Par M'hamed JAIBI La «capitale du Sud», privée d'oxygène, rongée par la pollution, sans port à sa dimension, flanquée d'un réseau ferré pourri, avec des routes moyenâgeuses et un plan urbain labyrinthique, est brusquement promise à une renaissance bien méritée, au terme de quatre décennies d'oubli. Ville la plus dynamique et inventive du pays, avec une population travailleuse et entreprenante, Sfax va-t-elle vraiment enfin renaître de ses cendres pour renouer avec la prodigieuse prospérité qui l'avait marquée dans les décennies 60 et 70. Avant la disgrâce de fait qui l'a affectée surtout sous Ben Ali, symbolisée par la «restructuration» de là Biat et la reprise en main de l'Institut arabe des chefs d'entreprise. Un Shanghai tunisien qui attend son heure Les décisions prises en faveur de Sfax et sa région représentent la levée d'une sorte d'interdit de sur développement qui frappait de fait cet îlot de labeur, de savoir-faire et de travail bien fait, la qualité et la ponctualité en prime, aux prix les plus concurrentiels. Ce qui étouffait notre Shanghai national, outre le phosphogypse et les pollutions atmosphériques, c'est l'inconsistance des réseaux de transport et l'encerclement stratégique que la ville subissait, jalousée et crainte qu'elle était pour son dynamisme envahissant, sa créativité et son sérieux au travail. Dans cette ville qui se réveille sans faute à 5 heures du matin, on crée des machines-outils bien de chez nous, on conçoit et adapte les pièces détachées qui viennent à manquer, on transforme des moteurs et on en crée... C'est ici que les taxistes ont modifié les moteurs diesel de leurs voitures au profit du gaz, moins cher et moins polluant. C'est aussi la ville où les travailleurs ont résolu leurs problèmes de transport en recourant massivement aux mobylettes, de sorte que la mairie a dû doubler les chaussées par des voies réservées aux deux roues. Des décisions qui ont tant tardé En annonçant toutes les décisions que les Sfaxiens attendent depuis des décennies ainsi que le lancement imminent de l'aménagement de l'autoroute de 200 km Sfax-Kasserine-Sidi Bouzid, le chef du gouvernement désenclave, à la fois, deux régions délaissées et une métropole promise à une croissance vertigineuse, jusque-là inhibée par mille et un subterfuges. Au même moment, la ville va être rapidement dépolluée, dotée d'une étude prospective en vue de son développement urbain et verra le démarrage de son éternel grand projet touristique d'envergure, toujours reporté, Taparura. Ce alors que, dès mai 2017, sera lancé le projet de dessalement de l'eau de mer, ainsi qu'une bibliothèque numérique, une cité sportive sur 58 hectares et l'extension du stade de football. Mais Sfax va d'abord se remettre à respirer l'air pur qu'on ne trouve plus que dans les «jnens» fleuris de la banlieue agricole, puisque le démontage immédiat des unités polluantes de la Siape démarre activement. Ce alors que la dépollution de la côte va réhabiliter les plages de proximité et renflouer la pêche, cette activité ancestrale qui appelle désormais de nouveaux équipements portuaires. A l'heure des infrastructures performantes Les quartiers populaires ne sont pas exclus des réformes, là où vivent les dynamiques ouvriers qui donnent du punch à cette ville laborieuse, et l'on a annoncé la réhabilitation de 20 quartiers populeux et une extension adéquate du réseau d'assainissement des eaux. Ainsi que l'achèvement du nouveau CHU de Thyna et l'acquisition d'importants équipements médicaux au profit des hôpitaux publics Habib-Bourguiba et El Hencha. Mais ce qu'attend Sfax pour être à la hauteur de ses promesses de métropole appelée à «tirer» la croissance de Kasserine et Sidi-Bouzid, c'est un port à la mesure de son potentiel économique et des infrastructures et équipements modernes et performants conformes à ses promesses industrielles et agroalimentaires jusque-là inhibées. Car la future autoroute va élargir la zone d'influence de Sfax et intégrer toute une vaste contrée incluant Kasserine et Sidi-Bouzid appelées, de ce fait, à se défaire de leur marginalité actuelle. A la condition que le port de marchandises exigu qui freine les ambitions d'autonomie et de prospérité de la région trouve rapidement les voies d'une extension et d'une modernisation conséquentes.