Le débat portant sur le projet de loi n'a différé en rien de tous ceux qui l'ont précédé où il est question d'emprunts effectués par la Tunisie. Les élus, toutes sensibilités confondues, se sont demandé de quelle manière l'Etat compte-t-il s'acquitter de ses dettes ? L'Assemblée est convoquée en session extraordinaire du 6 au 30 septembre. Objectif : examiner un paquet de projets de loi majoritairement économiques, dont le Code d'investissement, un texte relatif à la promotion de la croissance économique, ainsi que le prêt conclu entre le gouvernement tunisien et la Banque africaine de développement, BAD. Les réformes porteront également sur le règlement intérieur et le calendrier parlementaire. Examinées en commissions, ces dispositions seront soumises à la plénière à partir du 16 du mois courant. Hier, la commission des finances, de la planification et du développement a été la première instance à inaugurer le cycle. La séance a démarré aux alentours de 10h00, au palais du Bardo. Un démarrage bien timide, avec tout juste 14 députés présents et 9 absents selon le décompte de Bawsala. La commission est présidée par Tarek Fetiti, président du groupe parlementaire de l'UPL. Il succède à Iyed Dahmani qui vient de rejoindre les rangs du gouvernement, pour occuper le poste de ministre chargé des relations avec l'Assemblée. C'est en cette qualité d'ailleurs, étant désormais de « l'autre côté de la barrière », que le nouveau ministre a pris part hier aux travaux de la commission, censé être épaulé par une équipe du ministère du Développement, chargée de défendre les choix de l'exécutif. Le cycle infernal de l'endettement Premier point à l'ordre du jour, l'examen du projet de loi n°61/2016 portant ratification de la convention de prêt conclu le 14 juillet dernier, entre la Tunisie et la BAD, relatif au financement du programme d'appui et de modernisation du secteur financier en Tunisie aux titres de 2016-2017. Le texte de loi comporte un article unique qui fait référence au montant du prêt de 268 millions d'euros. Il s'agit d'un crédit concessionnaire, défend Iyed Dahmani, avec un taux d'intérêt préférentiel de l'ordre de 0,56% et une durée de remboursement s'étalant sur 25 ans. Ce prêt est prévu pour alimenter la trésorerie de l'Etat, a-t-il annoncé sans détours. Dans la foulée, le ministre déploie quelques chiffres, alarmants, pour donner un aperçu sur l'acuité de la crise économique que traverse le pays ; le taux de développement en deçà du seuil des 2% prévu, les chômeurs évalués à 630 mille, une inflation galopante et un niveau d'endettement étouffant qui a atteint la barre dangereuse de 62% du PIB. Adoption malgré les réserves Le débat portant sur le projet de loi n'a différé en rien de tous ceux qui ont précédé de même nature, où il est question d'emprunt effectué par la Tunisie. Les élus toutes sensibilités confondues se sont demandé quand s'arrêtera ce cycle infernal et de quelle manière l'Etat compte-t-il s'acquitter de ses dettes ? Pour ne rien arranger, l'exposé de deux pages relatif aux motifs du projet de loi a carrément provoqué la colère des députés. Le crédit étant supposé être exploité pour moderniser le secteur financier et réduire la disparité entre les régions, « alors que nous savons tous, s'insurgent Fethi Chamkhi ou encore Meriem Boujebel, qu'il est destiné à combler le déficit du budget de l'Etat comme c'est le cas de tous les crédits contractés jusqu'ici». Moncef Sellami a fait remarquer, non sans dépit, qu'il y a « détournement de l'objet initial du crédit ». En prenant la parole, un par un, les parlementaires ont tous fait remarquer que les prêts antérieurs avaient été présentés par le gouvernement sous un jour favorable et prometteur d'appui au développement ou pour réformer le secteur bancaire alors qu'ils ont servi en réalité à renflouer les caisses de l'Etat et payer les salaires. Face à ces critiques, Iyed Dahmani a cru bon de rappeler que c'est le gouvernement sortant qui a signé la convention en date du 14 juillet. Quant au ministère du Développement, représenté par une équipe réduite dont la porte-parole a tenté de mettre en avant les avantages de cet ultime emprunt, mais n'a trouvé ni les mots qu'il faut ni les arguments. Visiblement mal à l'aise faute de préparation pour ce type d'exercice de communication pure. Combien de fois a-t-on alerté les membres des cabinets ministériels et de l'exécutif de s'entraîner avant d'affronter le Parlement, pour savoir quoi dire et défendre les options de l'exécutif, rien n'y fait. Quoi qu'il en soit et malgré les réserves manifestes et un seul rejet, du Front populaire, le projet de loi a finalement été adopté presque à l'unanimité. Le crédit sera donc accordé à la Tunisie, ce pays qui vit au-dessus de ses moyens. Et, du coup, l'épée de Damoclès sera encore plus menaçante sur la tête des Tunisiens.