Fidèle à sa philosophie de jeu basée sur trois éléments essentiels, à savoir construire derrière, progresser, conserver le ballon dans le bloc adverse et assurer une transition rapide pour surprendre l'adversaire, ce vrai formateur, aux qualités techniques et morales indéniables, a laissé, là où il est passé, ses traces. De la FTF en tant que directeur technique, en passant par le CSHL, l'ESZ, l'ASG et l'USM, il a su imprégner à tout ce beau monde une stratégie du football moderne au vrai sens du terme. Découvrons-le plus dans cette interview exclusive. Qui est Skander Kasri ? J'ai 59 ans, j'ai eu mon bac en 1976, année au cours de laquelle j'ai rejoint la France pour poursuivre des études en médecine à la Faculté de médecine de Montpellier. Dommage, ces études n'ont pas été achevées. Etant rentré en Tunisie, j'ai directement rallié l'Institut des Sports de Ksar Saïd en 1979. A l'issue de quatre années d'études, j'ai obtenu avec succès le Master professionnel en préparation physique et évaluation. En 1999, je suis passé au grade d'inspecteur pédagogique après de louables services dans ma spécialité. En 2007, j'ai réussi à épingler le grade d'inspecteur principal et j'attends pour le moment le résultat du concours d'inspecteur général, que j'espère de tout mon cœur réussir. En attendant une bonne nouvelle, je poursuis mon travail comme entraîneur à la tête de l'USM avec laquelle je me suis engagé pour une saison. Parlez-nous maintenant de Skander le footballeur ? Dans ma carrière en tant que joueur, j'ai connu un seul club, le CSHL, le club de mes premières amours dans lequel je me suis formé et épanoui. Je suis passé par toutes les catégories des jeunes pour signer ma première licence seniors en 1981. A partir de cette date et jusqu'à 1988, j'ai joué en tant que titulaire pour contribuer grâce à mon application et mon sérieux, dans les bons résultats enregistrés par mon club avec lequel j'ai gagné mon premier titre: la Coupe de Tunisie en 1985 après une finale très disputée contre le spécialiste, le CA, grâce aux tirs au but et au cours desquels notre gardien de but Sebaï a été décisif pour offrir au club de Boukornine sa première coupe après l'Indépendance. L'été de la même année et à l'occasion des festivités de feu président Habib Bourguiba, on a gagné au stade Ben-Jannet à Monastir la Supercoupe après avoir battu l'EST, champion en titre par 1 à 0. En nous remettant le trophée, le président Bourguiba, qui avait assisté à ce match, avait demandé à notre président Boussafara pourquoi l'USM ne joue pas ? Notre président lui a répondu que l'USM n'a rien gagné cette saison. Cette anecdote restera gravée à jamais dans ma mémoire. Après l'épopée du CSHL, j'ai eu une autre expérience au championnat omanais en tant que joueur et entraîneur en même temps de 1988 à 1992. Une expérience qui a été fructueuse à tous les niveaux. Quelles contributions avez-vous apportées au football tunisien durant votre passage à la tête de la direction technique de la FTF ? Après un passage éclair avec les jeunes de l'EST de moins de 17 ans, j'ai veillé au cours de la saison 95-96 sur les destinées de l'équipe senior du CSHL. En 1998, j'ai été nommé à la tête de la direction technique chargée de la formation des cadres. Parallèlement à cette tâche, j'ai été chargé d'entraîner la sélection nationale des -20 ans (junior) avec laquelle j'ai effectué un travail colossal qui nous avait permis de jouer le dernier tour éliminatoire de la CAN junior contre le géant Ghana qui s'était qualifié aux tirs de but, puisque on avait perdu à Komassi (0-1) et gagné à El Menzah (1-0). Parmi les joueurs qui avaient émergé dans cette sélection et qui seront très sollicités après, je cite K.Hagui, A.Belbouli, K.Saïdi, F.Gharbi, A.Ltifi et H.Ragued et la liste est encore longue. Après une petite trêve pendant laquelle j'ai entraîné l'ASD en Ligue 2, je suis revenu à la tête de la direction technique des jeunes en tant que responsable du centre de formation 2005/2007. En 2008 et sur concours, j'ai été désigné directeur technique-adjoint chargé de la formation des cadres. En plus de cette tâche, j'ai été chargé d'entraîner la sélection U23 qui avait participé aux Jeux méditerranéens de Pescara (Italie). Lors de ce tournoi, on a fait match nul contre l'Espagne, futur médaillé d'or (2-2) et gagné l'Albanie (3-1). Ces deux résultats n'avaient pas suffi pour se qualifier pour les demi-finales à cause de notre différence des buts par rapport à l'Espagne. On a terminé 7e et j'ai été limogé soi-disant pour insuffisance de résultats. Et malgré cette injustice, j'ai continué mon chemin avec le sérieux habituel, en veillant en 2009 sur les destinées de la direction technique des jeunes de l'EST comme responsable du centre de formation de cette grande école. Malgré votre statut d'assistant, vous avez connu toutes les gloires avec les «Sang et Or». Où réside le secret ? Il n'y a pas de