Ecrire une humeur… Une humeur sur les femmes… Quoi sur les femmes ? Sur les défauts de certaines d'entre elles, je suppose!... Non, sur les femmes, sans plus de précision ! Mais je risque de passer pour une espèce de rustre à tendance conservatrice: vous savez ces machos, dont la délicatesse appartient à la géographie des zones d'ombre, et qui sont quand même capables de vous faire tenir le crachoir un bon quart d'heure pour vous expliquer qu'une femme, tout bien pesé, c'est fait pour rester sagement à la maison… Je regrette, j'ai beau avoir mon lot de défauts, je n'ai pas celui-là en particulier : pour moi, les femmes sont des créatures fort plaisantes et l'homme se trouverait très embêté s'il venait à en être privé. C'est vrai, elles adorent papoter entre elles et ne manquent pas de le faire régulièrement : quand l'envie leur en prend, c'est tout simplement irrépressible et tous les lieux sont bons, même les plus «impropres»… N'avez-vous jamais surpris l'une de ces réunions dans… Enfin passons ! C'est vrai aussi, concédons-le, le plaisir de médire les unes des autres ne leur est pas tout à fait étranger : qui en est totalement indemne, d'ailleurs? Et, même si la palme leur revient dans ce domaine, il y a des hommes qui se défendent très bien sur ce terrain précis, sans qu'il faille se donner la peine de chercher bien loin. Bon, on ne va pas ressortir ici le dossier un peu usé de la femme au volant, avec sa rengaine selon laquelle quand ça ne roule pas sur la route ou que ça bouchonne quelque part en ville, il n'est pas rare qu'on finisse par doubler une personne de sexe féminin agrippée à son volant, les yeux rivés droit devant elle sur la ligne d'horizon, comme si elle avait grimpé sur un tabouret pour regarder par une fenêtre. A moins qu'elle soit en train de s'embrouiller dans son créneau dans une rue un peu étroite. Franchement, tout ça n'est pas faux mais chacun de nous connaît autour de soi quelques femmes qui font exception. Alors, de grâce, soyons justes ! Non, non, toutes ces choses que l'on peut énumérer ne sont pas assez sérieuses pour justifier que l'on sorte l'artillerie lourde d'une «humeur», ou même que l'on se mette en peine de décocher quelques piques acérées. Encore une fois, il faut être armé d'une bonne dose de sottise pour s'en aller chercher noise aux femmes, même si elles comptent parmi elles quelques spécimens d'ogresses du genre Mme Tenardier ou certaines variantes du personnage de Cruella. C'est, dirions-nous, les exceptions qui confirment la règle ! Alors, dans ces conditions, comment voulez-vous donc que je puisse l'écrire, cette humeur ? Je ne peux pas ! Ce que je fais, moi qui écris ces lignes en ce moment ? Eh bien… J'écris une… humeur‑: je fais ce que je me tue à démontrer que je ne peux pas faire. Oui, je sais, je nage en pleine contradiction. Mais enfin, pouvez-vous m'expliquer comment faire autrement quand une jeune femme se plante devant vous et, avec un large sourire, vous demande : «S'il te plaît, écris-moi une humeur… Une humeur sur la femme… Sur la femme, sans plus de précision». Y a-t-il un quelconque moyen de se dérober ? Vous rendez-vous compte de ce pouvoir qu'elles ont sur nous les hommes quand elles savent être gentilles, et comment elles en usent et abusent… Est-ce normal qu'elles parviennent à nous faire faire de bon cœur ce que, l'instant d'avant, nous éprouvions toutes les réticences du monde à les accomplir… N'est-ce pas rageant, quelque part ?!!