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Secteur médical : esquisse d'un diagnostic
Tribune
Publié dans La Presse de Tunisie le 09 - 02 - 2017


Par Azza Filali
Il a fallu les événements fâcheux dont ont été victimes deux jeunes médecins, emprisonnés sur une présomption de culpabilité par des juges peu soucieux de la Constitution pour que le malaise de la médecine et des médecins soit remis sur la table et soumis aux feux des médias.
Difficile de résumer en un article, si long soit-il, l'accumulation de problèmes affectant depuis des années la médecine dans notre pays. Sans doute, pour le médecin que je suis et qui a passé des décennies dans un hôpital public, un exercice s'impose pour dégager les grandes failles qui ont contribué, lentement, insidieusement, à l'état actuel de notre système de santé.
Deux anomalies majeures expliquent, en grande partie, ce que vit aujourd'hui le secteur médical et il n'est pas étonnant qu'elles soient toutes deux d'ordre politique. La première réside dans l'absence d'un «code de santé», légiférant l'exercice de la médecine et régentant aussi bien l'activité des médecins, que les droits des malades. Pour revenir aux événements des derniers jours, un tel code aurait permis d'identifier (ou non) s'il y avait vraiment faute médicale, d'en circonscrire les limites, et de standardiser l'attitude à l'égard du médecin. Qu'on arrête de voir des médecins traités comme présumés coupables jusqu'à ce qu'on démontre leur innocence....
Seconde anomalie majeure : le manque de continuité décisionnelle au sein du ministère de la Santé qui fait que des décisions antérieures prises ne soient pas appliquées, qu'à chaque nouvelle équipe, on assiste à une valse des responsables au sein du ministère. De tels changements de personnes sont particulièrement nuisibles si on veut mener à bien des décisions qui souvent nécessitent suivi et persévérance et mettent plusieurs années pour voir le jour.
Ces deux anomalies ne suffisent pourtant pas à expliquer les grandes failles du système qu'on va tâcher d'aborder successivement :
Le naufrage du secteur public : est la faille la plus flagrante. Depuis des années, les hôpitaux coulent, doucement mais sûrement. A cela, deux explications :
Un virage progressif (quoique non déclaré) dans les choix étatiques, en faveur des structures privées. Au cours des quinze dernières années, les cliniques ont poussé comme des champignons, florissantes, tandis que les hôpitaux, criblés de dettes, voyaient leurs équipements devenir de plus en plus vétustes. Ce virage en faveur de la privatisation du secteur, remonte à l'époque de Ben Ali et s'est opéré presque en même temps dans le domaine de l'Education nationale. Résultat : nous avons aujourd'hui une médecine à deux vitesses, mais aussi un système éducationnel à deux vitesses. Ici, le mot clé est l'argent : celui du secteur privé qui se fait payer grassement et dont les médecins gagnent des sommes sans commune mesure avec les salaires de leurs collègues du public, et cela, à compétence et à diplômes égaux (voire inférieurs pour les médecins du privé)
Seconde cause à l'effondrement du secteur public : lorsque l'Etat a décidé de retirer une partie de ses investissements aux hôpitaux publics (hôpitaux universitaires compris), les transformant en « établissements publics de santé », assignés à faire rentrer de l'argent, de manière à couvrir leurs frais de fonctionnement. Faire rentrer de l'argent, de quelle manière ? Essentiellement par le biais des patients affiliés à la Cnam : soignés à l'hôpital grâce à leur carte d'adhérent, (moyennant un paiement minime) : de sorte que l'hôpital «avance» le montant réel des soins prodigués au patient, puis est ensuite remboursé par la Cnam. Mais, d'une année à l'autre, le déficit de la Cnam n'a fait que se creuser, de sorte que les hôpitaux ne sont plus remboursés par la Cnam à hauteur des montants investis. Ces hôpitaux, criblés de dettes, sont parfois incapables de répondre aux demandes des services hospitaliers, qu'il s'agisse d'équipements ou de consommables. A cela s'ajoutent des lourdeurs administratives qui ralentissent l'obtention de certains produits, ce qui grève le travail quotidien. Malgré tout cela, l'hôpital public tient vaille que vaille et parvient à satisfaire dans la mesure de ses moyens les demandes des malades. N'oublions pas que 80% des citoyens tunisiens font appel aux structures hospitalières.
Seconde anomalie : le déséquilibre public-privé, qui a profondément affecté la vigueur du système ainsi que le «mental» du personnel médical. Comment empêcher un médecin hospitalier de comparer ses conditions de travail et ses émoluments à ceux de son collègue du privé ? A cela, quelle solution a trouvé l'Etat ? Rétablir le système nommé «Activité privée complémentaire» (APC) permettant aux médecins hospitalo-universitaires d'exercer une activité privée bihebdomadaire, afin d'arrondir leurs fins de mois. De cette APC, le résultat le plus tangible a été la désaffection progressive d'un grand nombre de médecins hospitaliers pour le secteur public et leur fuite vers les cliniques. Résultat : pour bien des médecins engagés dans «l'APC», le temps consacré à l'hôpital s'amenuise comme peau de chagrin ; la plupart ne font plus de consultations publiques, quittent leurs services peu avant midi, d'autres démissionnent de leurs fonctions pour aller s'installer en ville. Quand l'argent s'en mêle....
