En choisissant de s'en remettre au vote de confiance parlementaire, à l'issue d'une crise de deux mois, M. Habib Essid a fait montre d'un défaut de discernement flagrant. Il a été la victime d'un système dont il est, lui aussi, l'huile et le rouage. La partitocratie est désormais une vérité évidente sous nos cieux Ainsi donc, le gouvernement Habib Essid aura duré dix-huit mois et des poussières. Sa sortie est le fruit d'un vote-sanction d'une majorité absolue des élus du peuple. Il n'a recueilli que trois voix en faveur du vote de confiance sur les 191 députés présents avant-hier au Parlement. En revanche, 118 députés se sont prononcés en faveur de sa destitution et 27 se sont abstenus. Dès lors, constitutionnellement, le gouvernement Habib Essid est considéré démissionnaire et de simple gestion des affaires courantes. En attendant la désignation, par le président de la République, d'un nouveau chef de gouvernement. En choisissant de s'en remettre au vote de confiance parlementaire, à l'issue d'une crise de deux mois, M. Habib Essid a fait montre d'un défaut de discernement flagrant. Il a été la victime d'un système dont il est, lui aussi, l'huile et le rouage. La partitocratie est désormais une vérité évidente sous nos cieux. A la faveur d'un système parlementaire hybride fondé sur les équilibres catastrophiques, les marchandages, les coteries circonstancielles et les allégeances intéressées. Fait révélateur, lors des débats dans l'hémicycle, ce sont les députés de Nida Tounès, qui avaient précisément nommé Habib Essid chef du gouvernement, qui étaient les plus virulents à son encontre. Il en a entendu des vertes et des pas mûres. Et il a dû boire jusqu'à la lie la coupe d'amertume. Dès lors, on est en droit de s'interroger sur la posture peu confortable du futur chef de gouvernement. Comme Habib Essid, il devra bénéficier d'un vote de confiance initial. Mais rien ne sera sûr depuis. Constitutionnellement, c'est l'homme le plus puissant du système. Mais il devra cohabiter avec un président de la République aux pouvoirs limités constitutionnellement mais élu au suffrage universel. Et qui est décidé à user de ce qu'il appelle son magistère. Qui plus est il croit en la nécessité de changer le système en régime présidentiel. Entre-temps, il fait comme si c'était déjà un régime présidentiel. Dès lors, de deux choses l'une. Ou il exerce pleinement son pouvoir, au risque de se retrouver dans les rivalités de sérail avec le chef de l'Etat, et de finir comme Habib Essid vers la fin de son mandat ; ou il se contente de suivisme, au risque de camper les Habib Essid au début de son exercice, sclérosé et otage des partis et de leurs calculs de boutiquier. Reconnaissons-le, nous avons eu, depuis la révolution du 14 janvier 2011, huit gouvernements. Une moyenne d'un gouvernement tous les huit mois en somme. Le système est biaisé. Il attire les crises institutionnelles comme le paratonnerre la foudre. Le système parlementaire hybride mis en place favorise les blocages et les crises ouvertes ou sournoises. Toutefois, les qualités de l'homme à la barre importent également. S'il est fort, décisif, porteur d'un projet de société et d'une vision économique claire, sa personnalité peut parer aux défauts du système. Il peut avoir un effet d'entraînement qui ratisse large et en impose à tous. Si, en revanche, il se contente de temporiser et veut contenter tout le monde à la fois, à l'instar de M. Habib Essid, il finira par avoir tout le monde sur le dos. Et tout le monde finira par le déloger d'une manière pour le moins cavalière. Autre dispositif et non des moindres dont M. Habib Essid a fait les frais, la communication. Non point les atermoiements, bégaiements, mauvaise mine et travers de la communication non verbale qui ont caractérisé M. Habib Essid tout au long de son mandat. Et qui constituent un véritable manuel de ce qu'il ne faut pas faire. En matière de communication, tout dépend du contenu, du fond. S'il n'y a pas de fond, toute communication se réduit à des gesticulations oiseuses. Or, en ces temps de crise, fond équivaut à programmes porteurs, projet de société, positionnement intelligent sur l'échiquier international. Ce qui est politiquement exigeant et requiert la vision, la consistance et le suivi. Aujourd'hui, la Tunisie politique va mal. A la mesure du blocage économique et social, de la crise qui persiste et de l'angoisse du lendemain qui taraude le commun des Tunisiens. La tâche n'est guère aisée. Être à la barre peut bien s'avérer un cadeau empoisonné. Cela peut aussi constituer le début d'un renversement de la vapeur solide et effectif. Les prochains jours nous le diront. Ça passe ou ça casse. Ne nous y trompons pas, la crise politique accuse et préside à la crise économique et sociale chez nous. Une bonne politique donnera nécessairement de bonnes finances et un meilleur profil de l'économie. Autrement, à force de caresser le cercle de l'inconsistance, il finira par devenir vicieux. Au risque de tout hypothéquer.