Les votes des lecteurs francophones de France Football ont dégagé une unanimité. Ils ont désigné Tunisie-Maroc en 2004 comme leur finale de CAN préférée. Radès, 14 février. C'est jour de la Saint-Valentin partout dans le monde. Mais cet après-midi-là, toute la Tunisie a rendez-vous avec l'histoire. Dix ans après avoir été éliminée dès le premier tour dans «sa» Coupe d'Afrique, son équipe nationale est de retour avec une ambition : décrocher son premier titre africain. En 1996, elle en fut très proche puisqu'elle disputa et perdit à Soweto la finale contre l'Afrique du Sud (0-2). Deux ans plus tôt au Mali, les Aigles de Carthage ont été invisibles (deux nuls et une défaite, aucun but inscrit), alors que la compétition devait leur servir à s'étalonner avant le Mondial en Asie. Lemerre, après l'échec français de 2002. Dans la foulée d'une Coupe du monde qui a vu les Bleus de France sortis sans gloire dès le 1er tour, la Fédération tunisienne, via son président Hammouda Ben Ammar, a fait appel à leur désormais ex-sélectionneur, Roger Lemerre. Arrivé pendant l'automne 2002 à l'occasion d'un match amical au Portugal, le Normand s'est totalement investi dans sa nouvelle mission, loin de son pays. Il a procédé à un véritable examen du potentiel de l'équipe en testant 44 joueurs avant la CAN. Avant lui, la sélection souffrait d'un manque d'amour du public. Silva Santos et Zied Jaziri, les buteurs Quelques belles prestations vont conduire les supporters à une communion avec leurs Aigles de Carthage. Le premier tour a été géré avec intelligence : des victoires sur le Rwanda et la RDC (2-1 et 3-0) et un nul contre la Guinée (1-1) permettent au groupe emmené par son buteur fraîchement naturalisé, le Brésilien Santos, de terminer premier. En quart, dans l'épais brouillard de Radès, la Tunisie écarte le Sénégal de Guy Stéphan (1-0) grâce à Jawhar Mnari. Parvenus en demi-finale, les Tunisiens défient le Nigeria de Jay Jay Okocha, impressionnant en poule. Menée au score, la Tunisie égalise en fin de match et s'impose aux tirs au but ! Pendant ce temps-là, le Maroc a récité un football soyeux et offensif (13 buts, meilleure attaque), moins pragmatique que celui de son rival tunisien. Le Nigeria (1-0) et le Bénin (4-0) ont succombé au 1er tour. L'Algérie a bien résisté en quart (3-1 a.p.). Le Mali de Henri Stambouli s'effondrera (0-4). Arrivés à Tunis la veille de la finale, les Marocains sont confiants avant ce derby nord-africain. Au moment de la finale, Lemerre bâtit un onze sans son capitaine et stoppeur Khaled Badra, suspendu. C'est le jeune talentueux Karim Hagui, latéral, qui se glissera dans le costume de son coéquipier absent aux côtés du Desailly local, Jaïdi. Dans les couloirs, il fait confiance à Hatem Trabelsi et Clayton. Les duettistes et amis Santos et Jaziri sont alignés en pointe. Le Maroc de Badou Zaki se présente quasiment avec la même équipe que lors de sa victoire en demie contre le Mali sauf son milieu Moha, sacrifié pour Talal El Karkouri. D'entrée, la Tunisie pousse pour mettre les Lions de l'Atlas K.-O. Adel Chedli, dont la femme est marocaine, centre pour José Clayton, dont la frappe oblige Fouhami à une belle parade (5e). A la suite du corner, le centre venu de la droite de Mehdi Nafti est converti en but de la tête par l'inévitable Santos (1-0). Radès rugit de bonheur ! Bousculé par un adversaire qui souhaite réussir le break rapidement, le Maroc laisse passer l'orage. Mieux, il va égaliser sur sa première occasion. Le centre de Youssef Hadji est repris de la tête par le joueur basé en Allemagne, Youssef Mokhtari (1-1, 39e), son quatrième but dans le tournoi comme Santos. A la pause, ce derby du Maghreb, inédit en finale de CAN, tient toutes ses promesses. Le Nigérian Jay Jay Okocha reçoit à la mi-temps son trophée de meilleur joueur de cette CAN. Puis les deux formations repartent pour 45 minutes qu'on imagine très équilibrées. Jusqu'à la 52e minute. Le gardien de but marocain Khalid Fouhami laisse inexplicablement filer un centre-tir de la gauche de Clayton. Jaziri, qui a suivi, conclut au second poteau (2-1). Zaki tente le tout pour le tout et fait entrer deux attaquants, le jeune Zaïri et Nabil Baha, dans le dernier quart d'heure. Mais le sélectionneur marocain ne sera pas récompensé par son panache : les Aigles de Carthage sont solides et conservent leur but d'avance jusqu'à l'issue des quatre minutes de temps additionnel. La Tunisie décroche sa première couronne continentale. Lemerre devient le premier coach à remporter un Euro puis une CAN, exploit qui n'a toujours pas été égalé. Le Français demeurera à la tête des Aigles jusqu'au 30 juin 2008. Il n'aura perdu que douze des soixante-dix-sept matches dirigés sur le banc tunisien. Un règne de six ans sans égal.