Le nouveau chef du gouvernement devra forcément plaire à BCE, à Ennahdha, à l'Ugtt et peut-être même au Front populaire. C'est-à-dire autant chercher une aiguille dans une botte de foin Les conciliabules du président de la République avec les partis politiques et les organisations nationales vont bon train. Objectif: dénicher le bon candidat en guise de futur chef du gouvernement. Pourtant, et bien qu'il ait lancé l'idée de la formation d'un gouvernement d'union nationale, M. Béji Caïd Essebsi sait qu'il n'est guère dans ses prérogatives constitutionnelles. Ses domaines assignés et réservés sont clairs. Il nomme le chef du gouvernement sur proposition du parti de la majorité gouvernementale. Mais BCE ne l'entend pas de cette oreille. Et pour cause. Il évoque souvent son magistère devant le peuple pour légitimer son hyper-investissement dans le pouvoir exécutif bicéphale. Il sait qu'il a des prérogatives constitutionnelles limitées. Mais il sait aussi qu'il est élu au suffrage universel. Et il se plaît particulièrement à ne considérer le chef du gouvernement qu'en sa qualité de premier des ministres comme disait de Gaulle. Il faut dire que la Constitution, en croyant limiter le pouvoir du chef de l'Etat, lui a conféré deux aires d'intervention quasi-exclusives majeures : il est le chef de la diplomatie mais aussi le chef des armées. Deux des trois attributs majeurs de la force géopolitique d'un Etat, de tout Etat. Ajoutons-y les soubresauts à dimension internationale que connaît le pays depuis la révolution de 2011. Conjugué à l'état de guerre latente contre le terrorisme, cela explique pourquoi la fonction présidentielle prend du poil de la bête au fil des jours. N'oublions pas au passage la nature quasi-florentine de Béji Caïd Essebsi. Nul n'ignore qu'il est rompu depuis plus de soixante ans aux luttes politiques, notamment de sérail. Il s'est battu sur plus d'un front et en a vu de toutes les couleurs. Ce faisant, il dépasse de loin les protagonistes de la place en matière de joutes, combines et artifices dans les arcanes du pouvoir. Et il s'y plaît avec un malin plaisir. Je me souviens d'une fois, l'interviewant pour la télé, je lui avais dit «c'est machiavélique». Il s'empressa de répliquer : « Et alors ? Machiavel est bien. Il faut savoir le lire». Ces derniers mois, Béji Caïd Essebsi s'est investi dans la politique intérieure. Plutôt mal que bien. Lors de la crise de Nida Tounès, il s'est retrouvé dans le camp privilégiant son fils, un camp qui a tôt fait de se diviser et se défaire. Dans sa relation ambiguë avec le leader des islamistes, Rached Ghannouchi, BCE s'est fait avoir plus d'une fois. Il y laisse des plumes et y perd au lustre, notamment auprès des femmes et des larges bases de Nida qui avaient voté pour lui lors de la présidentielle. A la veille de Ramadan, Béji Caïd Essebsi a lancé l'idée d'un nouveau gouvernement d'union nationale. Il devrait impliquer les partis de la majorité gouvernementale, les centrales syndicales ouvrière et patronale, ainsi que d'autres partis. En somme, le nouveau chef du gouvernement devra forcément plaire à BCE, à Ennahdha, à l'Ugtt et peut-être même au Front populaire. C'est à dire autant chercher une aiguille dans une botte de foin et trouver la solution de la quadrature du cercle. Sacré BCE. En demandant l'impossible, il s'érige de fait en maître des cérémonies. Parce que c'est à lui qu'incombe la touche finale, le choix du candidat en vue de la formation du gouvernement. Il devient incontournable au vu des équilibres précaires en lice. Tout en ayant soin d'avoir définitivement damé le pion à M. Habib Essid, l'actuel chef du gouvernement sur le départ. A l'issue de la guerre d'escarmouches et de positions qu'ils se sont livrée ces derniers mois, BCE a pris le soin de donner l'estocade finale. Sans états d'âme et tout en sourires. Un président de la République qui a de la suite des les idées. Florentines de surcroît.