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«Il y a maintenant suffisamment de sécurité pour que le tourisme reprenne»
Entretien avec... le vice-premier ministre et ministre des Affaires étrangères belge, Didier Reynders
Publié dans La Presse de Tunisie le 03 - 03 - 2017

En visite officielle à Tunis, Didier Reynders, vice-Premier ministre et ministre des Affaires étrangères belge, s'est entretenu avec bon nombre d'officiels tunisiens, notamment avec le président de la République, le chef du gouvernement, mais aussi avec le ministre de l'Intérieur pour parler sécurité. Didier Reynders explique à La Presse dans cette interview que sa décision d'assouplir l'avis de voyage n'est pas une réponse à une demande politique, mais qu'elle se base sur les rapports des services de sécurité belges. Sur le dossier du retours des terroristes, le ministre belge appelle à la collecte de tous les éléments de fait, qui pourraient servir à poursuivre les auteurs de crimes de guerre et de crimes contre l'humanité, et ce, que ce soit devant les juridictions nationales, devant la CPI, ou même devant des juridictions spéciales.
Vous avez fait une série de rencontres avec des officiels tunisiens, est-ce que, comme l'Allemagne, vous venez principalement parler sécurité à Tunis ?
C'est bien évidemment l'un des thèmes importants mais certainement pas le seul. La première chose qui nous intéresse à Tunis est de voir comment le mouvement vers la démocratie peut se poursuivre et il se poursuit notamment à travers la décentralisation et donc de renforcer vraiment l'ancrage démocratique. La Tunisie est le meilleur exemple de la transformation de ce qu'on a appelé le printemps arabe en un véritable engagement démocratique. A côté de cela, il y a le développement économique et les thèmes sécuritaires.
Sur le plan sécuritaire justement, qu'avez-vous demandé à Tunis ?
Nous avons d'abord fait le point de la situation. Nous avons connu un peu partout et en Belgique aussi des attentats terroristes ces dernières années et je dois dire qu'à la suite de l'attentat du Bardo et de Sousse, on a bien dû constater qu'il y a un manque en matière de sécurité et on peut le comprendre. La Tunisie n'avait pas l'habitude des phénomènes terroristes et il n'y avait pas non plus d'organisation des services de sécurité à même de vraiment réagir. Ce qui s'est passé, c'est que nous avons pris des mesures pour dire qu'il y a un vrai danger, notamment les avis de voyage. Mais nous avons aussi décidé de collaborer et nous avons très fortement renforcé la coopération militaire et la coopération entre les services de police. Nous l'avons fait avec d'autres, l'Allemagne, les Etats-Unis, etc., qui ont beaucoup investi. Maintenant, nous avons un vrai contrôle de la frontière avec la Libye et une présence des forces de l'ordre qui est plus importante dans les hôtels, autour des hôtels, à l'aéroport. Mais pas seulement une présence, les forces de l'ordre sont bien formées et la Belgique y a contribué. La police est aussi mieux équipée. Toutes ces évolutions font qu'aujourd'hui il y a un changement très positif en matière de sécurisation. Cela dit, le risque zéro n'existe évidemment pas.
Dans l'avenir, nous sommes en train de voir comment on pourrait travailler ensemble pour affronter ce qui est un enjeu commun, partout dans le monde. Cela, j'en ai parlé avec le ministre de l'Intérieur, passe par un renforcement des échanges de renseignements entre services de police.
Votre homologue a salué la décision de la Belgique de lever partiellement l'interdiction de voyage. Or certaines organisations demandent, vous demandent à vous personnellement, de lever toutes les interdictions, notamment dans les régions de l'intérieur là où il faut de l'investissement.
Nous n'avons jamais rien interdit, ce que fait le ministère des Affaires étrangères c'est de donner un conseil aux voyageurs belges qui veulent aller dans un pays donné. Nous avions donc déconseillé très fortement les voyages en Tunisie, pourquoi ? Parce que nous sortions d'un attentat au Bardo, puis peu après un autre à Sousse et nous avions constaté les lacunes en matière sécuritaire. Depuis, j'ai demandé à plusieurs reprises des évaluations, par nos services de sécurité et d'autres partenaires européens, de la situation sécuritaire en Tunisie. Ces mesures ont probablement créé un choc, pas seulement des autorités tunisiennes qui ont investi dans la sécurité mais aussi de la communauté internationale qui a beaucoup investi en Tunisie dans ce domaine.
A partir du moment donc où nos services de sécurité nous disent que la sécurité s'est améliorée, on peut modifier l'avis, ce que j'ai fait. La modification de l'avis vise à dire qu'à Tunis et le long de la côte, il y a maintenant suffisamment de sécurité pour que le tourisme puisse reprendre, mais avec de fortes mesures de précaution, en redisant aux voyageurs qu'il n'y a pas de risque zéro.
