Issam Ayari et Walid Ayadi livrent un one-man-show drôle et pétillant d'intelligence. Que se passe-t-il quand on parcourt le chemin de l'évolution en sens inverse ? C'est ce que propose de découvrir la pièce «Sapiens», programmée mercredi dernier lors de la première édition du festival «Les arts du Lac». Issam Ayari au texte et à l'interprétation, Walid Ayadi à la mise en scène, un duo issu d'El Teatro Studio avec à leur actif plusieurs participations à des créations tunisiennes et internationales. «Sapiens» marque leur collaboration et révèle des questionnements qui les habitent et devraient habiter chacun de nous. L'être humain, absorbé par le quotidien et le mode de vie moderne, n'a plus assez de recul pour voir la laideur du paysage global ni pour renouer avec son essence d'homo-sapiens. Ce dernier est le personnage principal de la pièce qui porte son nom. D'emblée, Issam Ayari et Walid Ayadi le mettent sur le banc des accusés. Il apparaît sur scène, une grosse arme à la main et paraît menaçant. C'est qu'il doit répondre de ses actes et se défendre contre l'accusation d'être à l'origine de la disparition des chasseurs-cueilleurs. «Sapiens a 45.000 ans, il commence à sentir les effets du vieillissement. Il habite un appartement dans un quartier de Tunis quand il reçoit une convocation de la justice. Sapiens n'a plus le choix, il décide de repousser l'attaque et au lieu de prendre le public en otage, il le prend à témoin», ainsi se résume la trame de cette pièce qui surprend le spectateur par un autoportrait où l'Homme est la métaphore de lui-même. Un texte recherché et une mise en scène intelligente font la force de «Sapiens». Walid Ayari a excellé dans l'interprétation de répliques qu'il a lui-même écrites. Il y livre une réflexion tout en profondeur et en sagesse sur l'espèce humaine et son évolution, tout en vulgarisant son message truffé d'informations scientifiques et d'idées philosophiques, grâce à un dialecte tunisien bien ficelé et maîtrisé, qui permet, de surcroît, des moments d'humour hilarants. Des thèmes sensibles et importants sont traités, comme la religion, la politique et l'amour. Une pièce pétrie d'audace, qui demande de l'implication, de jouer le jeu et d'accepter d'entendre les quatre vérités sur notre espèce. Une pièce à ne surtout pas prendre au premier degré, qui est à des années-lumière des clichés et du discours terre à terre de la majorité des one-man-shows tunisiens. Une pièce à voir ! Elle a remporté l'adhésion du public du festival Les arts du Lac mercredi dernier et l'on se réjouit de voir une telle manifestation s'implanter dans un quartier purement administratif et commercial pour y proposer de la culture et des spectacles qui allient, pourquoi pas, l'art et le divertissement. Un mot toutefois pour les organisateurs : un spectacle, ça va mieux avec une bonne qualité de son et de bonnes conditions de projection.