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Un projet de loi en deçà des attentes
Opinion
Publié dans La Presse de Tunisie le 08 - 02 - 2017


Par Dr Cherif Moez*
L'enfant, dès sa naissance, est citoyen tunisien, et en tant que tel il est concerné par la Constitution tunisienne. L'article 47 de la Constitution de la IIe République donne à l'Etat et à la famille obligation d'éducation et de protection pour l'enfant en respectant la non-discrimination et en se référant à l'intérêt supérieur de l'enfant dans toute décision qui le concerne.
Le projet-loi des jardins d'enfants et des crèches, pour répondre aux besoins de la première et de la petite enfances, doit traduire la double responsabilité de l'Etat et de la famille dans le strict respect des principes constitutionnels.
Ce projet, élaboré par le ministère de la Femme, de la Famille et de l'Enfance, après avoir eu l'aval du conseil des ministres est présenté devant les députés à l'ARP. Il constitue donc la vision du gouvernement d'union nationale pour l'organisation du secteur.
L'Association tunisienne de défense des droits de l'enfant constate que le projet de loi des crèches et jardins d'enfants n'est pas à la hauteur de notre attente et ne consacre pas les droits constitutionnels des enfants tunisiens. Il ne répond pas non plus aux exigences exprimées dans les conventions internationales ratifiées par la Tunisie et en premier lieu la Convention internationale de droits de l'enfant (Cide). Ce projet de loi, que nous considérons comme essentiel, n'a pas bénéficié de l'attention qui aurait dû lui être consacré par le gouvernement, les partis politiques ou la société civile.
Ce projet de loi s'inscrit dans un projet sociétal qui doit prendre en considération l'évolution de la société tunisienne, sa réalité actuelle et ses perspectives pour répondre à la fois aux besoins des enfants, à ceux de la famille et aux droits des femmes. Selon les dernières statistiques de l'INS de 2014, la famille tunisienne moyenne est composée de 4 personnes : le père, la mère et deux enfants. On est loin du concept de la famille élargie où la solidarité permettait de compter sur les proches pour la protection de la première et de la petite enfances. Ce projet de loi doit prendre en compte les exigences du marché du travail en mobilité et disponibilité des travailleuses et des travailleurs. 30% des femmes travaillent dans les secteurs formel, public et privé. Plusieurs d'entre elles travaillent dans le secteur informel, et ces chiffres sont voués à progresser si on respecte l'engagement de l'état en l'égalité et la parité et le droit au travail pour tous. L'impossibilité parentale d'assurer l'éducation et la protection de leurs enfants dès l'âge de deux mois (voire un mois dans le secteur privé) doit être prise en compte dans ce projet.
Le recul de l'âge du mariage, le nombre grandissant des divorces précoces des jeunes couples, le nombre élevé de naissances hors mariage et la flambée des violences et harcèlement sexuel témoignent du malaise des jeunes et des difficultés qu'ils rencontrent à fonder une famille dans une société conservatrice qui ne laisse pas beaucoup d'espace et de liberté aux relations avant l'engagement marital.
Seulement 40% des enfants tunisiens fréquentent les jardins d'enfants. Ces derniers sont à 80% des institutions privées, difficilement accessibles aux classes sociales démunies ou à revenus modérés ou encore aux familles vivant dans un habitat dispersé. Les régions du centre et de l'ouest, où l'infrastructure est défaillante, sont celles-là mêmes où le cumul des indices de pauvreté, d'exclusion, d'analphabétisme, de chômage et de difficultés d'accès aux soins en fait des zones sinistrées et où l'égalité des chances pour les enfants n'existe pas. Ces régions doivent être une priorité pour l'Etat et cela devrait se concrétiser dans ce projet de loi. Or, l'importance de la relation affective, de l'éducation et de l'alimentation durant la première année de vie et la petite enfance est essentielle, tant pour le développement harmonieux des enfants que pour leur intégration et réussite scolaire ultérieure. On ne peut pas parler d'égalité des chances, d'égalité des citoyens et des citoyennes si on ne porte pas une attention particulière et équitable à cette tranche d'âge. La lutte contre les inégalités et la discrimination positive envers les plus démunis doit se traduire dans ce projet-loi si nous souhaitons rester fidèles à la Constitution et aux engagements internationaux de la Tunisie ainsi qu'au respect des droits humains.
Depuis le préambule du projet-loi, l'enfant n'est pas présenté comme un sujet détenteur de droits. Aucune allusion n'est faite à la constitution de la IIe République et aux articles devant guider l'orientation générale de ce projet. Le soutien que l'Etat est censé fournir à la famille (article 7), l'équité sociale pour laquelle nous devons tous œuvrer (article 12) ne sont pas traduits dans l'esprit du projet. Le devoir de l'administration publique d'être au service du citoyen et d'assurer la continuité de ses prestations telles qu'énoncées dans l'article 15 ne semble pas, selon les promoteurs de ce projet, s'appliquer au citoyen enfant, vu l'absence d'engagement de l'Etat pour la protection des enfants en l'absence de leurs parents. Aucune attention particulière n'est portée à l'obligation de neutralité des institutions éducatives (article 16 de la Constitution) après les multiples tentatives d'enraciner des cultures étrangères dans nos mœurs dans des jardins d'enfants échappant au contrôle de l'Etat et constituant une menace pour l'enfance. Le principe constitutionnel d'égalité des citoyennes et de citoyens consacré par l'article 21 est ébranlé par ce projet qui consacre les inégalités des enfants en n'impliquant pas de façon claire et obligatoire l'Etat dans le secteur de la première et de la petite enfances. Le caractère obligatoire de l'éducation jusqu'à l'âge de 16 ans tel que stipulé dans l'article 39, n'est pas pris en compte, comme si l'éducation commence à l'âge de 6 ans, alors que toutes les études confirment que la réussite scolaire est tributaire d'une éducation préscolaire de qualité. Celle-ci ne se résume pas à l'année préparatoire mais englobe toute la petite enfance!
