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Le mal-vivre dans la cité des Aghlabides
Enquête — Vague de suicides à Kairouan
Publié dans La Presse de Tunisie le 28 - 02 - 2017

Les mauvaises conditions socioéconomiques et l'absence d'écoute et d'encadrement au sein du milieu familial et scolaire conduisent souvent au suicide de jeunes qui se sentent marginalisés et incompris.
Quand un enfant se suicide, ce n'est pas un fait divers. C'est un drame national
La propagation du suicide dans le gouvernorat de Kairouan devient un phénomène inquiétant d'autant plus qu'on y enregistre le taux le plus élevé au niveau national, à savoir 16,2%. Ainsi, rien qu'en 2016, il y a eu 120 cas de suicide et de tentatives de suicide sur un total de 780 cas à l'échelle nationale, et ce, à cause de difficultés sociales et familiales, du manque d'encadrement psychologique, d'agressions physiques et sexuelles, de la consommation de drogues. En outre, la multiplication des couvertures médiatiques à sensation, qui présentent le suicidaire comme étant un héros, a eu des effets négatifs auprès de gens vulnérables.
Depuis le mois de janvier 2017 et jusqu'à aujourd'hui, on a enregistré une dizaine de cas de suicide et de tentative de suicide ayant touché des individus âgés entre 16 et 92 ans, dont Ramzi Messaoudi, un élève inscrit en première année de l'enseignement secondaire, qui s'est immolé par le feu dans la cour de son lycée Tahar-Haddad à Bouhajla. D'où la panique de ses camarades dont la plupart ont perdu connaissance, vu l'atrocité du spectacle macabre, ce qui a nécessité l'arrivée d'importantes délégations d'assistantes sociales et de psychologues pour leur prise en charge psychique et leur suivi au niveau de l'encadrement.
Officiellement, la cause de cet acte de désespoir serait due au fait que Ramzi a eu un différend avec l'un de ses professeurs ayant entraîné son prochain renvoi en conseil de discipline.
Pour en savoir un peu plus, nous nous sommes rendus au village de Jhina Sud où vit sa famille composée de ses deux parents, de ses deux sœurs et de son frère.
Nous avons trouvé des personnes effondrées et encore sous le choc. Sa maman, qui est non voyante et qui souffre d'un cancer dont elle a été opérée deux fois, ne put retenir ses larmes en nous confiant qu'une de ses filles a essayé de se suicider en avalant une grande quantité de médicaments, et ce, à cause du suicide de son frère : «La nouvelle de sa mort a sonné comme un coup de tonnerre. C'est un tsunami qui a balayé notre bonheur familial. Toute notre existence a basculé depuis que Ramzi est parti dans un autre monde car il ne supportait plus de voir la dégradation de ma condition physique. De plus, au lycée, il n'y a même pas de salle de permanence, ce qui l'oblige à rester dans la rue toute la journée en attendant les cours de fin d'après-midi... Je remercie, malgré tout, tous ceux qui nous ont rendu visite pour nous soulager, surtout que ma fille est maintenant hospitalisée!».
En écoutant ces confidences, le cœur nous manqua... Il était 15h00, seules quelques femmes toujours affairées affrontaient la poussière des chemins comme des taches de lumière. On pourrait raconter la sérénité de trois jeunes bergers qui surveillent un troupeau de moutons, on pourrait raconter l'âne solitaire qui emprunte inlassablement les mêmes sentiers, mais il y avait le malheur d'une famille ayant subi un énorme choc émotionnel qui aura besoin de beaucoup de soutien moral, matériel et psychologique.
Quelles sont les causes de ce fléau ?
