Une litanie qui nous rappelle le film référence «Hiroshima mon amour» du réalisateur français Alain Resnais. Les images de Homs, ville fantôme en ruine complètement détruite par les bombardements intensifs qui ont duré 20 mois, sont sublimes, cinématographiquement parlant. Dans ce décor d'opéra, après la tragédie, il reste quelques vivants déboussolés par ce qui est arrivé à leur pays Au milieu de ces ruines, trois mois après le départ des insurgés, le réalisateur Joud Said a investi en 2014 les lieux pour installer sa machine cinématographique avec ses comédiens, ses techniciens, etc., une manière de se réapproprier le territoire enfin libéré. Comment montrer Homs sans tomber dans le documentaire réducteur, comment raconter Homs en évitant de montrer les combats et surtout ne pas glisser dans le social ? Fort de trois longs métrages précédents : «Once again» (2009), «Mon dernier ami» (2012) et «En attendant l'automne» (2014), le réalisateur a opté pour une démarche surréaliste où l'absurde prend une dimension tragi-comique. Dans ce huis clos qu'est la ville de Homs, un homme et son neveu; une jeune femme et sa sœur de 5 ans appartenant à différentes sensibilités politiques et religieuses sont les derniers rescapés de la guerre. Ils luttent sous les feux de belligérants en se serrant les coudes. Tous cherchent un frère disparu qui ne sera jamais retrouvé. Dans un immeuble assiégé en face d'une église où vit cloîtré un curé, les personnages essaient de survivre en récoltant l'eau de pluie pour se désaltérer et en se servant dans ce qui reste comme nourriture dans les frigos. Malgré leur condition de vie difficile, ils ne désespèrent pas et continuent à chanter et à jouir pleinement de la vie. Comme dans l'un des contes de Grimm en l'occurrence «La belle au bois dormant», la fille tombe malade et est alitée, le jeune homme la soigne avec ce qui reste comme suppositoires et attend près de son lit qu'elle se rétablisse pour enfin la prendre dans ses bras et lui déclarer son amour. Les ruines sont l'un des personnages importants du film car elles sont témoins de l'abjection de l'être humain en matière de destruction et de massacres pas seulement d'autres êtres humains, comme lui, mais aussi d'un patrimoine culturel inestimable qui raconte la mémoire d'un peuple. Un fragment de la chanson prémonitoire de Mayada Hanaoui «Kan ya ma Kan, Kan Lina Bit» (Autrefois, nous avions une maison), chanté par l'un des protagonistes, donne une dimension à la fois tragique et lyrique au film. Un film poignant, sensible et réaliste qui nous dit que la vie continue et que Homs, grâce à la culture et notamment au cinéma, n'est pas morte.