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Béchir Jabbès (ancien Commissaire général au Sport) : «Il est injuste de sanctionner les clubs» Dossier : Le huis clos est-il la meilleure réponse à la violence?
Praticien et théoricien du sport, enseignant chercheur, Béchir Jabbès a occupé les fonctions de Commissaire général au sport. Il a publié un grand nombre de publications en psychologie du sport. Son témoignage sur le sujet est fort précieux. «La généralisation du phénomène de la violence dans nos stades de football est réellement fort inquiétante, tellement ses causes demeurent quasiment indéchiffrables. Essayons d'y voir plus clair en nous référant aux textes législatifs tunisiens, aux solutions préconisées par les clubs professionnels étrangers et aux recommandations de nos experts sportifs. C'est l'article 2 relatif aux sanctions du code disciplinaire de la Fédération tunisienne de football qui est invoqué en cas de violences caractérisées, de manquement à la morale et à l'éthique sportives ou en cas d'envahissement de terrain. Le nombre de matchs joués à huis clos est prononcé par la commission de discipline de la Ligue ou de la fédération, en fonction de la gravité des faits reprochés au public présent au cours du match et supposé responsable des dépassements survenus. La sanction du huis clos est- elle réellement dissuasive ? Disons d'abord qu'elle est pénalisante pour le club à un triple titre: moral, financier et sportif, ce qui renvoie d'abord à une mauvaise image du club dans le milieu, à une réduction substantielle des recettes et à une régression inévitable dans les résultats sportifs. Malgré ces lourds handicaps auxquels il est de temps en temps confronté, le club n'est nullement à l'abri de nouveaux actes de violences perpétrés par ses supporters et qu'il ne peut en aucun cas éviter pour la bonne et simple raison que sa relation, si relation il y a, n'est que superficielle et informelle avec ces fauteurs de troubles, loin de toute subordination ou dépendance . Il est donc injuste de sanctionner les clubs à chaque fois que leurs supporters sont à l'origine de troubles ou d'actes contraires à l'éthique sportive et au bon déroulement de la compétition, en sachant naturellement que la mesure du huis clos fait partie de l'arsenal disciplinaire de tous les pays et de toutes les instances sportives qui gèrent le football en particulier et les compétitions sportives en général. Essais de solutions Quid du règlement de la CAF sur l'octroi des licences aux clubs et le fair-play financier ? A l'exception des pays africains, tous les autres pays compétitifs sous la bannière européenne et asiatique sont en voie d'appliquer «le code d'octroi de licence aux clubs et du fair- play financier», décidé par la FIFA, déjà en 2010. Ce code, auquel les clubs participants aux compétitions européennes doivent se conformer, recommande l'existence de conditions minimales pour le bon déroulement des compétitions et notamment l'existence d'une infrastructure favorisant par son architecture et ses commodités la sécurité des différents acteurs sportifs, l'évitement des catastrophes pouvant survenir durant les matches et la lutte conte le hooliganisme. Renforcer le rôle des comités de supporters Pousser l'organisation des comités de supporters de façon à les responsabiliser davantage et à les impliquer directement dans l'encadrement de leurs supporters, à l'image de ce qui se fait en France . Figurez-vous qu'en juin 2015, un projet de loi destiné à imposer une représentation des supporters dans les instances nationales du football a été déposé à la chambre des députés. Par ailleurs, les assises nationales du supportérisme avaient débouché sur la création du «collectif national des supporters». En effet, un dialogue entre ces derniers, leurs clubs et les instances du football aurait un avantage majeur : privilégier la prévention plutôt que la répression. La culture du sport pour éradiquer le fléau de la violence Les experts sportifs tunisiens se sont mis d'accord pour asseoir une «culture du sport» à intégrer dans l'enseignement des leçons d'éducation physique de qualité qui doivent cesser d'être des «séances de sport». Cette action devrait être impulsée par le département de tutelle conformément au décret n° 1842 du 27 juin 2005 relatif aux prérogatives du ministère de la Jeunesse et des Sports et dont l'article 2 stipule: «Le ministère est chargé du développement des activités de la jeunesse, du sport et de l'éducation physique et de la promotion de la culture du sport citoyen et des valeurs olympiques». Nos experts préconisent une meilleure gouvernance du secteur de l'Education physique à l'école, voire à la maternelle. Il s'agit de fixer des objectifs clairs en matière de culture sportive, en complément des buts classiques en rapport avec l'épanouissement physique, social et psychologique de l'élève. Ces objectifs en rapport avec «le sport citoyen» seront enseignés, approfondis et évalués tout au long de la scolarité de l'élève dans le cadre des cours d'Education physique de qualité. Ce n'est qu'à cette condition que les millions de «captifs du sport», ceux qui sont imprégnés de la culture du sport et qui, faute d'être de grands sportifs pour manque d'aptitudes ou autres, seront fiers grâce à leurs acquis éducatifs, culturels et humanitaires, en rapport avec les véritables valeurs du sport, constitueront une digue infranchissable contre le phénomène de la violence dans toutes ses déclinaisons: sportives, sociales, voire politiques».