Notons dans ce contexte que dans la délégation d'El Ala, on enregistre le plus haut taux de suicides dans le gouvernorat de Kairouan, et ce, à cause de mauvaises conditions socioéconomiques, de problèmes psychologiques, d'un taux important de décrochage scolaire et d'analphabétisme. Tous ces indicateurs placent El Ala à la 260e place au niveau des 264 délégations du pays. Et depuis le suicide de la jeune élève Chiraz qui était déprimée à cause de mauvaises conditions d'études et d'hébergement au sein de son collège, on a enregistre au cours de cette même année beaucoup d'actes de désespoir, et ce, par effet d'imitation.
Ainsi, Mohamed Oueslati, âgé de 14 ans et inscrit au collège de Dhibet, s'est suicidé à cause de ses mauvaises notes. Plus loin, au groupement rural de Brahmiya, on a enregistré deux cas de suicide au sein d'une même famille, Abdelhamid (10 ans) inscrit en 4e année primaire qui s'est jeté dans un bassin et sa cousine Ahlem (12 ans) s'est pendue à un arbre à cause de la misère, de la détresse et de l'abandon scolaire. D'autres jeunes adolescents, brisés sur le plan psychique, ont choisi de se donner la mort par pendaison, tels les cas de Khouloud (9 ans) de la zone de Ennagaz, Jasser (13 ans) de Sayada.
En fait, le traitement médiatique du suicide a eu des répercussions néfastes sur des individus désemparés.
Et vu le nombre important d'écoles (312), de collèges et de lycées (74) dans le gouvernorat de Kairouan, il est difficile d'y installer des cellules d'écoute avec pour mission de fournir l'encadrement psychologique aux élèves ayant des soucis personnels pouvant les mener au suicide, et ce, à cause du manque de moyens de transport et de psychiatres.
«C'est pourquoi, nous explique M. Moez Lebib, sous-directeur à la direction régionale de l'éducation, on a créé, au sein de quelques établissements ayant des problèmes de comportements, des cellules d'écoute gérées par des assistantes sociales et des surveillants coordinateurs, et ce, dans le cadre d'une stratégie globale de lutte contre le suicide des jeunes...».
On citerait l'exemple du collège d'El Ala où était inscrite la défunte Chiraz où M.Mouldi Sboui, surveillant coordinateur, fait un excellent travail puisqu'il est en contact permanent avec les élèves : «Personnellement, je me suis porté volontaire pour accomplir cette noble mission, étant donné que je suis souvent à l'écoute des élèves qui présentent des signes alarmants, surtout en cas d'absences répétées et de problèmes de discipline et de violence en classe ou dans la cour. Ainsi, l'année dernière, j'ai rédigé 15 rapports aux directions régionales de l'éducation, de la santé et des affaires sociales. Ce qui a permis de sauver la vie d'élèves qui avaient tenté de se suicider. Donc, mon travail consiste à prévoir les actes de désespoir et d'en informer les parties concernées...»
Manque de valeurs sociales
M.Badreddine Ben Saïd, chercheur en sociologie, nous explique que le phénomène du suicide touche surtout les personnes vulnérables qui n'arrivent pas à surmonter leurs pensées compulsionnelles, leur situation socioéconomique lamentable et leur manque de confiance en soi : «En outre, l'absence de valeurs sociales et morales, le manque de liens solides, un champ politique anxiogène, un pays presque ingouvernable et à forte stagnation économique, la marginalisation et la pauvreté, favorisent les troubles psychologiques et les tentations suicidaires. C'est pourquoi il faudrait ne pas glorifier les actes de suicide comme on l'a fait avec Bouazizi, tout en inculquant les bonnes valeurs morales et résolvant les problèmes socioéconomiques et de développement...».
M. Radhouen Fatnassi, président de la section régionale du Forum tunisien des droits économiques et sociaux, renchérit : «Le taux des écoles et des lycées où il existe des cellules d'écoute est très faible et leurs activités sont en deçà des attentes. Rares sont les cellules qui font preuve de dynamisme en protégeant les adolescents contre la délinquance et le mal-être, et ce, en leur donnant l'occasion d'exprimer leurs problèmes personnels.