secret, puisque premier entraîneur ou assistant, le sérieux et l'abnégation sont les seuls critères pour évaluer un staff technique. Durant mon passage à l'EST, j'ai eu la chance de travailler avec Nabil Maâloul, connu pour son application et son sérieux. En 2011 et après la fameuse déroute, en finale 2010 de la Ligue des champions contre le TP Mazambe (5-0) à l'aller et 1-1 au retour, Maâloul, moi et tout le reste du staff technique, on avait pu bâtir une équipe solide et très performante qui avait en peu de temps renoué avec les victoires et les titres, comme en témoigne son triplé gagné en 2011, doublé à l'échelle nationale et la prestigieuse Champions League, en battant en finale retour le WAC du Maroc (1-0). L'aller s'est soldé par un score vierge. Maâloul était parti après l'arrivée d'un jeune technicien M. Kanzari en 2013. L'EST aurait pu rééditer l'exploit de 2011, mais vers la fin du parcours, on a bêtement raté un nouveau triplé susceptible de mettre les «Sang et Or» au-devant de la scène nationale et continentale, mais c'est ainsi le football, il est fait de victoires mais aussi de défaites... Après votre expérience réussie avec l'EST, vous avez changé de cap pour aller prendre en mains des petits clubs. Pourquoi ce choix ? Mon choix est mûr et raisonné, puisque j'ai voulu vivre d'autres aventures avec des équipes de second plan afin d'assumer l'entière responsabilité en tant que premier entraîneur. Grâce à mon sérieux et à mon application j'ai réussi ce pari en entraînant l'ESZ en 2015 et avec qui on a terminé la saison à la cinquième place à trois journées de la fin... avec au passage un football très plaisant. En 2016 et avec l'ASG, le nouveau promu, j'ai réussi à maintenir l'équipe parmi l'élite, après avoir raté la qualification au play-off de peu... On a fait une belle démonstration au play-out terminant le parcours à la 2e place... Cette saison, j'ai décidé de prendre en mains un autre nouveau promu, en l'occurrence l'USM. C'est moi qui ai choisi ce club dans la mesure où j'ai bien cru au projet sportif et au sérieux d'investissement des responsables de cette grande école et notamment le président A. El Belli qui m'a donné carte blanche. Afin de renforcer l'effectif par des joueurs d'expérience, j'ai été derrière le recrutement d'Essifi, Hadda, Dziri, Mosrati et l'arrivée de Anan, le Béninois, sous forme de prêt d'une saison de l'EST. Ces joueurs avec les anciens sont en train de prêter main forte à leur équipe qui reste encore perfectible. Toutefois, je ne peux pas évaluer notre parcours après 9 journées. C'est à la fin de la phase aller que je pourrais tirer les conclusions adéquates. En attendant ce rendez-vous, mon objectif reste toujours de bâtir un groupe capable de confectionner un jeu cohérent, plaisant à voir et tourné essentiellement vers l'offensive qui reste ma stratégie préférée. Dans ce contexte, je ne nous cache pas un secret pour dire que je me suis inspiré dans ma philosophie de jeu de A. Nagy qui m'a entraîné quand j'étais joueur au CSHL, alors qu'en dehors de nos frontières, l'Espagnol Guardiola, le Français A. Wenger et l'Italien Sacchi restent mes idôles dans la pratique du football total au vrai sens du terme. Quelles sont les raisons de la déroute des quatre équipes tunisiennes l'EST, l'ESS, le CA et le CSS dans les deux compétitions continentales? C'était vraiment le waterloo pour ces équipes qui n'avaient pas l'habitude de connaître un tel sort... mais en football, ça peut arriver... Néanmoins, cette déroute trouve ses origines dans la fragilité mentale du joueur tunisien pas suffisamment encadré, du grand manque d'humilité et la faiblesse de l'opposition de notre championnat où notre système footballistique a souvent favorisé les quatre grands clubs... à travers le chambardement du calendrier afin de leur assurer une préparation adéquate pour leurs matches continentaux, ce qui est une décision aberrante, car rien ne vaut la compétition. Comment évaluez-vous le parcours réussi jusque-là par l'EN qui reste à un point du mondial Russe? C'est un excellent parcours jusqu'à maintenant, mais à condition de terminer le dernier match contre la Libye en beauté. Si on fait preuve d'humilité et qu'on prend toutes les prédispositions pour préparer ce match... la victoire sera certaine et la fête sera totale. Personnellement, j'ai grande confiance en le staff technique dirigé par Maâloul qui a certainement effectué un grand travail au niveau de la préparation mentale des joueurs. Et puis, l'équipe, qui a fait une forte démonstration à Conakry face à la Guinée (4-1), a tous les arguments pour battre la Libye, tout en alliant la manière à l'efficacité. Cependant, le vrai travail commence le 12 novembre car il ne faut pas passer à côté de la plaque dans cette nouvelle participation à la Coupe du monde Russie 2018, et montrer surtout que la Tunisie reste toujours l'un des bastions du football africain.