Le nouveau gouvernement Youssef Chahed sera, lundi prochain, à l'épreuve de la confiance du Parlement. Sauf que, déjà, il est sous la pression des amis et des opposants, exigeant un programme détaillé pour les deux années à venir. Pourtant, ce programme a d'ores et déjà été transmis par le chef du gouvernement aux parties signataires du Document de Carthage «Le nouveau gouvernement d'union nationale est un gouvernement de guerre. Une guerre qui cible les ennemis principaux suivants : la corruption, le terrorisme et les disparités régionales. Une guerre qui a pour objectif ultime la consécration effective du droit de tous au développement égalitaire et équitable et à une vie décente». Youssef Chahed savait de quoi il parlait, mercredi 6 septembre, en dévoilant la liste des nouveaux ministres et secrétaires d'Etat qui ont rejoint le gouvernement et à qui les députés accorderont leur confiance, lundi prochain, comme vient de l'annoncer Mohamed Ennaceur, président de l'Assemblée des représentants du peuple (ARP). Les propos du chef du gouvernement, aussi concis, précis et clairs soient-ils, constituent-ils la feuille de route que les Tunisiens attendent en prévision des deux années et quelques mois qui nous séparent encore du grand rendez-vous de fin 2019 : les législatives et la présidentielle du deuxième quinquennat (2019-2024). D'aucuns, dans l'opposition et y compris parmi la large coalition au pouvoir dont est issu l'actuel gouvernement bourré de compétences et d'expertises reconnues aux plans national et international, n'ont pas hésité à demander à Youssef Chahed du concret, c'est-à-dire un programmes à partir duquel il va réaliser les promesses qu'il a faites. «L'heure n'est plus aux slogans mobilisateurs ou aux petites phrases incitatives, valeur de promesses électorales qui s'évaporent au fil des jours et des semaines quand les ministres découvrent les dossiers qui les attendent. Nous avons besoin de programmes clairs, de calendriers précis et d'actions à entreprendre dans des délais arrêtés à l'avance», insistent-ils déjà bien avant que la nouvelle équipe ministérielle n'obtienne la confiance du Parlement. A première vue, ces revendications sont on ne peut plus légitimes et compréhensibles. Un gouvernement de guerre comme Youssef Chahed qualifie lui-même sa nouvelle équipe ministérielle doit se doter d'une stratégie à même de lui permettre de gagner cette guerre, d'avoir les moyens humains et matériels propres à vaincre toutes les difficultés de parcours et aussi, et c'est l'essentiel, de bénéficier du soutien permanent et non circonstantiel, en premier lieu des forces politiques et sociales signataires du Document de Carthage, à l'origine de l'émergence du gouvernement d'union nationale et qui ont avalisé le large remaniement ministériel du 6 septembre. Et quand on entend des interrogations sur le programme que Youssef Chahed va appliquer, on se demande dans quel monde évolue notre classe politique et pourquoi nos élites enfoncent-elles des portes ouvertes dans la mesure où le programme en question existe déjà et il a été soumis par Youssef Chahed aux signataires du Document de Carthage avant l'annonce du remaniement. Et en prime, Youssef Chahed a demandé à tous les présents à la réunion en question de lui soumettre leurs propositions en leur promettant de prendre leurs ajouts en considération dans son discours, lundi 11 septembre devant l'ARP. Du côté de la présidence du gouvernement, on assure que le programme en question est déjà prêt sous la forme d'un document et il est en phase de formulation définitive avant le passage des nouveaux ministres devant le Parlement. Une guerre à gagner ensemble Maintenant que «le critère de la compétence a prévalu dans le choix des nouveaux ministres», comme l'affirme Sami Tahri, membre du bureau exécutif et porte-parole officiel de l'Ugtt, et que les dossiers des nouveaux arrivants au gouvernement ont été disséqués à la loupe pour découvrir que personne parmi eux ne traîne une quelconque affaire qui dort dans les tiroirs d'un quelconque tribunal, on se pose la question suivante : que faut-il faire pour que nos politiciens au pouvoir et dans l'opposition accordent leur soutien même mesuré et que nos activistes de la société civile décident de donner au pays «un moment de répit» ou «une petite période d'accalmie de parlotte inutile» afin que le nouveau gouvernement puisse bénéficier de ce qu'on appelle «la période de grâce» qu'on accorde généralement à chaque nouveau gouvernement et entame l'application de son programme ou au moins essaye d'en diffuser les grandes lignes auprès du large public ? Il serait à cet égard bon que les médias puissent avoir en leur possession ces fameux documents. Accorder au gouvernement un moment de répit ou de grâce ne peut en aucun cas signifier négliger les revendications légitimes des travailleurs ou soutenir aveuglément les choix gouvernementaux. Il ne signifie pas également donner, à longueur de journée, des leçons de bonne gouvernance au gouvernement et le menacer quotidiennement de rompre ce «soutien conditionné» et prêt à voler en éclats à n'importe quel désaccord si minime soit-il. L'Ugtt a beau dénoncer, tous les jours, ce que son secrétaire général appelle «l'adolescence attardée et l'immaturité criante de nos politiciens au pouvoir et dans l'opposition», elle gagnerait aussi à tempérer les ardeurs de certains de ses dirigeants qui n'arrêtent pas, ces derniers jours, leurs déclarations-ultimatums comme s'ils étaient en guerre contre un gouvernement que leur direction soutient à Dar Eddhiafa et «dénigre» à la Place Mohamed-Ali. Les enseignants du secondaire et du primaire ne pourraient-ils pas attendre au moins que Hatem Ben Salem s'installe à Bab Bnat pour aller lui demander l'application des accords encore en suspens.