Il est un fait incontestable : la gestion des affaires de l'Etat a changé. Désormais, Youssef Chahed et ses ministres vont directement au charbon et prennent les décisions sur place. Sauf que l'opposition et aussi certaines composantes du gouvernement d'union nationale donnent l'impression qu'elles ne suivent pas le rythme La semaine qui vient de s'écouler, la première de l'ère Youssef Chahed en tant que chef du gouvernement d'union nationale, a été bien chargée pour le locataire du palais de La Kasbah et pour quelques-uns de ses ministres, dont en premier lieu ceux en charge du Transport, de la Santé et de la Défense. Une semaine chargée ou plutôt difficile et éprouvante dans la mesure où le sang des Tunisiens (civils et militaires) a coulé de nouveau sous l'effet d'une opération terroriste au mont Semmama et d'un grave accident de la circulation survenu dans la localité de Khmouda relevant de la région de Kasserine, sans oublier l'arrêt total de la production de phosphate dans le bassin minier. Et les Tunisiens qui attendaient les premières prestations du jeune chef du gouvernement d'union nationale de découvrir que l'approche de gestion des affaires de l'Etat, surtout celles dites exceptionnelles, a bien changé. Maintenant, on ne se contente plus de gérer les catastrophes à partir de Tunis et d'attendre que les responsables régionaux se débrouillent comme ils peuvent et envoyer, après coup, leurs rapports aux directions centrales dont ils relèvent. Et c'étaient ces responsables régionaux qui subissaient la colère, voire les insultes, des populations des régions sinistrées. Cette fois, Youssef Chahed, Samira Meraï, Farhat Horchani et Anis Ghedira se sont déplacés sur les lieux des catastrophes de Khmouda et de Semmama pour écouter les citoyens et découvrir pourquoi il n'a pas été possible d'éviter que le sang des Tunisiens coule de nouveau vainement. Ce qu'ils ont découvert en allant au charbon n'était pas inconnu des populations de la région : «Il est inadmissible que la ville de Kasserine continue à disposer d'un hôpital qui a valeur d'un dispensaire de campagne. Il est inacceptable aussi qu'on autorise un marché hebdomadaire sur une route où passent des poids lourds le plus souvent surchargés». C'est bien la constatation générale, et les anciens responsables avaient l'obligation impérieuse d'y remédier et les solutions ne demandaient pas que le chef du gouvernement intervienne lui-même ou qu'un ministre se déplace sur les lieux pour que la municipalité décide de déplacer le marché hebdomadaire en un lieu plus sûr ou que le scanner en panne soit réparé. Oui à la compassion, non au cirque Et comme prévu, le déplacement de Youssef Chahed et de ses ministres à Kasserine n'a pas fait que des satisfaits et les décisions urgentes prises et exécutées immédiatement pour alimenter l'hôpital de Kasserine en médicaments et en médecins spécialisés n'ont pas été appréciées à leur juste valeur. Les scènes de colère excessive, voire d'intimidation, de la ministre de la Santé qu'on a eu à suivre sont révélatrices d'une mentalité et d'un comportement qui ne font honneur ni à leurs auteurs, ni à la région dans son ensemble, encore moins aux parties qui se cachent derrière ces actes et qui ne ratent pas une occasion pour raviver les tensions et les divisions. Certes, la colère est légitime face aux insuffisances qui perdurent encore. Sauf que leur instrumentalisation politicienne ne peut en aucune manière continuer. Quand Rached Ghannouchi, président d'Ennahdha, est allé à Gafsa pour dire aux populations du bassin minier qu'«elles ont droit à 20% des revenus du phosphate», le résultat ne n'est pas fait attendre : depuis vendredi dernier, on ne produit plus de phosphate. Emboîtant le pas à Rached Ghannouchi, Hamma Hammami, le porte-parole du Front populaire est allé à Kasserine pour visiter les blessés de l'accident de Khmouda. Sauf que les autorités régionales ont décidé d'empêcher les médias de suivre le responsable frontiste dans sa tournée parmi les victimes de l'accident. Avaient-ils reçu des instructions pour priver H. Hammami de son show habituel ou ont-ils réagi d'eux-mêmes par souci médical ? Dans les deux cas, Hamma Hammami est perdant puisqu'il n'a pas eu droit à «sa fête habituelle». Les férus de Facebook et les amoureux des vidéos scandale sont restés, cette fois, sur leur faim. Et en attendant que notre opposition saisisse que les temps ont changé et que les Tunisiens lui réclament une nouvelle attitude qui rompra définitivement avec ses réactions «adolescentes et fantaisistes», Youssef Chahed continue son bonhomme de chemin. Il vient d'adresser une correspondance officielle au président du Parlement lui demandant de décider une session parlementaire exceptionnelle au cours de laquelle les députés voteront les lois dont le gouvernement a besoin. Aujourd'hui, lundi 5 septembre, le bureau de l'Assemblée des représentants du peuple se réunit pour prendre la décision sauf que d'après certaines indiscrétions, il n'est pas acquis que la session parlementaire exceptionnelle soit consacrée aux lois que veut Youssef Chahed.