Le ministre de l'Economie numérique a affirmé que les objectifs planifiés pour les différentes composantes du projet «Tunisie digitale 2020», notamment en termes de création d'emplois, sont loin d'être réalisables vu le faible avancement des réalisations, estimé à 5%, alors que 20% des projets programmés sont en cours de réalisation. 75% sont restés au stade d'idées. Les Français, à travers l'Alliance franco-tunisienne pour le numérique, ambitionnent d'être le premier partenaire numérique de la Tunisie. Un important opérateur français du numérique débarquera en Tunisie en cette année 2017 Le ministre des Technologies de la communication et de l'Economie numérique, Anouar Maârouf, a affirmé, hier lors d'un déjeuner-débat organisé par la Chambre tuniso-française de commerce et de l'industrie, Ctfci, en présence de l'ambassadeur de France en Tunisie, Olivier Poivre-d'Arvor, qu'un constat « sévère » a été déduit du faible avancement du projet «Tunisie digitale 2020». Un projet qui peine à décoller alors que des avancées ont été réalisées notamment pour ce qui est de son cadre juridique, avec 75% des projets qui ne sont pas encore réalisés ! Le processus de financement de plusieurs projets est assez compliqué et tellement lourd et dépassant les deux ans sans financement, ces projets doivent être revus... Le ministre s'est dit non-satisfait de l'avancement des grands projets inclus dans la stratégie «Tunisie digitale 2020» et a souligné la volonté du gouvernement d'accélérer le rythme de réalisation des composantes du projet à travers notamment le doublement d'efforts et en se dotant des outils nécessaires. Dans ce sens, Maârouf a indiqué que l'apport du secteur privé est important dans ces efforts de relance. « Les objectifs inscrits pour ce grand projet sont très ambitieux et le débat d'aujourd'hui tourne autour des solutions qui pourraient impulser l'investissement privé dans l'économie numérique. De notre part, nous allons réduire les obstacles auxquels font face les investisseurs dans le secteur numérique. Dans ce sens, en cette année 2017, nous travaillons sur un ensemble de projets de loi structurants. Le premier concerne le nouveau code numérique qui va encadrer le marché numérique qui est en train de se développer en Tunisie. Le deuxième projet de loi est celui d'un cadre juridique d'accompagnement des start-up, ce qui va booster l'innovation, cœur même de ce secteur perpétuellement en mutation. Le troisième projet sur lequel nous travaillons est une loi pour la protection du pays des cybercrimes. C'est que pour que la Tunisie devienne une plateforme internationale des technologies numériques, il faudra gagner la confiance numérique. Une telle ambition ne peut être réalisée que lors qu'on aura un cadre juridique complet luttant contre la cybercriminalité, préservant les données personnelles, et protégeant les libertés individuelles et d'accès aux réseaux numériques », a déclaré le ministre. Et d'ajouter : «D'autre part et afin d'accélérer la mise en œuvre de ces lois, nous sommes en train de travailler sur un projet de loi relatif à la création d'un organisme qui aura une légitimité horizontale pour pouvoir piloter les projets inclus dans la stratégie « Tunisie Digitale 2020 ». Cet organe doit être doté d'une indépendance financière et de gestion à même de lui conférer le pouvoir de gestion des compétences tunisiennes correspondant aux besoins de ces projets et d'accélérer leur réalisation». Pour sa part, le président de la Ctfci, Foued Lakhoua, a rappelé les axes majeurs sur lesquels s'articule la stratégie « Tunisie Digitale 2020 » dont la connectivité à haut débit, le développement du e-commerce, la numérisation de l'administration et des départements gouvernementaux et le e-government. Avancement sur certains projets En attendant l'installation de cet organe de pilotage, le ministre a affirmé que plusieurs projets sont en cours de réalisation dont la gestion numérique des correspondances qui est à généraliser dans tous les ministères d'ici 2018. « Aussi, notre département vient de publier le cahier des charges relatif à l'Internet des objets très attendu notamment par les start-up et des licences seront données à leurs demandeurs. De même, nous travaillons sur un appel d'offres pour les opérateurs d'infrastructures, et ce, pour améliorer la couverture des réseaux. Ce cahier des charges est