L'avènement des Métlaouis parmi les grands a une signification : le travail, la passion et la générosité peuvent mener loin. Très loin. A l'heure où un vent mauvais souffle et où la détestation de l'autre est érigée en règle de conduite, Métlaoui apporte une note de fraîcheur et d'innocence. Trois journées après le début du play-off, le club minier n'a pas fini d'étonner, occupant un rang des plus flatteurs de dauphin de l'Espérance Sportive de Tunis, avec deux victoires en trois rencontres, soit au même niveau que le champion sortant, l'Etoile du Sahel. Mais, au fond, s'agit-il vraiment d'une révélation quand on se rappelle de sa courbe ascendante sur la durée des trois ou quatre dernières saisons ? Tous ceux qui se montrent surpris par «le phénomène Métlaoui» ont la mémoire courte, et pèchent par une analyse où les critères ne se recoupent pas au final. Et c'est cet éparpillement des critères qui rend aussi ardue et malaisée la compréhension de cette montée en puissance. Le robinet de la CPG Le mot qui s'applique le mieux dans le cas d'espèce, c'est la politique de ses moyens. Et ceux-ci n'ont rien à voir avec ceux des grosses cylindrées, la fameuse bande des quatre qui peut s'appuyer en moyenne sur un budget de vingt ou trente millions de dinars. L'ESM, elle, fonctionne avec tout juste le dixième de ce budget-là. Et doit de pouvoir drainer ce — pourtant — maigre pécule à la société marraine, la Compagnie des phosphates de Gafsa. Dans une région enclavée où l'unique ressource économique consiste en l'activité phosphatière, la CPG fait office de centre de gravité. Les performances du club cher au président Boujelel Boujelel dépendent largement de ses subsides. Le premier responsable de l'ESM comptait verser à ses joueurs un salaire et une partie des primes impayés dans la semaine précédant le début du play-off face à l'Espérance Sportive de Tunis. C'est du moins ce qu'il avait promis aux partenaires de Mohamed Jemaâ Khelij en guise de motivation afin d'assurer une bonne entame de la phase cruciale du play-off. Toutefois, face à l'assèchement des recettes, il dut, la mort dans l'âme, repousser l'échéance et essuyer la colère des joueurs. Il nous raconta sur le coup sa grande frustration de ne pouvoir tenir ses promesses vis-à-vis de ses joueurs. Lesquels furent à deux doigts d'observer une grève des entraînements trois mois après un premier boycottage des séances. Il est difficile d'imputer la petite prestation de ce jour-là à ce seul facteur quand bien même il aurait de manière directe influé sur le rendement de l'ensemble. Tels des diablotins Ce n'est donc qu'une semaine plus tard que le trésorier métlaouien a pu s'acquitter du versement tant attendu d'un salaire et de quatre primes de victoire grâce au déblocage, toujours par la CPG, d'une subvention de 200 mille dinars. Cela se passait quelques jours avant la réception du Club Sportif Sfaxien. Les résultats ne se firent pas attendre, du reste. On vit rarement les Maâouani, Lahkimi, Gharsellaoui, Zouaghi, Mezni, Bassirou et Khelij courir, tacler, se battre pour récupérer ou anticiper autant. Bref, ils parurent survoltés, et tels des diablotins, donner le tournis au Club Sfaxien, notamment en seconde période. C'est-à-dire quand les visiteurs semblèrent cuits, au bout du rouleau et payer le tribut des efforts répétés (trois matches en huit jours). On assistera alors au spectacle insolite d'un grand club, le CSS, dominé de la tête et des épaules, voire malmené et parfois même ridiculisé par le petit poucet qui n'en est plus vraiment un. Et ça, on le sait depuis belle lurette déjà ! Les deuxième et troisième buts, le genre de copier-coller, pleins d'entrain, d'intelligence, de vivacité et de plaisir à jouer témoignent de la débandade à laquelle furent acculés les «Noir et Blanc» qui ne sont pas pourtant nés de la dernière pluie. Turnover et adaptation tactique L'empreinte du coach Mohamed Kouki dans ce récital ou ce match référence est double : — D'abord, il a parfaitement planifié le turnover, indispensable pour pouvoir tenir le coup dans une série de trois rencontres en huit jours, et pas contre n'importe qui (l'EST et le CSS at home, l'USBG à l'extérieur). C'est ainsi qu'il a fait reposer quatre joueurs à Ben Guerdane, et quatre autres avant-hier, convaincu qu'il doit puiser dans son banc, et qu'il n'y a pas vraiment de titulaire à part entière et indéboulonnable. Résultat : à partir de la reprise, la fraîcheur a été nettement métlaouie. —Ensuite, le coach étoilé a fait preuve de subtilité tactique en passant après la pause d'un 4-2-3-1 à un 4-4-2 en losange au milieu avec la rentrée de Kheraïfi et Lahkimi. Dès lors, les locaux ont pu maîtriser une ligne médiane dominée dans les 45 premières minutes par les hommes de Nestor Clausen. «Grâce à cet aggiornamento, nous avons pu bénéficier de davantage de profondeur. La reconversion devint plus rapide et spontanée, et le rythme plus soutenu», observe Mohamed Kouki. Qui avoue avoir tant aimé que le match soit télévisé afin de convaincre définitivement les sceptiques que les résultats de l'ESM ne sont pas le fruit du hasard. «Notre objectif n'est pas vraiment le titre et il faut savoir garder les pieds sur terre, lance Kouki, auquel ce succès, par le résultat et la manière, ne fait pas tourner la tête. Nous voulons toutefois démontrer que, lorsque nous sommes sereins et suffisamment motivés, nous sommes capables de tous les exploits et de battre tous les grands». Les prochains adversaires d'«Ennejma» sont d'ores et déjà prévenus.