Par Kamel GHATTAS Nous gardons automatiquement les articles dithyrambiques qui paraissent et qui s'étaient donnés pour mission de mettre en évidence les réalisations d'un président de club, d'un entraîneur ou même d'un joueur. Ils débordent de louanges à l'adresse de ceux qui, en fin de compte, n'ont fait que leur devoir. Ils ont certes mis de l'argent et le plus souvent de leurs poches, mais qui aurait l'idée de prononcer leurs noms, n'était cette responsabilité qu'ils avaient voulu endosser pour « servir » leurs couleurs préférées ? Mais comme le sport est un domaine dans lequel il est interdit de baisser la garde sous peine de se laisser déborder, il est fréquent de retrouver les mêmes personnages, à quelques mois d'intervalle, sous un déluge de critiques frôlant la diffamation. Voilà un homme qui a mis une bonne partie de sa fortune (décidément il faudrait être plus que... téméraire, pour ne pas user d'un autre qualificatif qui risquerait d'être mal interprété, pour accepter la présidence d'un club dans ce pays) et qui se retrouve sous les feux d'une critique acerbe, sans respect aucun pour tous ses sacrifices. Voilà un autre qui s'est attaché à honorer son contrat pour marquer des buts, en faire marquer et faire gagner son équipe un titre, mais pour des raisons qui lui échappent n'arrive pas à retrouver son efficacité d'antan. Et sans autre forme de procès on le descend en flammes. Les exemples sont nombreux, mais par ces temps de désarroi que tout un pays traverse, et alors que l'on ne voit rien venir et que ceux qui nous enviaient nous ont largement dépassés, les valeurs ont changé. Elles ont bien changé, en mal hélas, sous le regard impassible de ceux qui ont pour mission d'éduquer, de former, de rénover et de relancer. Il fut un temps où le fair-play était de rigueur. On tendait la main pour relever un adversaire à terre. On observait le silence dans des gradins bondés au passage d'un président de club. On demandait, sans plus, d'entrer dans une école de cadres pour poursuivre ses études à la suite d'une moisson de médailles d'or. On louait les exploits d'un Gammoudi ou d'un Omrane Sadok qui ont tout donné en toute humilité et avec une remarquable modestie. On acceptait de jouer avec les maillots des juniors, tout trempés de sueur, parce qu'on savait que le club n'avait pas les moyens de s'offrir un autre jeu de tenues. On disputait une finale de boxe avec une maladie grave pour ne pas perdre une médaille d'or. Ces générations qui avaient hissé bien haut le sport tunisien n'avaient ni les moyens ni les facilités de ce dont disposent de nos jours ceux qui ont pris le flambeau. Ces femmes et hommes qui ont tout sacrifié avaient des motivations et de la conviction. Ils entendaient la voix du cœur, les slogans qui mettent en avant la performance et poussent au dépassement. On ne leur faisait aucune promesse et beaucoup d'entre eux ont fini leurs jours dans le besoin. Ce qui est loin d'être en l'honneur de ceux qui les ont exploités sans vergogne et sans aucune contrepartie. La génération actuelle a-t-elle retenu quelques-unes de ces qualités ? Elle, qui n'entend plus que des appels à la grève, des routes coupées, des pneus brûlés, des crimes abominables, des solidarités régionales (hélas oui !) pour faire voter une liste. Elle qui commence par dicter ses conditions avant de s'élancer sur le terrain, qui négocie la prime de qualification, refuse un entraîneur et boude un dirigeant au risque de lever le pied pour faire prévaloir ses points de vue, envahit une fédération pour demander la tête d'un dirigeant. Comment être surpris dès lors, lorsqu'un joueur marche sur la cheville d'un adversaire à terre ou qu'un entraîneur en vienne aux mains avec celui d'en face, sous le regard de millions de téléspectateurs ? Pourquoi mal interpréter le fait que l'on s'obstine, sous le regard impassible de toute une fédération, qui s'était pourtant jurée d'être juste et loyale en prenant le pouvoir, pour des raisons personnelles que seul un entraîneur têtu, dépassé et qui ne trouve que ces agissements pour affirmer sa personnalité connaît, à mettre à l'écart des éléments qui ont largement leur place ? Y a-t-il de quoi être surpris lorsqu'on prive le large public de son droit à l'image pour faire prévaloir des idées biscornues qui ont certes cours ailleurs, mais inapplicables chez nous et alors que le pays connaît des contraintes économiques sans précédent ? Pourquoi s'offusquer si en pleine saison on manifeste le souhait de tout laisser tomber parce qu'un résultat est contraire à ses prévisions ? Les choses ont bien changé, et comme dirait l'autre « on ne se reconnaît plus dans cet étrange magma ».