Trois faits récents témoignent du rapprochement de plus en plus manifeste entre le gouvernement de M. Youssef Chahed et l'Ugtt, la puissante centrale syndicale Il y a deux jours, Mohamed Trabelsi, ministre des Affaires sociales, et Noureddine Taboubi, secrétaire général de l'Ugtt, étaient en visite de travail à Béja. Ils ont tenu, à quelques variantes près, le même discours au siège de l'entreprise Kromberg. A telle enseigne qu'on ne savait plus qui était quoi. Les deux hommes ont loué l'effort de reprise de cette entreprise de câblerie qui était il y a peu au dernier rang mondial et qui a su se hisser au sixième rang international. Idem lors des négociations concernant les revendications sociales dans le gouvernorat de Kébili. Le représentant de l'Ugtt y est en totale harmonie avec les membres du gouvernement. L'approche est la même, les solutions envisagées identiques. D'ailleurs, hormis les affiliés des partis Ennahdha et Al-Harak, tous les protagonistes sont sur la même longueur d'ondes. Ce qui explique que, d'emblée, on ait trouvé des réponses à plus de 80% des 214 revendications formulées par les protestataires. Autre volet et non des moindres, les réactions concernant l'injonction faite par Rached Ghannouchi, président d'Ennahdha, à Youssef Chahed lors d'une interview télévisée le soir du 1er août. Il avait intimé au chef du gouvernement, comme dans un oukase impérial, l'ordre d'annoncer publiquement qu'il ne se présentera pas à l'élection présidentielle de 2019 et de se plier aux résolutions d'un dialogue économique et social qu'il a lui-même décidé unilatéralement. La première réaction intervenue promptement, dans la soirée même, fut celle de Noureddine Taboubi. Un niet cinglant, clair, net et précis, au président d'Ennahdha. Cela concerne autant l'injonction de ne pas se présenter à la présidentielle de 2019 que l'invitation obligée à un dialogue économique et social improvisé. Le lendemain matin, Sami Tahri, autre dirigeant et figure de proue de l'Ugtt, relayait les mêmes arguments fermes à l'intention de Rached Ghannouchi sur les ondes de Radiomed. Une semaine plus tard, Rached Ghannouchi était reçu par Noureddine Taboubi au siège du l'Union des travailleurs du Maghreb arabe. Taboubi devait être reçu à son tour par le chef du gouvernement à La Kasbah. Renseignements pris, il y a totale antinomie des positions entre le chef de la centrale syndicale et le chef d'Ennahdha. En revanche, il y a convergence de vues entre le chef du gouvernement et le patron des syndicats. Des signes qui ne trompent guère. Youssef Chahed est bel et bien dans le point de mire de Rached Ghannouchi, lequel a visiblement très mal calculé son impromptue sortie médiatique du 1er août. Celle-ci a été on ne peut plus contreproductive au bout du compte. Mais au-delà du factuel, il y a bien une autre tendance qui se dessine, celle de l'alliance entre le gouvernement et l'Ugtt. Nous sommes bien loin des premiers mois de l'exercice du gouvernement Chahed, caractérisés par une totale incompréhension entre le chef de l'exécutif et la centrale syndicale. Cela avait empiré au point qu'on avait évité de justesse une grève générale annoncée pour le 8 décembre 2016. Depuis, beaucoup d'eau a coulé sous les ponts et la vapeur a été renversée. Youssef Chahed a dû affronter une grogne sociale rampante de janvier à mai 2016. Cela avait touché bien des régions et culminé avec les événements de Tataouine et El-Kamour. L'Ugtt y avait campé un profil plutôt modéré et conciliateur. Mieux, c'est le secrétaire général de l'Ugtt qui avait présidé l'accord final entre le gouvernement et les protestataires à Tataouine. Un accord qui tient encore la route, malgré les velléités de certaines parties. Youssef Chahed a le soutien du président Béji Caïd Essebsi, c'est certain. Il bénéficie aussi de la bienveillance disons un tantinet complice de l'Ugtt. Au point qu'on se demande est-ce bien la lune de miel entre le gouvernement et la puissante centrale syndicale ? Même s'il faut se rappeler que, si soudé soit-il, un couple connaît forcément des orages et des flottements. Mais on s'étripe parfois pour s'aimer davantage...