Mais, il y a toujours des combats à caractère militaire, à la frontière algérienne, au sud. La frontière libyenne aussi reste délicate à contrôler, donc on ne peut pas conseiller de se rendre dans ces zones. Et à l'intérieur du pays, nous n'avons pas le même niveau de mesures de sécurité.
Mais pour Djerba, par exemple, vous n'avez pas non plus modifié l'avis de voyage
Pour Djerba, nous allons travailler ensemble de nouveau, avec les services tunisiens pour voir comment améliorer la situation. La ministre du Tourisme, Mme Selma Elloumi, m'en a parlé également. Je n'exclus pas qu'on aille plus loin dans un « avis » plus favorable, mais cela ne dépend que d'une seule chose : des rapports que nous aurons des services de sécurité. Ce que je veux dire, c'est qu'il ne s'agit pas de répondre à une demande politique, il s'agit vraiment de dire la réalité des choses. Autant nous avons dit une réalité très dure après les attentats de 2015, autant aujourd'hui je suis très heureux de pouvoir dire que la situation a changé. Mais lisez l'avis, nous y donnons une situation très crue. On nous demande d'aller plus loin, c'est très bien, mais je vais d'abord en parler avec des collègues européens qui eux n'ont pas encore fait la démarche que nous avons décidée. Il y a des pays européens qui restent beaucoup plus restrictifs que nous. Je suis heureux de voir que certains tour-opérateurs ont repris le chemin de la Tunisie.
Certains médias belges disent que c'est bien le ministre-président M. Rudy Demotte qui vous a finalement « convaincu » d'assouplir l'avis de voyage, est-ce vrai ?
Vous savez, j'ai reçu des demandes au Parlement à plusieurs reprises. Ce n'est ni la demande d'une région, d'une communauté ou d'un lobby de tour-opérateurs, c'est exclusivement l'analyse faite par nos services de sécurité qui nous fait bouger.
Parlons économie, depuis la révolution une centaine d'entreprises belges ont quitté la Tunisie, est ce que vous savez pourquoi ? Et comment les faire revenir ?
Il y a eu beaucoup d'inquiétude, c'est évident, parce qu'il y a eu des mouvements très forts au moment de la révolution. Il y a eu beaucoup de perturbations, de changement de gouvernements et des risques en matière de sécurité. Mais nous avons encore 160 entreprises belges en Tunisie. Nous sommes un partenaire important de la Tunisie. Non seulement nous continuons à faire en sorte que ces entreprises restent en Tunisie et je les ai réunies hier soir avec le ministre du Développement Fadhel Abdelkefi, mais j'ai surtout demandé qu'on organise plus de missions économiques pour venir avec d'autres entreprises, voir si des secteurs peuvent les intéresser. Des missions avec des orientations précises : la transformation dans le secteur agricole, puisque la Tunisie a une production de très grande qualité et ne les transforme pas assez. Et puis, il y a le partenariat public-privé et nous pourrions travailler sur ce points, par exemple, nous construisons beaucoup d'hôpitaux en Belgique.
Mais d'abord, et je l'ai rappelé au président de la République et au chef du gouvernement, il faut qu'il y ait des réformes. Et les réformes c'est notamment d'assouplir l'activité bureaucratique dont nos entreprises se plaignent. Et je pense que nos entreprises ne sont que le reflet de ce que disent les entreprises tunisiennes. Je l'ai rappelé au président de la République, plus la bureaucratie est développée, plus les risques de corruption sont grands.
Est-ce que la taxe exceptionnelle sur les entreprises étrangères de 7.5% risque vraiment d'ébranler ce statut de 4e investisseur étranger ?
Ce qui dérange le plus dans cette taxe, c'est l'instabilité. Nos entreprises ne sont pas du tout opposées à contribuer au développement de la Tunisie, mais il faut que ces contributions soient raisonnables et qu'elles soient prévisibles. Il faut qu'il y ait une stabilité et ne pas décider chaque année une nouvelle taxe ou un nouveau prélèvement. En plus, je pense que c'est une taxe inefficace, mais ça c'est un débat à mener au sein du gouvernement.
Vous avez salué l'initiative du président de la République pour son initiative pacifique en Libye. Cette option a longtemps été défendue par les chancelleries européennes, est-il possible que les Libyens, avec le nombre incroyable de factions armées, vont pouvoir trouver une solution définitive sans qu'il y ait une victoire sur le terrain de l'une des parties ?
