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Un champ miné de stéréotypes !
Violences faites aux femmes :
Publié dans La Presse de Tunisie le 26 - 12 - 2016


Par Azza FILALI
Au cours des derniers jours, deux actrices renommées ont décidé de livrer des photos d'elles-mêmes très dévêtues... Elles voulaient par là protester contre les agressions subies quotidiennement par 47% des femmes dans notre pays avec, comme principaux agresseurs, le mari, puis le père. La campagne menée par ces actrices a déchaîné sur elles un lot de vindictes dans le registre : «La femme qui s'expose nue est moins que rien...». En somme, ceux qui ont reçu les images ont réagi par un stéréotype des plus communs, sans se soucier des motivations ayant poussé ces deux actrices à agir de la sorte. Ces réactions, pour le moins négatives, suggèrent que la méthode choisie n'est pas la bonne.
Il est un fait que la violence exercée sur les femmes est abjecte et impardonnable, d'autant qu'elle toucherait près de la moitié de la population féminine tunisienne. Certes, le problème du genre féminin continue à charrier un grand lot d'inégalités dans notre pays : il n'est que de voir les femmes rurales s'échiner aux champs tandis que leur seigneur et maître est assis au café du village; il n'est que de penser à l'inégalité devant l'héritage, puissamment protégée par un diktat religieux savamment mis en avant (et gardé) par les hommes. Plus simplement, l'inégalité en termes de salaires est rencontrée tous les jours par les femmes qui travaillent. Tous ces exemples illustrent une situation de fait, à savoir que notre société demeure imprégnée d'archétypes ancestraux et que les stéréotypes y sont toujours aussi puissants. Un exemple assez saisissant réside dans le texte (émanant du Code du statut personnel) qu'on lit lors de la cérémonie de mariage à la municipalité, et dans lequel il est dit que l'homme, saint patron de la famille, doit à sa future épouse protection et dividendes.
Mais la réalité est souvent ambivalente et ceci concerne avant tout les mesures d'aide et de soutien apportées aux femmes. Ainsi, dénoncer la violence faite aux femmes, les inégalités qu'elle subit, n'a pas que des côtés positifs : par l'usage du genre, on enferme l'être féminin dans un cadre à part, on l'extrait de la masse des citoyens, on en fait un «cas social». Il y a encore peu de temps, le ministère de la Femme incluait aussi l'enfant et les personnes âgées. La femme fait dès lors partie des minorités fragiles et qui exigent un soin particulier. Or, cette marginalisation, cette «chosification», qui fait de la femme une victime dont il faut prendre soin, renforce indirectement le statut d'assistée, de battue, d'humiliée; tout cela n'aide pas la femme à accéder à l'autonomie dont elle a besoin en tant qu'être. D'un autre côté, cette assignation à une catégorie sociale peut aussi être un puissant levier dans la prise de conscience par la femme de son statut d'être humain à part entière, dans l'accès à une autonomie vraiment sentie et assumée. A titre d'exemple, les femmes rurales déjà rassemblées dans le travail, et qu'on réunit pour leur procurer des cartes d'identité ou quelques conseils de gestion de vie, de tels regroupements constituent de puissants facteurs d'unité et de prise de conscience. La prise de conscience individuelle est souvent induite et accélérée au sein d'un groupe.
Car c'est de cela qu'il s'agit : la femme doit accéder à une prise de conscience d'elle-même en tant qu'être autonome (et pas seulement femme de Flen ou fille de Flen...). Il faudrait qu'elle cesse, peu à peu, de se considérer comme l'appendice d'un époux, d'une famille et cela même si c'est elle qui rapporte de quoi vivre et manger. A cette prise de conscience, on pensait qu'il suffirait que la femme soit scolarisée, acquière son autonomie financière et qu'elle accède à l'espace public. Or que trouvons-nous ? Des femmes qui étudient, travaillent, et continuent, à leur insu, d'être régies par des stéréotypes concernant leur genre : une femme fonctionnaire ou enseignante, accomplit ses heures de travail, puis rentre s'occuper du dîner, des enfants, du ménage, parce qu'elle considère que ces tâches lui reviennent de droit. Grattez un peu la façade d'autonomie et vous ne trouverez que soumission aux règles sociales...
