A l'initiative de l'Association mondiale pour la santé sexuelle (World Association for sexual health), une journée internationale de la santé sexuelle est célébrée le 4 septembre de chaque année. Pour cette année, la Journée internationale de la santé sexuelle est célébrée sur le thème «Lien d'amour et intimité dans la vie sexuelle, une possibilité pour tous», selon un communiqué publié par le bureau régional de l'Association, présidé par le docteur en sexualité humaine et sexothérapeute Hisham Sharif, qui est également membre de l'Association mondiale pour la santé sexuelle.Ce dernier nous a accordé un entretien dans lequel il a évoqué l'importance de l'éducation sexuelle et les impacts négatifs des troubles sexuels inhibant le développement des compétences psychosociales. La santé sexuelle est-elle primordiale dans notre société ? Certainement, la santé sexuelle est primordiale pour l'être humain. Etre en bonne santé sexuelle est un droit universel, car le respect et la protection des droits de l'homme sont la toile de fond pour atteindre et maintenir cette bonne santé sexuelle. La sexualité est une question de plaisir et de jouissance. Elle ne se résume pas au simple souci d'éviter les maladies sexuellement transmissibles (mST) et les grossesses non désirées. La sexualité, c'est la découverte de l'amour, du rapport avec l'autre. C'est rêver d'un avenir meilleur pour soi-même et pour les autres. La santé sexuelle est aussi l'intégration des aspects somatiques, affectifs, intellectuels et sociaux de l'être sexué, sur fond de valorisation de la personnalité, la communication et l'amour. Outre la santé sexuelle physique, cette définition établit donc une santé sexuelle reproductive, mentale et émotionnelle. Et c'est pour cette raison que l'Association mondiale de la santé sexuelle (WAS) a choisi le thème : «L'amour, le lien et l'intimité dans la santé sexuelle, une possibilité pour tous» pour fêter cette journée mondiale. Quels sont les grands défis pour la santé sexuelle en Tunisie ? La sexualité et la santé sexuelle ne sont pas des handicaps. Il faut donc plaider dans le cadre de la société civile pour une santé sexuelle pour tous sans exception. Il faut plaider pour nos droits sexuels. La santé et les droits sexuels et reproductifs sont à la base du moindre aspect du développement durable et de la croissance économique. Lorsque les individus sont capables de contrôler les choix qu'ils font en matière de sexualité et de reproduction, de se maintenir en bonne santé et en sécurité dans leur vie sexuelle et reproductive, ils sont davantage capables de participer à l'éducation et au marché du travail, de subvenir aux besoins de leur famille, et disposent de plus de moyens pour contribuer à la vie collective et sociale. Quelles sont les grandes perturbations sexuelles que connaît le Tunisien actuellement ? Environ 75% des Tunisiens souffrent de trouble d'éjaculation précoce (la moyenne dans le monde est d'environ 65%). Il faut insister sur le fait que l'éjaculation précoce n'est pas une maladie, mais un trouble cognitif et comportemental du couple. Le second trouble qui touche environ 48% de la population masculine est celui du non-maintien de l'érection .Ces troubles sont dus à plusieurs maladies organiques (problème de prostate, hypertension, glycémie, cholestérol...) En ce qui concerne les troubles les plus percutants chez la gent féminine, on peut citer l'anorgasmie qui correspond à l'absence d'orgasme pendant un rapport sexuel. Sur 100 femmes, 80 n'ont jamais connu d'orgasme durant l'acte sexuel. C'est le partenaire qui est pointé du doigt dans la majorité des cas et non pas la femme, soit par manque d'éducation sexuelle ou en raison d'une éjaculation précoce. Autre trouble qui prend de l'ampleur, c'est le vaginisme qui rend très difficile et parfois impossible la pénétration. Ce n'est pas une maladie, mais un trouble sexuel dû à l'ignorance totale de l'acte sexuel. Pour certains, l'honneur est malheureusement tributaire de l'acte de dépucelage, de ces quelques gouttes de sang causées par cet acte qui devient impossible quand la femme n'a pas été bien préparée émotionnellement. La santé et les droits sexuels et reproductifs sont à la base du moindre aspect du développement durable et de la croissance économique. Il faut plaider dans le cadre de la société civile pour une santé sexuelle pour tous sans exception! On a souvent appelé au sein de l'Observatoire tunisien des couples et de la famille à la création d'un numéro vert qui se rapporte à l'éducation sexuelle ou à la violence au sein du couple. Quid des prochaines activités? Le thème de cette année dépasse le cadre de la définition actuelle de l'intimité qui signifie presque toujours avoir un rapport sexuel avec une autre personne. Le but est de se passer de l'idée que la sexualité réside tout simplement dans les rapports sexuels, en intégrant les aspects émotionnels et les besoins humains d'avoir des liaisons. Cette année, nous voulons nous concentrer sur les aspects émotionnels de notre sexualité. Nous allons discuter cela dans le cadre de l'amour et de l'intimité en tant qu'opportunité pour chacun d'entre nous. Plusieurs activités scientifiques (tables rondes, débats...) seront organisées à cette occasion durant le mois de septembre en collaboration avec l'Observatoire tunisien des couples et de la famille et le Centre doctor sexology et d'autres partenaires, à l'instar de l'Institut arabe des droits de l'homme pour préparer une stratégie commune au sein de la société civile et plaider en faveur des droits sexuels, ainsi que du droit à une santé sexuelle. Un atelier de dessin pour enfants âgés de 6 à 9 ans sur le thème «Mon corps m'appartient» va être organisé à cette occasion. Il y a lieu de mentionner la tenue d'une réunion constitutive de l'Association méditerranéenne de sexologie avec la participation de 15 membres fondateurs représentant la Tunisie, le Maroc, la France, la Turquie, Malte, Le Liban, l'Italie, la Palestine, l'Egypte et l'Espagne.