Par Boubaker BENKRAIEM* D'autre part, notre pays ne peut coller aux pays en développement et réaliser une croissance de 7 à 10% par an qu'en procédant à de sérieuses réformes dans certains domaines. Celles-ci nécessitent du courage, de la détermination et de l'audace car elles sont nombreuses et certaines peuvent être déplaisantes : l'enseignement, retraite, deuxième emploi des retraités, établissements hospitaliers publics, séance unique, congé du samedi et service national. A- L'enseignement : a- 1 : Je pense que depuis quelques années, la réforme de notre enseignement, qui est indispensable, suit son cours et va être, très prochainement, je l'espère, annoncée. Il y aurait lieu, cependant, de ne pas négliger, dans les trois niveaux d'enseignement, la formation physique, la formation morale, la formation civique et patriotique (histoire du mouvement national, les valeurs de citoyenneté, le drapeau), les activités culturelles et sportives (clubs de théâtre, musique, sport, peinture, etc.). a- 2 : L'Unesco ayant fixé le volume horaire de l'enseignant du primaire à 30 heures par semaine, il n'est ni normal, ni logique, ni rationnel ou judicieux de maintenir le volume moyen de 15 heures accordé du temps de la Troïka, nous obligeant à multiplier par deux nos besoins en maîtres du primaire. Notre pays a utilisé, depuis l'indépendance, la moyenne de 30 heures pour les enseignants du primaire qui ne s'en sont jamais plaints. Aussi, comme cette question stratégique concerne et tout le gouvernement et le Parlement, il y aurait lieu de rectifier le tir et de suivre le volume horaire établi par l'Unesco. Cela est motivé par le fait qu'aucun pays au monde n'a programmé un volume horaire pour les maîtres du primaire de moins de 25 heures par semaine. Au contraire, certains pays arrivent même à 43 heures. Serions-nous les seuls au monde à le faire ? Peut-on expliquer les raisons de cette mesure unique ? a- 3: Les enseignants du secondaire ont annoncé une grève pour le 6 décembre prochain pour la non-application d'un accord remontant à 2011 (journal La Presse du 8/11/17 p.3) l'année de toutes les largesses et de tous les cadeaux (prenez ce que vous voulez mais laissez-nous tranquilles !). Il s'agirait en fait d'une indemnité relative à la qualification du métier d'enseignant comme ‘‘métier pénible''. Je suis curieux de savoir si pareille indemnité existe dans certains autres pays et dans combien de pays. Cependant si les enseignants du secondaire obtiennent cette indemnité, il faut l'étendre aux enseignants du primaire et à ceux du supérieur. De même, si les enseignants du secondaire pensent que leur métier est pénible, cela n'est-il pas compensé par les trois mois de vacances d'été, les vacances d'hiver et celles de printemps ? Aussi, si les professeurs du secondaire considèrent que leur métier est pénible, que doivent penser de leur métier les douaniers, les agents de la protection civile (les pompiers) et les militaires ? N'est-il pas aussi pénible et davantage dangereux ? Et les gardes forestiers, les ingénieurs, les chirurgiens et tant d'autres métiers aussi respectables et respectés? Pareille demande provenant de ceux que nous continuons d'appeler ‘‘assiadna'' est plus que décevante. Décevante, parce que de mon temps, ils étaient, pour nous, l'exemple et le modèle : ils nous ont appris le nationalisme, l'amour de la patrie et l'esprit de sacrifice ; décevante, parce qu'elle émane d'une certaine élite qui connaît la situation du pays ; décevante, parce que notre pays est en train de combattre le terrorisme ; décevante, parce que notre pays connaît de sérieuses difficultés financières ; décevante, parce qu'ils savent que chaque année, le pays se fait prêter de l'argent pour payer les salaires des derniers mois de l'année. Aussi, je demanderais à ‘‘assiadna'' ce qui suit :* ce pays vous a fourni gratuitement et l'école primaire et le lycée et la faculté tout en attribuant à nombreux d'entre vous des bourses ; il vous a permis d'avoir un emploi et de surcroît noble. En retour et en compensation, qu'avez-vous donné à ce pays ? Avez-vous, au moins, effectué votre service national ? Même cela n'est pas suffisant par rapport à tout ce que vous avez reçu de la patrie !