Bien que le financement bancaire soit le principal mode de financement externe des entreprises, il a toujours été présenté par les chefs d'entreprise comme étant une contrainte sévère à l'investissement. Organisé par la Chambre de commerce et d'industrie de Sfax, en collaboration avec l'Institut tunisien de la compétitivité et des études quantitatives et le Centre d'Affaires de Sfax, un atelier de travail consacré aux résultats de l'enquête 2016 sur le climat des affaires a réuni à Sfax des femmes et des hommes chefs d'entreprise, des représentants de la Banque centrale et de bureaux d'études, ainsi que des experts-comptables aux côtés de représentants de l'Administration. L'ordre du jour de l'atelier a comporté trois principales communications, parmi lesquelles figure celle de Hanen Baklouti Trabelsi, sous-directrice à l'Iteceq, intitulée : « Le financement bancaire : visions croisées banques-entreprises » De prime abord, la communication relève un paradoxe de taille : quoique les banques constituent le noyau dur du système financier tunisien avec une part se situant aux alentours de 95%, durant la période 2011-2014, ce qui en fait la principale source de financement externe de l'économie, ces institutions n'en constituent pas moins, aux yeux des entreprises, une contrainte considérable en Tunisie : «En effet, les différents rapports réalisés par l'Institut tunisien de la compétitivité et des études auantitatives (Itceq) sur le climat des affaires et la compétitivité des entreprises ont montré que, bien que le financement bancaire soit le principal mode de financement externe des entreprises, il a toujours été présenté par les chefs d'entreprise comme étant une contrainte sévère à l'investissement. C'est pour cette raison qu'en 2013, un intérêt particulier a été accordé au secteur bancaire et qu'un questionnaire spécifique lui a été consacré, dans le but d'avoir des visions croisées banques-entreprises», note la communicatrice. A cet effet, le financement bancaire a été examiné selon deux perceptions: celle des entreprises à travers une enquête réalisée en 2013 et qui a touché 1.100 entreprises non financières privées réparties sur tout le territoire tunisien et opérant dans l'industrie et les services, dont 770 entreprises ont répondu, et celle des banques via une enquête qui a couvert tous les sièges bancaires de la place dont 193 ont répondu. Attachement au financement bancaire «L'enquête a révélé que le climat des affaires reste entaché par le financement bancaire, défavorablement perçu par les chefs d'entreprise qui se plaignent des coûts du crédit bancaire bien que ces coûts aient connu un certain relâchement par rapport à 2009. Pis encore, les chefs d'entreprise semblent pessimistes pour le futur proche dans la mesure où 11% seulement anticipent un assouplissement des conditions d'octroi des crédits. Les autres sont départagés entre durcissement (37%), maintien (15%) et vision non claire (37%)». Ladite enquête portant sur la période 2009-2013 a permis de dégager la vision des chefs d'entreprise concernant les difficultés inhérentes au financement bancaire, à savoir les taux d'intérêt et les garanties exigées qui sont d'autant plus considérées comme des contraintes les plus sévères et qu'elles se sont davantage resserrées », note Hanen Baklouti Trabelsi. «D'ailleurs, poursuit-elle, la même enquête sur la compétitivité en 2013 ainsi que d'autres investigations ont révélé une identité de vue entre les chefs d'entreprise et les banques. Celles-ci reconnaissant que les principales difficultés en matière de financement bancaire déjà identifiées par les chefs d'entreprise comme contraintes sont essentiellement liées au coût du crédit et plus précisément au taux d'intérêt, et dans une moindre mesure aux facteurs d'accès, à savoir les garanties exigées, les délais d'obtention du crédit et l'autofinancement. Les banques reconnaissent également que ces facteurs ont durci ou se sont maintenus entre 2011 et 2012. Cependant, malgré le léger relâchement perçu à partir de 2010, l'effort consenti par les banques en matière de réduction des délais de déblocage du crédit est encore considéré par les chefs d'entreprise parmi les trois facteurs les plus contraignants en matière de financement bancaire. Force est de reconnaître, cependant, que l'assouplissement de la contrainte liée au financement bancaire se heurte à certaines difficultés. Marge de manœuvre Concernant le taux d'intérêt et l'apport exigé, les banques n'ont pas une grande marge de manœuvre pour assouplir ces deux facteurs du fait qu'ils sont réglementés par la Banque centrale. D'autre part, les exigences en matière de garanties sont devenues encore plus sévères dans la mesure où 45% des entreprises ayant sollicité des crédits ont dû présenter des garanties dont la valeur dépasse le montant du crédit demandé (contre 39% en 2012). En effet, dans de nombreux cas, les banques souhaitent se prémunir contre les risques qu'elles encourent lors de l'examen d'un financement. Cependant, pour les PME, en particulier, le recours à la société tunisienne de garantie (Sotugar) peut constituer une alternative appréciable. Mais les résultats de l'enquête révèlent que cette dernière demeure peu connue bien que son apport soit perçu comme très important. En effet, parmi les entreprises qui en sont informées (14% contre 13% en 2007), 26% seulement ont sollicité ses services pour accéder à un financement d'investissement. Le recours excessif des banques aux garanties s'explique principalement par la défaillance des systèmes d'informations sur l'entreprise sollicitant un crédit ou bien par des facteurs intrinsèques à la banque ou encore à cause d'autres facteurs d'ordre institutionnel. Concernant le premier facteur, il y a lieu de se rendre compte du manque de pertinence des données offertes par la centrale des risques, principale source d'informations financières en Tunisie, entre autres, en raison du manque de moyens mis par la Banque centrale pour améliorer la fiabilité des données fournies. D'où la nécessité de mettre en place d'autres mécanismes dans le but de disposer d'informations utiles sur ceux qui acceptent le paiement sur facture (Steg, Sonede, Telecom, Snit, etc.), et ce, dans le but d'affiner le profil payeur du client. A ce propos, la Société financière internationale (SFI) recommande fortement la mise en place des bureaux ou des registres de crédits privés car ils contribuent fortement à faciliter l'accès au crédit et à réduire les créances classées. Concernant les facteurs intrinsèques à la banque, il est recommandé de trouver la prophylaxie adéquate. Pour ce qui est des facteurs institutionnels, «les études ont démontré les incidences négatives du manque de rigueur dans l'application des lois en vigueur et du manque de transparence sur la situation réelle des entreprises quant à la qualité de la prestation du secteur bancaire qui devient dès lors un obstacle d'ordre majeur. A ce propos, près de 80% des banques pensent qu'en cas de faillite d'une entreprise, le cadre institutionnel en vigueur n'est pas en mesure de protéger leurs droits», a indiqué Hanen Baklouti Trabelsi. Autant de problématiques auxquelles il est indispensable de trouver des solutions idoines pour créer un climat de confiance entre les entreprises et les banques et de lever tous les obstacles qui handicapent la contribution de ces dernières à l'effort de développement, facteur de croissance et créateur de richesses.