prêt et sera publié dans les prochains jours. Notre objectif est de présenter au mois de juin le nouveau code numérique et pour les autres projets de loi, celui qui sera prêt sera automatiquement présenté », a précisé Anouar Maârouf. Le ministre a indiqué que la création du Conseil stratégique de l'économie numérique demeure un acquis même si ce dernier ne se réunit pas assez souvent. Concernant la gestion électronique des correspondances, le ministre a affirmé que l'utilisation des signatures électroniques est déjà en vigueur, notamment avec des certificats électroniques. Ce qui manque, selon lui, est la culture de l'usage de telles méthodes, ce qui nécessite un certaine courage. « Il faut que les gens osent ! », a lancé le ministre. Arrivée d'un important opérateur français du numérique L'ambassadeur de France en Tunisie, Olivier Poivre d'Arvor, tout en rappelant que la France est le premier partenaire économique de la Tunisie, a affirmé que cette dernière doit être le premier partenaire digitale en accompagnant la vision tunisienne par des investissements. Et d'ajouter : «Je pense que la prochaine visite du Premier ministre français en Tunisie, la deuxième d'un Premier ministre français en quatre mois, va permettre d'affirmer le redémarrage de l'alliance franco-tunisienne pour le numérique. Cette alliance qui a été créée en 2013 et qui avait pour objet de soumettre ensemble, tunisiens et français, des projets à destination d'autres pays notamment l'Afrique. La Tunisie est un hub formidable à la fois pour l'Afrique et pour les pays du Golfe. Je pense qu'à travers cette alliance, on peut développer ces relations et il faut qu'on fasse venir ici un important opérateur pour le numérique et nous nous sommes fixé cet objectif pour l'année 2017 ». L'ambassadeur de France a souligné qu'avec le débarquement d'un gros opérateur français, on passera d'un niveau de taille à une échelle différente et plus importante. Cela constituerait, d'après lui, un accélérateur dans une révolution digitale que tous les pays mènent « mais que la Tunisie, mieux que quiconque dans cet ensemble régional, peut mener ». Pour ce qui est de l'alliance franco-tunisienne pour le numérique, il a affirmé qu'il faut en revoir le modèle de gouvernance et celui économique. « Il faut se fixer des objectifs d'un autre niveau que de la simple mission conjointe au Cameroun ou au Nigeria et qui sont très bien d'ailleurs. Pour toucher des pays du Golfe, quoi de mieux que de faire une alliance franco-tunisienne dans ce domaine-là ?». Cette alliance nous rappelle l'un des piliers de la vision numérique de la Tunisie qu'est l'offshoring, outre l'amélioration de l'infrastructure, l'e-gov et l'e-business, les retombées socio-économiques et la quête de leadership sur le segment numérique, sur lesquels s'est étalé le ministre des Technologies de la communication et de l'Economie numérique, Anouar Maârouf, lors de son allocution d'ouverture. «Tenir les engagements de la France après Tunisia 2020» Concernant la visite du Premier ministre français, Bernard Cazeneuve, l'ambassadeur a affirmé qu'il fera le déplacement pour « tenir les engagements de la France après « Tunisia 2020 » et montrer que la France est le premier pays à tenir ses engagements puisque l'Agence française de développement notamment s'engage avec 250 millions d'euros par an et commence à mettre en place des projets pour 2017 ». L'engagement de la France est d'une valeur d'un milliard, deux cent cinquante millions d'euros sur les cinq ans 2016-2020, alors que les échanges entre la Tunisie et la France en numériques s'élèvent à 2 millards huit cents millions d'euros, y compris les télécommunications. Poivre d'Arvor a indiqué qu'il faudra aussi aller dans le sens de la conversion de la dette qui, selon lui, « s'applique pour l'instant à des sujets de santé, d'éducation et, pourquoi pas, dans le domaine du numérique ». Il a souligné que le Premier ministre français devrait être accompagné, dans sa première visite en Tunisie, par des hommes d'affaires dont notamment le chef d'une grande entreprise du domaine numérique. Le diplomate français a précisé que cette visite sera très économique, notamment à travers le suivi de la conférence « Tunisia 2020 », et qu'elle sera politique et portera en outre sur les questions sécuritaires «alors que la Tunisie est actuellement aussi sûre que la France».