Un parcours artistique à saluer, lequel a débuté au milieu des années 70, illustrant une carrière de plus de cinquante années de labeur et de recherche. Près d'une vingtaine d'épreuves de gravure de grande qualité plastique et esthétique sont exposées depuis le mois de décembre 2016. Cette exposition se poursuit jusqu'au 20 de ce mois de février à la galerie du Violon bleu à Sidi Bou Saïd. Sans prétention, nous pouvons classer le tunisien Mohamed Ben Meftah à la tête des artistes graveurs arabes vivants. Un parcours artistique à saluer, lequel a débuté au milieu des années 70, illustrant une carrière de plus de cinquante années de labeur et de recherche. Manière noire, eau-forte, aquatinte, pointe sèche sont les procédés de gravure utilisées dans les présentes œuvres. Leur support est la plaque de cuivre sur laquelle Ben Meftah, au moyen des outils : berceau, brunissoir, grattoir, roulette à grain, pointe de diamant, agit en incisant et en traitant le métal. Ensuite, l'artiste passe sur la plaque le vernis ou la résine puis l'acide qui creuse les parties laissées nues du cuivre. Une fois la matrice de l'œuvre ainsi obtenue, l'alchimiste Ben Meftah encre la plaque. Il termine l'opération en imprimant l'épreuve sur un papier dessin de fabrication artisanale, à l'aide d'une presse manuelle spécialement faite pour cet usage. Ce travail patient, minutieux, risqué, exigeant plusieurs étapes, loin de décourager notre artiste, le lance sur le chemin du défi. Nourri des maîtres du clair-obscur tel Rembrandt, à l'époque de son apprentissage dans les Ateliers de l'Ecole nationale supérieure des Beaux-arts de Paris vers la fin des années 70, notre artiste déploie un savoir-faire à nous couper le souffle. Aussi, crée-t-il alors des natures mortes métaphoriques, où seules les valeurs du blanc, du noir et de tous les dégradés de gris fusent devant notre regard sidéré, afin de sortir les formes des ténèbres. Un travail de joaillier qui progresse sur la plaque à graver par centimètre carré, parfois durant une période atteignant trois mois, afin de finir une plaque travaillée à la manière noire, à raison de cinq heures par jour ! Le même travail subtil et précis pour créer ombre et lumière se laisse deviner sur les autres compositions à l'aspect onirique et sensuel, de «Paysage apocalyptique», d'«Hallucinations», de «Catapulte», de «Grand nuage», d'«Escalade», de «Maternité» et autres. Des thèmes universels dont la concrétisation se fait admirer dans des compositions complexes. Une ligne souple et voyageuse fait naître des formes humaines enchevêtrées et fictives, déjouant toute pesanteur. D'un côté, la technique de la manière noire par exemple, qui est exécutée sous forme de lignes — se superposant perpendiculairement quarante fois pour faire ressortir les volumes —, est ardue. D'un autre côté, les formes naissantes travaillées avec d'autres techniques de gravure sont onduleuses, flottantes et nous inspirent liberté et imagination débordante. «Lignes désirantes» de Mohamed Ben Meftah, qualifiées ainsi par la critique d'art et la commissaire de cette exposition Rachida Triki dans son texte de présentation, parce qu'à notre avis, ces lignes découlent de l'élan fougueux, tout humain et naturel du subconscient de leur auteur. En l'occurrence, à notre sens, le sujet principal n'est pas à chercher dans le thème traité, mais bien dans la ligne qui oriente et structure la composition entière. Aussi, cette ligne, en tant que méthode de faire artistique, se lance-t-elle à travers les méandres de l'espace-temps de l'œuvre dans un désir de fusionner, de se libérer, de s'accomplir, d'atteindre les hauts nuages ! En fait, cet artiste s'est toujours placé au-dessus de la médiocrité, des petits calculs et du recours aux chemins tortueux. Dans un objectif ainsi de surpassement, Ben Meftah a choisi la difficulté. Voilà, ce que nous révèle entre autres l'œuvre de ce grand artiste d'une rare discrétion et d'une rare humilité.