La lutte contre l'abandon scolaire figure parmi les principaux chevaux de bataille du ministère de l'Education qui est appelé, cette année, à relever l'important défi de la poursuite de la réforme du système scolaire. Près de 100.000 enfants abandonnent l'école chaque année en Tunisie. Quelles en sont les causes selon vous? Le problème de l'abandon scolaire est très complexe. Les facteurs sont communs à toutes les régions et à tous les enfants. De nombreux enfants qui ont été questionnés dans le cadre d'un sondage disent ne pas être motivés pour plusieurs raisons. Il y a la pauvreté, il y a la violence, le manque de transport... Certains ont affirmé ne pas avoir l'impression d'apprendre. Des interventions sont actuellement en cours pour lutter contre l'abandon scolaire. On sait, par exemple, qu'il y a 1.200 écoles qui ont un problème d'eau. Dans ces 1.200 écoles, il y a trois cents écoles qui sont prioritaires.. Les ministères concernés ont déjà procédé à un diagnostic. Ils savent où ils doivent intervenir. Par exemple, on va mettre en place des mécanismes de prévention. Avec le ministère de l'Education, l'Unicef va l'aider à mettre en place des mécanismes spécifiques dans le courant de la nouvelle année scolaire : renforcement de la cellule d'écoute, cours de rattrapage et de soutien pour les enfants... Il y a un gros ciblage qui est en train d'être fait pour toucher les écoles où le phénomène de l'abandon scolaire est très élevé. Les outils et les nouveaux mécanismes prévoient, entre autres, la mise en place d'un système de communication avec les parents. Mais cela est en phase de développement. Maintenant, le gros défi ; c'est de mettre tout cela en œuvre et cela prend du temps ; c'est de développer les outils, former les enseignants, placer des psychologues dans les écoles, raccorder les établissements au réseau d'eau potable, aménager des latrines, des aires de jeux... Bref, cela revient à agir sur l'environnement de l'enfant pour le rendre accueillant, agréable et sécurisant. Il faut dire qu' il y a beaucoup de volonté. La société civile est prête à aider. Les enseignants ont également un rôle très important à jouer. Il faut les former, leur expliquer qu'il y a d'autres formes d'enseigner, d'autres façons d'apprendre à l'enfant comment participer en classe. Le ministère de l'Education prévoit, d'ailleurs, de faire des formations pour les enseignants afin d'améliorer la qualité de l'enseignement. La prévention de l'abandon scolaire passe par des mesures prises en amont et en aval. Pensez-vous que ces actions pourront être efficaces pour lutter contre le décrochage scolaire qui est un phénomène qui a pris de l'ampleur en Tunisie ? Il y a beaucoup de fatalisme dans votre question. Le problème du décrochage scolaire est un problème qui est mondial et pas uniquement tunisien. Après l'Indépendance, il y a eu un gros problème de décrochage scolaire dans votre pays et vous avez réussi à le gérer. C'est tout un appareil à mettre en marche. Il faut revoir la carte scolaire, résoudre le problème des heures creuses et de l'absence de salles de permanence qui exposent les enfants aux dangers et qui sont une des causes de décrochage scolaire..Il faut faire des campagnes de sensibilisation, de prévention. Il faut travailler avec les adolescents et trouver un moyen de les remotiver. Il faut former des jeunes leaders, utiliser les réseaux sociaux et faire appel aux bloggeurs qui peuvent réaliser et concevoir des slogans pour remotiver les enfants qui ont décroché. Il faut arrêter cette culture du blâme, il faut donner une nouvelle chance et de l'espoir aux enfants. La période de l'adolescence est très dure. Il faut veiller à ce que les enseignants puissent comprendre les différents développements de l'adolescent. Il faut penser à les former afin qu'ils puissent comprendre la psychologie de l'enfant. Il faut appliquer la discipline positive en donnant de l'espoir aux enfants qui ont décroché. Il y a douze pièces de théâtre qui ont été réalisées par des jeunes pour parler de décrochage scolaire. Elles vont faire une tournée dans douze gouvernorats en septembre afin de susciter le débat, faire connaître l'ampleur du décrochage scolaire et l'impact sur l'enfant, proposer des solutions. Ces pièces seront jouées devant des responsables du ministère de l'Education, des représentants des médias, des parents. Il y aura une dynamique qui sera créée autour d'elles. C'est une manière de conscientiser sur ce problème. C'est ce qu'on appelle le théâtre forum. L'Unicef a mis en place une plateforme en ligne pour faire entendre la voix des jeunes. De quoi s'agit-il exactement? Elle a été créée pour la première fois en Ouganda. Cette plateforme existe déjà en France, en Angleterre et dans 47 pays. C'est un outil qui permet de donner l'opportunité aux enfants et aux adolescents de s'exprimer sur des choses qui les concernent et de communiquer leurs points de vue. Il est possible grâce à cet outil d'avoir des données par région, par sexe, par âge sur les tendances et les perceptions des enfants et des adolescents. Si vous voulez savoir, à titre d'exemple, si les enfants sont satisfaits de la rentrée scolaire, vous pouvez leur envoyer un message sur la plateforme. On peut aussi lancer un sondage sur des thèmes proposés par la société civile ou le gouvernement, et ce, dans le but d' obtenir des informations sur les avis et les points de vue des enfants sur diverses questions, à travers des sondages lancés sur l'ensemble du territoire ou par le biais d'articles, de vidéos, de photos... Nous pouvons réaliser aussi un sondage spécifique qui concerne une ou plusieurs régions. Les résultats sont affichés en temps réel et rendus publics. En Tunisie, cette plateforme existe. Elle est en cours de démarrage. Nous voulons la faire connaître par l'intermédiaire des pairs, des jeunes leaders d'opinion, des bloggeurs afin d' obtenir une large mobilisation.