* B- Retraite : la réglementation tunisienne relative à la retraite permet au couple qui travaille et qui bénéficie, le mari et l'épouse, chacun d'une retraite, de jouir, lorsque l'un des deux conjoints décède, d'une partie de la pension de retraite du décédé. Il semble que cette pratique ne soit pas usitée dans d'autres pays. Et comme les deux caisses de retraite (la Cnrps et la Cnss) connaissent des difficultés financières sérieuses, pourquoi ne pas réviser cette réglementation et permettre au survivant du couple de ne bénéficier, seulement, que d'une seule retraite, mais celle la plus importante des deux membres du couple ? C- Deuxième emploi du retraité : l'un des problèmes majeurs de notre pays est le chômage. Nous savons tous que de nombreux retraités sont employés par les privés dans le but de ne pas payer les charges sociales puisque le nouveau recruté bénéficie, déjà, d'une couverture sociale, d'une part, et, d'autre part, pour accorder, au retraité, un salaire au rabais. La loi tunisienne interdit cette pratique. Aussi, dans le but de caser quelques centaines de milliers de chômeurs, pourquoi ne pas veiller à la stricte application de cette loi, la renforcer davantage, prévenir les contrevenants, et les sanctionner, au besoin, très sévèrement ainsi que le retraité fautif lui-même. D- Etablissements hospitaliers publics: devant le nombre de plus en plus important de citoyens allant en consultation aux hôpitaux ou dispensaires, pourquoi ne pas réviser le fonctionnement des établissements hospitaliers publics pour qu'ils travaillent toute la journée. Les hôpitaux au Maroc et en Algérie fonctionnent selon le système de la double séance. C'est plus rentable, plus sensé et plus logique. E- Séance unique: la Tunisie est le seul pays d'Afrique du nord à opter pour la séance unique en été. Un pays en développement avec les difficultés que nous connaissons tous ne peut se permettre ce luxe. Pourtant, notre climat n'est pas différent ou plus difficile que celui de nos voisins du Maghreb. F- Repos du samedi : n'est-il pas plus judicieux, plus éclairé, plus sage et plus réfléchi de reprendre le travail le samedi matin, devenu jour de repos après le 14 janvier 2011 ? Notre pays a besoin de travailler davantage. G- Service national : c'est l'activité qui peut rendre au pays le plus grand bien à tous points de vue. Pour qu'il soit une réussite, il doit être universel, impartial et équitable. Aucune dispense partisane ou de complaisance ne doit être accordée. Seuls les soutiens de famille reconnus comme tels en seront, partiellement, dispensés ? Ses avantages sont multiples : 1- Chaque année, il englobera près de 70 mille jeunes tunisiens, dont des dizaines de milliers de chômeurs potentiels en moins, 2- Après la formation militaire de base (8-10 semaines), nous pourrons satisfaire les besoins en personnels et surtout en cadres qualifiés et spécialistes des forces armées, des forces de sécurité intérieure, de la douane, de la protection civile, des gardes forestiers, des établissements hospitaliers, des directions régionales des ministères, des Crda, etc.. ? 3- il nous permettra de donner à ces jeunes, à cet âge assez complexe, la formation civique, morale et patriotique qu'ils n'ont pas reçue à l'école ou au lycée ; au mieux, nous pouvons la compléter et la renforcer. Quel que soit le coût financier de cette opération — et il y a un coût important—, le gain est absolument inestimable : nous aurons formé, et peut-être sauvé notre jeunesse pour en faire une jeunesse saine, nationaliste, moralement forte, dotée, pour les jeunes n'ayant pas terminé leurs études, d'une formation professionnelle adéquate ; cette jeunesse sera assez avertie et protégée de tous les courants extrémistes et violents, religieux, ou politiques douteux et de délinquance. Si nous avons le courage et la possibilité de décider que tous les jeunes âgés de vingt ans doivent accomplir le service national, nous aurons, tout d'abord, respecté notre Constitution et ensuite, formé des hommes et enfin notre armée demeurera éternellement jeune et nationale ; elle sera l'armée issue du peuple et pour le peuple; ainsi nous marquerons l'histoire de notre pays ; aussi, nous serons cités en exemple et nous pourrons être pris comme modèle. Notre pays est traversé, depuis quelque temps, par une inquiétante période de violence, de braquage, de brutalité et d'agitation qui nécessite une vigilance de tous les instants, et une mobilisation sérieuse des parents et des forces de l'ordre pour faire face aux impondérables. C'est ainsi que nous imposerons, de nouveau, le calme, la paix, la sécurité et la sérénité qu'attendent, impatiemment, nos concitoyens. A ce propos, il est nécessaire de réviser notre législation pour aggraver les sanctions et utiliser toute la pédagogie, grâce à tous les médias, pour mettre en garde tout le monde des conséquences des actes et activités de braquage, de banditisme, de brigandage, de vol de cheptel et de récolte, de terrorisme et de toute combine ou pratique de malfrat. Pour venir à bout de ces fléaux nouveaux pour nos concitoyens, il faut sévir, encore sévir et toujours sévir parce qu'il faut traiter le mal par le mal. Pour ce faire, le code des sanctions doit être sérieusement révisé vers la hausse. Que Dieu protège la Tunisie éternelle. *(Ancien gouverneur)