Toutefois, il faut se méfier des simplifications abusives : la majorité des médecins tunisiens sont habités par un grand amour pour leur métier, une envie de se dévouer et de bien faire. Chacun garde au cœur le souvenir d'un « patron », l'ayant marqué par son savoir-faire et sa stature, tant professionnelle qu'humaine et morale. Cependant, et par une indéniable schizophrénie, ils aspirent aussi à jouir d'un revenu que justifient leurs longues années d'études et la lourdeur du travail qu'ils assument. Ailleurs, ce problème a été réglé par une hausse conséquente du salaire des médecins hospitaliers ; ceci, joint à la qualité des conditions de travail à l'hôpital, suffit en général à les motiver et les retenir.
Cette médecine bicéphale reflète le schisme qui rompt en deux la population tunisienne: d'un côté les nantis qui fréquentent les cliniques, et se font explorer et soigner au prix fort. De l'autre, la majorité des citoyens qui en sont encore à comptabiliser le prix d'un déplacement en louage ou en taxi jusqu'à l'hôpital. Ceux-ci subissent sans broncher les consultations débordées, les conditions d'hospitalisation (avec encore des salles communes et des toilettes au niveau d'hygiène souvent inacceptable). Ils dépendent des médicaments fournis par l'hôpital, moyennant une inscription en consultation et attendent de longs mois pour se faire opérer d'une hernie ou d'une vésicule. Entre les deux extrêmes, la classe moyenne tente de se hisser vers le haut du panier et s'endette souvent pour payer les frais d'une exploration ou d'une intervention dans le privé.
Cette médecine à double vitesse rejaillit fâcheusement sur l'opinion que la population a de la profession médicale : la tendance générale consistant à mettre tous les médecins dans un même panier et à considérer qu'il s'agit d'un groupe de nantis, gagnant des sommes astronomiques et s'arrangeant pour rouler le fisc. Cette image caricaturale est partagée par le citoyen lambda et par une grande frange de la classe politique. Elle comporte sans doute une part de vérité pour une minorité de médecins, mais son tort majeur est de dénigrer toute une profession, laquelle devrait jouir d'un quota de confiance et d'estime auprès de la population. Cette profession est pour l'essentiel composée d'êtres à la compétence avérée et au dévouement professionnel indéniable. De telles qualités sont souvent reléguées au second plan, la tendance la plus facile (et la plus médiatique), étant d'épingler les anomalies ponctuelles et d'ignorer l'efficacité et la valeur qui restent la règle.
Troisième anomalie du secteur : la désaffection des médecins pour des postes à l'intérieur du pays. A cela, les différentes solutions proposées, voire imposées, sont demeurées inopérantes. Pour la plupart des jeunes assistants hospitalo-universitaires, l'année obligatoire à «purger» dans un hôpital de l'intérieur n'est qu'un mauvais moment à passer avant de réintégrer la ville qu'ils ont quitté, et bien peu d'entre eux consentiront à s'installer là où ils ont effectué cette année de « volontariat ». Dans ce sens, rien ne sert de programmer la construction d'hôpitaux (qui plus est universitaires) alors qu'on n'est pas certain de convaincre et de fidéliser une population médicale pour faire fonctionner ces structures selon la qualité requise.
Quatrième anomalie qui contribue au déséquilibre du secteur : le vieillissement de la population et le changement des pathologies auxquelles les médecins sont confrontés. Ce changement s'est fait dans le sens d'une augmentation remarquable du nombre de cancers et de maladies chroniques, pathologies demandeuses d'explorations et de soins particulièrement coûteux. La plupart du temps, de tels malades atterrissent à l'hôpital, ce qui grève le budget hospitalier et prolonge de plusieurs semaines la durée d'obtention des bilans ainsi que l'attente des malades.
Dernière anomalie et non des moindres : le changement d'attitude des malades à l'égard du corps médical. L'agressivité des patients apparue depuis 2011, est allée grandissant, agressivité non seulement verbale, mais aussi et souvent physique. Que de médecins insultés, violentés, par des malades dont l'exigence à l'égard du médecin est aussi grande que leur ignorance du cas de leur patient. Que celui-ci ne s'améliore pas comme ils le désirent et voici le médecin coupable de négligence, de faute, ou de n'importe quoi d'autre... Si cela peut consoler certains, les citoyens qui se pressent le soir aux urgences des hôpitaux ne diffèrent pas beaucoup des juges qui ont jeté deux médecins en prison, alors qu'ils n'avaient aucune preuve de leur culpabilité...


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