Les dispositions, étant extrêmement sévères, privent les partis politiques de moyens et de canaux de contact avec leurs électeurs. Pire, elles feront de la campagne électorale une fête par définition, un scrutin sans couleur ni saveur Devant un hémicycle correctement rempli (131 élus) s'est tenu hier l'examen du projet de loi organique N°01/2016 amendant et complétant la loi organique N°14/2014 relative aux élections et référendums, présidé par la vice-présidente Fawzia Ben Fada. C'est une étape législative importante fixant les modalités des municipales en 2017. Une fois n'est pas coutume, les points d'ordre et autres troubles s'annoncent rares et augurent d'une séance fluide. Erreur, cette fois-ci, les obstacles entravant le bon déroulement ont pour origine l'organisation même des travaux parlementaires. La question de la recevabilité des amendements pendant l'examen du projet de loi s'est imposée d'emblée. Qui sont les titulaires du droit d'amendement dans ce cas de figure ? A savoir un projet de loi amendant et complétant une loi organique ? Les députés sont-ils habilités à proposer des réformes et additifs ou bien est-ce uniquement le gouvernement seul qui est chargé de le faire, représenté dans le cas d'espèce par le ministre des Affaires locales ? Autre question associée : l'ensemble du texte, en l'occurrence (loi organique 14/2014) peut-il faire l'objet de modifications, ou bien celles-ci ne doivent porter que sur le projet de loi déposé par le gouvernement (01/2016) ? Deux thèses s'affrontent Pour tout dire, la commission chargée de l'examen du texte de loi n'est autre que la commission permanente du règlement intérieur, de l'immunité, des lois parlementaires et des lois électorales présidée par la très sérieuse Kalthoum Badreddine. Une élue qui caracole en tête avec le très gratifiant taux de présence en commission de 96%, un record en soi, et une moyenne en plénière avoisinant 93%. La présidente a défendu la position adoptée par consensus par les membres de sa commission, selon laquelle les amendements proposés par les parlementaires étant en nombre limité peuvent dépasser le cadre restreint du projet de loi soumis par le gouvernement et se porter sur la totalité de la loi. Position rejetée par un autre juriste Habib Kheder, du même bloc parlementaire, Ennahdha, qui, lui, s'appuie sur le règlement intérieur pour limiter les amendements parlementaires exclusivement au projet de loi déposé par le gouvernement. Le député alerte, au passage, sur le risque d'instauration d'un dangereux précédent si cette nouvelle pratique se trouve être admise. Une menace au dispositif législatif déjà consolidé. Les deux thèses étant soutenues par des adeptes et des adversaires aussi virulents les uns que les autres, résultat : suspension de la séance pendant cinq minutes, beaucoup plus en réalité. Ce débat étale en séance publique la complexité des processus législatifs et réglementaires, ceux-là mêmes qui auraient dû être clarifiés et définis bien avant, dans des travaux préalables, par le bureau de l'Assemblée, la structure chargée de le faire, ou la commission compétente. La plénière, temps fort de l'activité parlementaire, est un lieu de publicité des délibérations et certainement pas une agora juridique. La publicité politique Autres questions soulevées par l'examen des articles, celui portant sur la publicité politique en période électorale. Chaque réforme devant être justifiée par des motifs qui en expliquent la portée, c'est Riadh Lmouakhar du parti Afek Tounès qui a trouvé très contraignants les interdits réglementant les campagnes électorales pour l'utilisation des moyens de communication dans l'espace public. Hormis les supports classiques de propagande telles que les réunions publiques, le député a jugé les dispositions extrêmement sévères, privant les partis politiques de moyens et de canaux de contact avec leurs électeurs. Pire, elles feront de la campagne électorale une fête par définition, un scrutin sans couleur ni saveur. L'argument opposé est apporté par l'indépendant Salem Labiedh, qui approuve ces restrictions louables et positives, selon lui, faute de quoi la publicité politique sera soumise à la marchandisation. C'est la brèche, a-t-il prévenu, par laquelle rentre l'argent (politique) immoral, et l'argent, fait-il remarquer d'un air entendu, nous savons qui le détient. Par ailleurs, le député a rappelé le rejet des Tunisiens dans un passé proche des actions de promotion sur les panneaux publicitaires. L'exploitation de l'espace public devra donc obéir à des règles rigoureuses. Les amendements portant sur les financements des partis politiques et des candidats sont rejetés. Le projet de loi du gouvernement soutenu par la majorité est voté sans difficulté. La plupart des réformes proposées par les parlementaires sont, elles, refusées par la même majorité. L'examen et le vote des articles se poursuivront encore aujourd'hui. Ainsi, les élections municipales avancent à grands pas. Question pour un champion, qui est prêt et qui ne l'est pas ?