Le poumon de l'entrejeu, la sentinelle, le porteur d'eau, la taulier du milieu, que de superlatifs qui collent à la personnalité et au talent d'un brillant élément, tel que l'ex-international du CA, Sami Nasri. Issu d'un foyer de virtuoses du ballon rond, l'AS Ariana, il a fait ses classes au sein de ce vivier de grands joueurs qui a enfanté les Hédi Bayari, Tarak Dhiab et j'en passe. Il signe ainsi une licence minime et débute l'aventure avec le club tunisois. Sauf que l'expérience tournera court et le jeune Sami Nasri retapera dans un ballon du côté des terrains de quartier. Là, un certain Mohamed Hédi Bayari, subjugué par la technique de ce talent en herbe, le prendra sous son aile, direction le Club Africain. Le natif de 1968 découvre ainsi un modèle de club organisé, populaire et ambitieux. Dans la foulée, il signe et intègre les rangs des juniors. Son mental, sa rigueur et sa technique le distinguent et lui offrent la possibilité de passer chez les seniors. Nasri a accusé un certain retard à l'allumage alors que ses coéquipiers Khaled Saidi et Samir Sellimi jouent régulièrement avec l'équipe A, disputant même la finale de 1988. L'arrivée de Hmid Dhib, un technicien chevronné ayant une propension au rajeunissement, lui offre une chance de monter en puissance. Cependant, Nasri ne connaîtra son envol que la saison suivante avec la venue de Faouzi Benzarti. En période estivale, ce dernier découvre le potentiel de Sami Nasri et apporte des retouches à son jeu. Il le prend même à part et lui impose un travail particulier pour soigner sa panoplie. C'est le décollage pour ce joueur, mais un incident survenu à son coéquipier Khaled Touati, lui fait prendre conscience de toute l'incertitude qui entoure le sport-roi. Sami Nasri nous en parle d'ailleurs avec émotion, comme si c'était hier: « En été de l'année 1989, notre N°9, Khaled Touati a été victime d'une fracture sur les plages de Monastir en pleine préparation d'avant-saison. J'ai de suite eu une prise de conscience. La carrière d'un footballeur peut basculer à n'importe quel moment. J'ai donc décidé d'aller au charbon et de me donner à fond. Et adviendra ce qui adviendra ! Je me rappelle donc que j'ai débuté la saison sportive sur les chapeaux de roues avec une victoire à la clé face au CSHL à El Menzah sur le score de 3-0. J'avais signé mes grands débuts. J'étais au four et au moulin sur le terrain, sillonnant le rectangle vert en long et en large. Il faut dire que le coach avait insisté sur l'endurance et la résistance lors des répétitions. Puis, j'ai gagné en assurance et en compétitivité. J'avais totalement épousé certains préceptes comme la culture de la performance et de la gagne. J'avais pris du galon et j'en voulais encore plus, beaucoup plus ! Sans transition, le derby a pointé son nez. C'était mon baptême du feu pour ce genre de confrontation un peu spécial. Fin décembre 1989, la finale de la Coupe de Tunisie s'est déroulée en hiver en raison des engagements de l'équipe nationale (éliminatoires du Mondial 1990). On joue le leader «sang et or», détenteur du titre national. En dépit d'un rendement honorable, on perd face aux poulains de Piechniczek. J'en garde un amer souvenir, mais j'en ai tiré les enseignements qui s'imposent. La saison d'après, on joue sur les trois tableaux, Coupe d'Afrique, Coupe de Tunisie et championnat. C'était en 1990 où l'on a cependant perdu en Coupe de Tunisie face à la JSK. Puis, les matchs se sont enchaînés avec des résultats en dents de scie. On bat le Sfax RS et le CSS mais on perd face au CSHL. Je me rappelle qu'il y a eu aussi un changement au niveau de certains tauliers de l'équipe. Jamel Tayèche remplace Slah Fessi et Slim Ben Othman dans les cages et le CA repart de plus belle». «L'apothéose mémorable face aux Ougandais de Nakivuba» « Nous avons par la suite connu des moments de gloire en Coupe afro-asiatique face à Al Hilal. Nous avons aussi remporté un derby à couper le souffle. Jamel Tayeche a arrêté le penalty de Ali Ben Néji, Abdelhak a torpillé le gardien de l'EST sur penalty encore. Et le CA s'est envolé vers les succès au prix d'une «remuntada» historique. C'est là que j'ai franchi un palier. Mrad Mahjoub me convoque en sélection quelques semaines après le sacre du CA. Je joue le match face au Maroc. Volet local, on tente le coup en Coupe d'Afrique face aux Nigérians du BCC Lions. On perd mais je me console en sélection où je prends du galon. Au CA, j'ai aussi été marqué par le passage du Roumain Balaci. L'apothéose aura été ce match mémorable face aux Ougandais de Nakivuba Villa. Le CA était en roue libre. On était au top ! Bien entendu, il y a toujours des périodes creuses en football. On a perdu le derby et la concurrence du CAB en championnat était devenue réelle. Je voulais pourtant gagner mon second championnat. Après, le choc face au CAB s'annonçait chaud bouillant. Lotfi Rouissi et Abdelhak voient rouge, mais les dieux du stade étaient clubistes. Le duo Adel Sellimi-Lotfi Mhaissi nous a fait passer du doute à l'exploit. L'équipe de Youssef Zouaoui n'en revenait pas. Et comme les victoires appellent les victoires, on brandit la Coupe de Tunisie la même année ! C'était magique, mais il y a inévitablement des pics et des décrues dans une carrière de footballeur. En 1994, je commençais à accuser le coup, mais l'équipe gagne grâce en partie au coup de patte d'un certain Nabil Mâaloul, devenu le patron du milieu. L'ère Jean Sérafin coïncidera avec une sorte d'inconstance de ma part. Faouzi Benzarti a par la suite tenté de me relancer. Mais il était écrit que la fin approchait. Passé ma carrière, j'ai connu une période de descente aux enfers. J'ai connu la précarité et la modestie des moyens. En 2005, j'étais au plus bas et mes ex-coéquipiers, sportifs et puristes, m'ont soutenu. J'ai remonté la pente et Dieu sait combien cela m'a été pénible de vivre des temps difficiles par le passé. Il faut retenir la leçon. C'est une leçon de vie. Je garde néanmoins de liens solides et des amitiés durables au sein du football. Ayadi Hamrouni et Sami Touati sont mes meilleurs amis, des frères d'armes et des compagnons de la première heure».