Le réalisateur français s'est vu sacré par le Fiff avec «Chien», adaptation de son propre roman. Le film sur le thème de la servitude casse les codes classiques et se distingue par rapport aux autres œuvres en compétition. Les deux réalisatrices tunisiennes : Kaouther Ben Henia avec son film «La Belle et la meute» et Sarra Abidi avec «Benzine» sont retournées bredouilles. Le 32e Fiff a attribué, vendredi 6 octobre, le Bayard d'Or du meilleur film, le prix du scénario et le prix de la meilleure interprétation masculine à «Chien» du réalisateur français Samuel Benchetrit, poétique conte fantasmagorique et absurde. Jacques Blanchot (excellent Vincent Macaigne) a tout perdu : sa femme, son travail et sa maison. Son fils ne le respecte pas et le chien qu'il vient d'acheter meurt écrasé. Brisé, il devient peu à peu étranger au monde qui l'entoure. Accueilli par le patron d'une animalerie, il se transforme en chien. Et dans ce rôle, il subit la domination de son maître, mais reste à l'abri de la frénésie des hommes et de leurs ambitions. Un homme écrasé Dès le début de la compétition, «Chien», film franco-belge, s'est distingué par rapport aux autres films en compétition, en abordant une fable en rapport avec notre époque où les personnes humbles, sincères et honnêtes n'ont plus de place dans une société agressive et esclavagiste. Incompris Jacques Blanchot, le personnage principal de l'histoire, n'a plus qu'à s'abandonner entre les mains d'un patron d'une animalerie brutal et véreux, et devient un homme écrasé, à l'instar du chien qu'on voit au début du film dans une scène à la fois dramatique et cocasse du chien qu'il vient d'acheter pour l'offrir à son fils et qui se fait écraser par un bus. Le cinéaste fait un parallèle entre la situation vécue par Jacques et celle du peuple allemand qui a été soumis par le terrifiant Hitler. De manière indirecte, Benchetrit met en garde, dans cette parabole qui se déroule dans un décor contemporain, les gens de l'asservissement dans une société capitaliste menaçante en faisant allusion au sombre contexte historique chargé de racisme, de persécution, qui a conduit à la seconde guerre mondiale. « Chien » est un antidote parfait contre le cynisme et la dictature dans un univers réaliste rendant compte de nos sociétés actuelles. Le réalisateur français, qui vit en Belgique, a dédié son film au public belge, à son équipe, à tous ceux qui l'ont aidé de près ou de loin. Ouvreur de cinéma à ses débuts, il a commencé la réalisation dans les années 2000. Lors de la remise du Bayard d'Or, il était accompagné de sa compagne et actrice dans le film, la star Vanessa Paradis. Cette dernière n'était pas sur scène, mais était à ses côtés lors de la conférence de presse refusant les photos et déclarations de presse. Portrait de la décennie noire Le jury a, par ailleurs, récompensé du prix de la meilleure première œuvre, la Franco-Algérienne Sofia Djama pour son premier film «Les Bienheureux». Portrait en filigrane de l'Algérie post-coloniale et de l'après-guerre civile, «Les Bienheureux» donne à voir un pays qui peine à faire son deuil, à exorciser les années de plomb et à «se projeter». Le film raconte l'Algérie de l'après-guerre civile, traumatisée par la décennie noire, celle qui a vu s'affronter l'armée nationale et divers groupes islamistes. Comment vivre dans une Algérie qui n'a pas fait le deuil de la décennie noire ?, interroge en toile de fond la réalisatrice, elle-même enfant de la guerre civile, née en 1979, et qui a passé son enfance à Bejaïa (Kabylie). Alger, quelques années après la guerre civile. Amal et Samir ont décidé de fêter leur vingtième anniversaire de mariage au restaurant. Pendant leur trajet, tous deux évoquent leur Algérie : Amal, à travers la perte des illusions, Samir par la nécessité de s'en accommoder. Au même moment, Fahim, leur fils, et ses amis, Feriel et Reda, errent dans une Alger qui se referme peu à peu sur elle-même. L'Afrique subsaharienne au palmarès La surprise est venue des cinéastes d'Afrique subsaharienne : Dieudo Hamadi qui a surpris le jury qui lui a décerné le prix pour son long métrage documentaire « Maman Colonelle » est le portrait d'une policière d'un courage et d'une ténacité exceptionnelle qui lutte contre les violences sexuelles à l'égard des enfants et les femmes. Le film, classique, mais efficace, brouillant habilement les pistes, montre l'urgence des situations des violences faites aux femmes et aux enfants. S'expliquant sur le choix d'un sujet aussi grave, Xavier Legrand a dit qu'il ne pouvait pas attendre face à l'urgence de ces situations. Huit ans après son sacre au Fiff avec son documentaire «Ceux de la colline», le Burkinabais Berni Goldblat a, pour sa part, décroché le Prix du public long métrage de fiction pour son film «Wallay», une histoire d'apprentissage avec pour toile de fond le Burkina Faso où un adolescent découvre le pays de ses ancêtres, mais aussi l'éducation et la transmission des traditions et des coutumes. Le Liban a décroché le prix spécial du jury dans la section court métrage avec le film «Salamat from Germany» de Una Gunjak et Rami Kodeih, qui emprunte une démarche réaliste pour raconter l'histoire d'une immigration d'un jeune qui achète un passeport syrien pour aller s'installer en Europe. Le film explore l'effondrement psychologique et la lutte pour une vie meilleure d'un jeune désespéré. La Tunisie hors prix Les films tunisiens : «La Belle et la meute» de Kaouther Ben Henia en compétition officielle et «Benzine» de Sarra Abidi en compétition première œuvre n'ont décroché aucun prix, ce qui ne diminue en rien de leur qualité. Le public namurois leur a réservé un bon accueil, ainsi que la presse, notamment les télévisions qui ont réalisé des interviews avec les réalisatrices de chacun des films, ainsi qu'aux principaux acteurs présents. Le Festival international du film de Namur (Fiff) en est à sa 32e édition. Il a proposé une belle programmation de films, dont les plus marquants sont : « 12 jours » excellent documentaire du réalisateur français Raymond Depardon qui a été couronné du prix de la meilleure photographie. «Lumière ! L'aventure commence» documentaire de Thierry Frémaux, directeur du festival de Cannes, est une sélection de films restaurés offrant un voyage merveilleux aux origines du cinéma présenté dans la section « Regards du présent ».