Cette année, le Ramadan ne pose pas pour ainsi dire problème, puisqu'il est situé en fin de saison de compétition et seul un nombre limité d'équipes demeure en activité. Aussi bien en Tunisie qu'en Europe, on n'en parle pas beaucoup. Un nombre incalculable d'études ont été élaborées, sous tous les cieux, et elles reviennent à la mode en cette période de Ramadan. Il faudrait reconnaître que c'est à partir des années quatre-vingt que la médecine du sport et les grands diététiciens de ce monde se sont sérieusement penchés sur cette question qui taraude surtout les entraîneurs. En effet, avec le nombre croissant de joueurs en provenance d'Afrique et du monde musulman, le Ramadan, qui passait inaperçu avant cette époque, commençait à poser problème : comment doit-on agir face à cette obligation religieuse qui présente une forme d'exception et que l'on ne peut contourner sans subir de dégâts. Un problème que certains théologiens, en Egypte par exemple, ont essayé de régler en émettant une « fatwa » dans laquelle il était convenu que le joueur accomplissait une tâche, un travail et que, par voie de conséquence, il pouvait être assimilé à un travailleur pouvant prétendre aux exceptions et autorisations en vigueur. Cette « fatwa » a vite fait long feu, face à la prise en main d'El Azhar qui l'a tout simplement refusée, arguant qu'un jeu demeure un jeu et que, par conséquent, il n'y avait aucune raison d'autoriser les joueurs qu'ils soient amateurs ou professionnels à se dispenser de jeûner. En fait, on revenait aux fondamentaux. Jeûner ou pas est une question de conscience personnelle et c'est avant tout au joueur de savoir ce qu'il veut. Des entraîneurs de renom ont eu affaire à cette question qui revient sur le tapis tous les ans et qui « empoisonne » l'atmosphère entre les joueurs et leur encadrement technique. Les très grands joueurs, véritables pièces maîtresses au sein de leurs clubs, maîtrisent leur sujet et savent comment négocier cette période, en évitant les chocs frontaux qui laissent quand même des traces. D'autres tiennent bon et entrent carrément en opposition avec leur entraîneur qui finit par les exclure, un mois durant sinon plus, de l'effectif. Cette année, le Ramadan ne pose pas pour ainsi dire problème, puisqu'il est situé en fin de saison de compétition et seul un nombre limité d'équipes demeure en activité. Aussi bien en Tunisie qu'en Europe, on n'en parle pas beaucoup. Mieux que cela, la photo de Paul Progba qui effectuait le petit pèlerinage à la Mecque a été sur tous les réseaux. Personne ne pourrait penser un seul instant que cela aurait été possible un mois plus tôt. Progba rejoindra d'ailleurs le stage de l'équipe de France directement à son retour. Le sélectionneur français a simplement commenté la situation de ce joueur en soulignant qu'il était libre de faire ce qu'il voulait et qu'il lui semblait qu'un élément de cette expérience était assez conscient de ses engagements. Certes, il n'y a pas de rencontres sportives importantes en prévision, mais le sélectionneur français, qui compte de nombreux joueurs de confession musulmane, ne souhaite sans doute pas en faire une affaire qui pourrait gâcher la bonne ambiance de son groupe. C'était la position qu'adoptait André Nagy qui exigeait « 100 pour 100 », et n'entrait jamais dans ces considérations. Il responsabilisait ses joueurs et ils le lui rendaient bien en se donnant à fond en dépit du danger qu'ils couraient surtout en fin de période de jeûne. Nous arrivons à la question qui se pose de ce fait : le jeûne est-il compatible avec le sport de haut niveau ? Les avis, à ce propos ,ne sont pas toujours dénués d'arrière-pensées. Et même si on essaie de décortiquer ce problème, il y aura toujours des choses à dire et ce qui le prouve c'est bien ces « conseils » que l'on dispense au terme d'études sérieuses et sur lesquels, pourtant, certaines parties reviennent pour dire le contraire. C'est ainsi que nous relevons l'avis du Dr Patrick Bacquaert qui, tout simplement, trouve qu'il n'y a pas d'empêchements avec un grand « mais » : «Pour maintenir vos objectifs et allier entraînements et ramadan, il est nécessaire d'adapter vos séances en diminuant leur intensité (charge et répétitions) et le volume (séries). Ne pas s'entraîner pendant le ramadan est une erreur car l'entraînement permet de limiter, d'empêcher la perte de muscle. Il est conseillé de privilégier des entraînements de force. L'entraînement en force est idéal pendant le ramadan car il est orienté sur la partie nerveuse et il est moins gourmand en énergie. Le meilleur moment pour s'entraîner serait d'une à deux heures avant de rompre le jeûne. L'Iftar deviendra votre repas post-entraînement qui reconstituera les réserves de glycogènes appauvries suite à l'entraînement». D'autres sons de cloche viennent perturber cette logique en suggérant des heures de pratique complètement différentes: «Il est conseillé de respecter les mesures habituelles d'alimentation chez le sportif et de pratiquer un sport au moins deux heures après la rupture du jeûne. Ceci apporte pendant le mois de ramadan une complication liée à l'heure de pratique par rapport au coucher du soleil. Si l'entraînement reste possible, la compétition est difficile à gérer quel que soit son niveau». En conclusion, ce dossier est extrêmement délicat et expose aussi bien les joueurs que les entraîneurs et même les dirigeants à une forte pression. Surtout que les avis émis évitent de fournir des recoupements à même d'orienter ceux qui cherchent par tous les moyens à soulager leur conscience, tout en se montrant à la hauteur de leur réputation sportive. En effet, à la lecture des conclusions ci-après, il y a bien des doutes qu'il sera difficile de chasser : «Pendant le jeûne du mois de ramadan, les performances physiques et sportives sont diminuées. Les entraîneurs doivent en tenir compte. Programmer des compétitions pendant cette période reste peu compatible avec une diététique sportive de haut niveau et avec la notion de performance. Il faut rester d'autant plus vigilant car l'entraînement à jeun augmente le risque de chute ou d'accident par baisse de la vigilance et expose au surentraînement. Dans le cadre du sport loisir, il est possible de continuer à pratiquer son sport deux à trois heures après la rupture du jeûne». Ces avis, souvent contradictoires, devraient donner à réfléchir à ceux qui, contre tout bon sens, continuent à programmer des compétitions de haut niveau en cette période difficile et alors qu'il est toujours possible de décaler des engagements sur le plan national, sachant que sur le plan international les calendriers ne tiennent pas compte de ces impondérables. Le dossier n'est pas près d'être clos, on vous l'a bien dit !