur l'importance de la coupe de cheveux dans l'histoire de l'humanité et dans celle du football. Jusqu'il y a une vingtaine d'années, les coiffures des footballeurs témoignaient de la mode de chaque époque, de manière assez uniforme : on ne se distinguait pas vraiment les footballeurs entre eux, à l'exception de rares phénomènes capillaires, comme Carlos Valderrama. Aujourd'hui, le poil est soumis à une infinité de variations, et les crânes sont couverts de toutes sortes de pelages et de décorations. C'est que la tête dépasse du maillot, et que la capillarité n'est encadrée par aucun règlement de la Fifa, offrant ainsi un formidable moyen de singularisation, quitte à bafouer le bon sens et le bon goût. Voici donc les pelouses parcourues par tout un bestiaire de rongeurs (ragondins, castors, chinchillas) et de mustélidés (loutres, furets, blaireaux). Le footballeur, cette entreprise de spectacle Bien entendu, cette petite histoire de la singularisation des footballeurs est superficielle, et elle passe à côté de ce qui, au fond, a le plus contribué à dissocier les individus de leurs équipes. Un de ces facteurs majeurs est évidemment la libéralisation du marché des transferts. Si les footballeurs de jadis restaient étroitement associés à une ou deux équipes, comme Alfredo Di Stefano au Real Madrid ou Johan Cruyff à l'Ajax et à Barcelone, les carrières actuelles ont tendance à les balader de club en club et de championnat en championnat. Certains ont poussé le nomadisme jusqu'à ne plus pouvoir être associés à aucune formation en particulier, notamment pour les avoir presque tous quittés prématurément. Nicolas Anelka, par exemple, constitue un phénomène en soi, dont la carrière ne raconte que sa propre histoire.