Le droit au travail (article 40), le droit des femmes (article 46) et les nouvelles réalités sociales présentes et à venir supposent un partage des responsabilités des droits de l'enfant entre l'Etat et la famille tel que l'affirme l'article 47 de la Constitution. Ce projet-loi n'est pas porteur de mécanismes ou de solutions pour garantir leurs droits constitutionnels ni aux enfants, ni aux femmes, ni aux familles tunisiennes.
Enfin, les droits de personnes porteuses d'un handicap ne seront absolument pas pris en compte et le principe de non-discrimination et d'intégration, chaque fois que cela est possible, est absent dans ce projet pour l'enfant citoyen handicapé depuis sa naissance en Tunisie.
Certaines dispositions que nous aurions souhaité trouver dans ce projet sont absentes. Engager les autorités régionales (municipalités) à créer par obligation des jardins d'enfants et des crèches en nombre suffisant en fonction de la densité de la population et surtout en tenant compte des familles nécessiteuses ou à revenu modéré serait le premier pas vers l'équité sociale envers les enfants de la République.
Obliger les promoteurs des nouveaux logements collectifs ou les urbanistes des nouveaux quartiers surtout populaires à prévoir les espaces réservés pour accueillir des crèches et des jardins d'enfants serait une initiative d'intégration des enfants dans notre paysage urbain.
Inciter les entreprises publiques ou privées à créer des espaces d'accueil des enfants de leurs employés, matérialisera l'investissement social de ces entreprises auprès des travailleuses et des travailleurs et le soutien qu'elles apportent à leur famille. Cela ne peut qu'améliorer l'investissement du personnel, promouvoir la rentabilité, diminuer l'absentéisme et enraciner un sentiment d'appartenance qui assainira le climat social.
Orienter vers la révision du temps de travail et la durée du congé de maternité qui doit, sur la base de l'égalité, être le même pour les secteurs public et privé. Introduire la notion de congé parental serait utile pour tendre vers la notion de parité et faire assumer aux pères leur part de droit et d'obligation envers leurs enfants. La responsabilité d'éducation et de protection doit être une responsabilité partagée.
Certains articles proposés dans le projet loi ne garantissent pas le niveau de protection escompté, surtout après toutes les dérives qu'a connues le secteur et aboutissant à des drames extrêmes, tels que des décès de nourrissons dans des crèches non autorisées ou des viols d'enfants ou encore de handicapés dans des institutions spécialisées par des membres du personnel. Les autorisations d'ouverture doivent être plus encadrées par la loi ainsi que le recrutement du personnel et le rythme des contrôles. La formation initiale et en cours doit être une exigence pour tout le personnel et pour les responsables de ces institutions, la compétence étant le plus grand garant de la qualité des prestations fournies aux enfants. L'intervention de la médecine scolaire est un impératif pour garantir le droit à la santé de tous les enfants et la mise en œuvre des programmes nationaux de médecine préventive. Le côté curatif peut être confié à un médecin de libre pratique, mais dans le cadre du contrat d'assurance obligatoire que payent annuellement tous les parents lors de l'inscription de leurs enfants. Enfin, la santé mentale et la détection de troubles du comportement, d'apprentissage ou du langage doivent être systématiquement intégrées dans les programmes de médecine préventive.
Enfin, les peines prévues par la loi ne sont pas à la hauteur de l'infraction d'autant qu'il y a un principe de préméditation et que les infractions sont commises et qu'elles sont exercées par des personnes assumant une responsabilité envers des petits citoyens démunis de toute possibilité de recours ou de signalement. Elles ne constituent pas un facteur de protection et de prévention. Des mesures plus sévères joueront certainement un rôle dissuasif plus important et auront un impact préventif plus efficace. Le ministère de la Femme, de la Famille et de l'Enfance est en charge de la politique et de la stratégie du gouvernement dans ces domaines. Parmi les projets déjà mis en œuvre figure « La Politique intégrée de protection de l'enfance (Pipe) ». Projet achevé qui a reçu l'agrément du conseil des ministres. Le projet-loi des jardins d'enfants et des crèches devrait être une première pierre dans l'édifice, d'autant qu'il est présenté par le même ministère! La réalité est que ce projet est loin d'être à la hauteur des ambitions présentes dans le Pipe.
A travers ce projet, nous devons tous consacrer une vision du projet sociétal enraciné dans sa culture, ouvert et moderniste, offrant aux générations futures une stratégie d'Etat globale visant l'épanouissement de la famille, de la femme et des enfants de la République.
*(Président de l'Atdde)


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