En fait, le psychiatre est un aspirateur de détresse et de désespoir, ce qui permet de relativiser les situations les plus insurrectionnelles dans nos institutions éducatives gangrenées par la violence. Et afin de stimuler la vie scolaire et lui apporter un nouveau souffle, il faut promouvoir les clubs de spécialité avec pour objectif de contribuer à l'épanouissement de l'élève, à l'éclosion de ses dons cachés et à mieux connaître ses désirs profonds à travers des activités multidisciplinaires à dimension ludique et culturelle...».
Omerta au sein du centre médico-scolaire et universitaire à cause de la circulaire n°4
Lorsque nous avons contacté les responsables du centre médico-scolaire et universitaire pour avoir des informations concernant leurs programmes en faveur de la jeunesse et leurs besoins en cadres (psychiatre et psychologue), on nous dit qu'il fallait avoir une autorisation écrite et signée par la directrice régionale de la santé, et ce, à cause de la nouvelle circulaire n°4. Nous avons beau leur expliquer que nous avons eu une autorisation orale de la part de la responsable qui était en déplacement à Nassrallah, en vain ! Ce fut l'omerta...
Dans le passé,
on était pauvre et on ne se suicidait pas !
Mme Rym Saïdani, assistante sociale, nous explique que l'adolescence est une période de la vie extrêmement importante pour la construction de la personnalité : «Malheureusement, parfois, elle se fait dans la douleur et la souffrance. En outre, cette période peut durer beaucoup plus longtemps qu'on ne le croit en raison d'une scolarité longue et difficile, d'un mariage tardif ou de difficultés à trouver du travail. Dans ce cas, il est important que les adolescents trouvent un soutien continu et un accompagnement des parents et de l'institution éducative. D'où l'importance de la cohésion familiale dans cet accompagnement. Dans le passé, les gens étaient très pauvres mais ne se suicidaient pas car les liens sociaux et familiaux étaient très solides, ce qui permettait de franchir l'adolescence sans gros problèmes ! De nos jours, on est dépassé par l'ampleur du fléau du suicide qui touche surtout des jeunes laissés pour compte et écrasés sous le fardeau des frustrations, de l'échec scolaire et du stress. A mon avis, il faudrait réfléchir à des mécanismes à même de lutter contre le suicide et mettre à la disposition des jeunes des structures d'écoute, d'orientation et d'accompagnement psychologique, tout en assurant le suivi permanent pour ceux qui ont tenté une fois de mettre fin à leurs jours...».
Des écoles envahies par les chiens et les reptiles
Beaucoup d'écoles primaires en milieu rural sont dépourvues de clôture, d'eau potable et de blocs sanitaires, ce qui explique la présence de chèvres, de chiens et même de reptiles devant les salles de classe.
On citerait l'exemple de l'école Mrayhia située près de l'oued Marguellil entourée de forêts denses, à 7km de Haffouz-centre, qui ne possède ni clôture, ni eau potable, ni bloc sanitaire. C'est ainsi qu'au cours de l'après-midi du 22 février, un serpent venimeux long de 2 mètres a failli provoquer un drame au sein de cette école fréquentée par 120 élèves, n'eût été la présence d'esprit d'un instituteur, Fethi Mansouri, qui l'a immédiatement tué.Une jeune bergère qui a vu la scène s'est évanouie, sans oublier la panique des jeunes élèves.
Autre exemple, l'école Aouled Aïssaoui, située dans un village à Haffouz, n'est pas protégée par une clôture et ne dispose même pas d'un bureau de directeur.
De ce fait, les instituteurs dont des femmes enceintes restent débout près des poubelles entourant l'environnement immédiat de cette école primaire fréquentée par 150 élèves, en attendant le démarrage de leurs heures de cours. En outre, certains élèves ont été atteints par l'hépatite à cause de la présence d'un dépôt de déchets anarchique.
Cela sans oublier les heures qu'ils passent dans la nature avec tout ce que cela comporte comme risque de délinquance et d'agression pouvant conduire au suicide.


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