Le travail d'autonomisation est long et laborieux, car rien ne change plus lentement que les stéréotypes, ces opinions et comportements hérités, arrêtés, selon lesquels nous guidons nos vies et dont nous discutons rarement la pertinence, comme s'il suffisait d'avoir vu ses parents se comporter d'une certaine manière pour que celle-ci fût imprégnée d'une indéniable authenticité... Ces stéréotypes sont à rechercher du côté de ce que les gens font et non de ce qu'ils disent. Ainsi, à titre d'exemple, il est frappant de voir à quel point les jeunes Tunisiens et Tunisiennes d'aujourd'hui s'embarquent dans des mariages lourds, compliqués, coûteux, avec plusieurs soirées à l'appui. Tout cela prétendument pour faire plaisir à papa et maman, en réalité parce qu'ils n'ont pas vraiment changé par rapport à leurs géniteurs. Il y aurait bien à redire quant à la fameuse «Açala» qui se ramène bien souvent au suivisme des générations précédentes.
Il n'en demeure pas moins que l'assistance fournie à certaines femmes tunisiennes doit être poursuivie, voire renforcée : aider des femmes démunies, inconscientes de leurs droits, vivant comme elles ont vu vivre leurs mères, est un acte d'utilité publique. Ecouter la détresse des femmes rurales, les informer de leurs droits, les aider à mieux gérer leurs journées, tout cela est essentiel et doit se poursuivre de la part des autorités qui effectuent souvent un effort méritoire. Mais cela demeure insuffisant. Car la voie royale vers la prise de conscience de soi passe immanquablement par l'autonomie financière. Celle-ci est la clé de voûte pour que la femme dépasse son genre biologique et accède lentement, difficilement, à une prise de conscience d'elle-même en tant qu'être. Lorsqu'une femme gagne sa vie, elle en retire un sentiment de puissance et d'indépendance. C'est donc à travers l'autonomie financière que se construira lentement mais sûrement la prise de conscience par les femmes de leur autonomie en tant qu'êtres, non plus complément de l'Homme (extraites d'une de ses côtes, selon certains livres sacrés... quelle indignité, on aurait pu choisir un os plus consistant qu'une côte !). Pour revenir à l'autonomie financière, elle seule permettra à la femme de s'imprégner de cette fameuse autonomie, première étape dans la construction d'une indépendance qui pourra aider à lutter contre des archétypes ancrés depuis des siècles.
En vérité, ce travail ne peut être que de longue haleine, et ne pourra concerner que les générations suivantes. Les nôtres sont encore trop embourbées dans des façons de vivre et de fonctionner reçues de la cellule familiale et qu'elles suivent au pied à la lettre.
C'est bien la raison pour laquelle la prestation des deux actrices se dévêtant pour lutter contre la violence faite aux femmes fait figure d'acte désancré du réel, n'ayant servi qu'à déclencher l'effarement (un peu désapprobateur) des femmes et la vindicte de la gent masculine. C'est que la femme n'en est pas à une liberté exprimée par le droit de se dévêtir dans l'espace public. La liberté à conquérir pour la femme est intérieure et passe par l'acquisition d'une autonomie d'être, de penser, de vivre, de militer...Il est vrai que nous avons vu en 2013 des femmes descendre dans la rue, à l'annonce d'une constitution émanant de la Charia, mais à situation exceptionnelle, mesures exceptionnelles.
C'est bien la raison pour laquelle les campagnes médiatiques en faveur des femmes ne doivent pas se tromper de cible. En fait, il suffirait qu'elles montrent le réel tel qu'il est. Ainsi, un clip montrant un mari qui bat sa femme serait bien plus percutant que des photos d'actrices dévêtues... Il faudrait aussi médiatiser les centres où des femmes battues, démunies, peuvent se rendre et sont écoutées et aidées. Il faudrait, enfin et surtout, montrer des femmes tunisiennes, parvenues à dépasser une féminité encore vécue (et inconsciemment consentie) comme aliénante, et qui sont arrivées à se concevoir comme être humain à part entière sans que le genre féminin ne soit leur unique faire-valoir.
Simone de Beauvoir disait «on ne naît pas femme, on le devient». En vérité, Beauvoir aurait dû inverser les priorités : on naît femme dès le premier regard posé sur l'enfant (regard parfois encore acerbe lorsqu'on découvre que c'est une fille), puis cette même femme passe bien des années pour accéder (par-delà une féminité assumée à sa juste mesure) à une humanité qui transcende les genres et les stéréotypes.


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