Regardez en Syrie, cela fait maintenant 6 ans que nous voyons des combats se développer. Non, la vraie solution n'est pas militaire, elle est politique, mais pour ça, il faut que tous les acteurs plaident dans le même sens. Il y a quelques semaines, j'ai vu M. Sarraj et je lui ai dit, qu'à un moment donné, il faudrait avoir une discussion avec le général Haftar et il y a eu des tentatives dans ce sens au Caire. Il faut que l'Egypte, les Emirats Arabes Unis, la Russie, l'UE et que tout le monde plaident dans le même sens pour qu'on puisse remettre les acteurs autour de la table. Je sais que la situation est particulièrement difficile, parce qu'il y a une multitude d'acteurs dont des milices. Mais au-delà de la capacité militaire, il faut pouvoir organiser une possibilité de paix politique. Et c'est un message que peut porter l'UE, parce que s'il y a bien eu un territoire dans le monde où il y a eu des guerres sanglantes, y compris des guerres mondiales, c'est bien l'Europe.
Par rapport à la Syrie, il y a aujourd'hui ce qu'on appelle un retour des terroristes, que ce soit en Tunisie ou dans d'autres pays. Pensez-vous qu'il soit possible de poursuivre ces gens pour crimes de guerre et crimes contre l'humanité ?
Oui et je crois d'abord qu'il ne faut pas attendre, il faut mener des procédures nationales quand on a des personnes de retour, c'est ce que nous avons aussi en Belgique. Nous avons des procédures en cours, certains ont été arrêtés et d'autres condamnés, soit parce qu'ils étaient partis et qu'ils sont revenus soit parce qu'ils tentaient de partir. Mais, à l'assemblée générale du conseil des droits de l'Homme, nous avons, avec d'autres, fait adopter une résolution qui crée un nouveau mécanisme pour collecter des preuves. Il faut qu'en Irak, comme en Syrie on collecte des preuves de crimes contre l'humanité, de crimes de guerre ou de crimes en général, à travers des témoignages et des éléments de fait. Seule cette collecte de preuves permettra de mener des poursuites, soit devant des tribunaux nationaux, soit peut-être, si on peut le faire, devant la Cour pénale internationale, soit devant une juridiction spéciale. Mais la première étape, nous sommes en train de la franchir, c'est de collecter les preuves. Si on ne fait pas cela, on est alors devant une incapacité de mener des poursuites. J'ai reçu par exemple Nadia Mourad, jeune Yazidie, qui décrit très bien le calvaire qu'elle et sa communauté ont vécu, mais on lui avait expliqué aussi que ce que nous voulons faire c'est rassembler des preuves parce que sinon on pourra juste raconter l'histoire mais on n'arrivera pas à poursuivre individuellement les responsables. Ce mécanisme, beaucoup de pays y croient et ont accepté de le financer.
Vous avez récemment exprimé le souhait de voir l'UE jouer un rôle actif au Sahel et au Maghreb en soutien à l'UA ? Comment est-ce que vous imaginez ce rôle?
Nous avons déjà une stratégie globale pour le Sahel, maintenant il va falloir la mettre en œuvre, c'est-à-dire travailler avec les pays de la région et travailler dans différents domaines : quand il le faut sur le plan militaire comme au Mali où la Belgique joue d'ailleurs un rôle actif, travailler à l'aide au développement et puis travailler aussi pour faire en sorte qu'il y ait de nouveau une intégration régionale, parce que contre quoi doit-on lutter au Sahel ? Contre le fait qu'il est plus intéressant pour les jeunes ou les moins jeunes de faire du trafic que d'être dans l'économie classique. Donc on doit créer des opportunités réelles de développement. A défaut, on va continuer de voir se développer toute une série de trafics (drogue, armes, organes, etc.) et ce qu'on ne sait plus très bien d'ailleurs, si c'est les terroristes qui se financent par du trafic, ou si ce sont les trafiquants qui se cachent derrière des motifs soi-disant idéologiques. L'UE a probablement un terrain d'action pour sa politique étrangère avec les pays africains et avec l'Union africaine. Nous pouvons agir en menant la politique des trois D : diplomatie, défense quand il le faut, mais aussi du développement.
Vous semblez vous inquiéter du désengagement des Etats-Unis dans la défense des droits de l'Homme, quelles conséquences pour ce retrait ?
D'abord une diminution des moyens d'action pour tous ceux qui sont en charge de ces dossiers. Par exemple, dans beaucoup de pays on envoie des rapporteurs pour rendre compte des choses qui ne vont pas en matière de torture, de violences faites aux femmes, de violences faites aux enfants, etc. Si vous n'avez plus les moyens d'être partout où ces situations se passent et il y aura des pays dont on ne saura plus grand-chose, où on n'aura plus encore une fois les éléments de preuve de non-respect des droits de l'Homme. L'absence de financement américain représente 500 millions de dollars de moins. Nous essayons de compenser ce manque et nous avons réussi, en peu de temps, de collecter 100 millions de dollars.


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