Par Mohamed ABDELLAOUI Mustapha adore le vélo. Chaque dimanche, il part sur les routes, slalome à travers les sentiers et renoue avec le temps des chevauchées, celles de l'esprit. Hier, et à moins de vingt jours de la nouvelle année, l'étudiant de 30 printemps a centré ses méditations sur le présent de sa chère patrie : la Tunisie. Le présent et l'avenir. Qu'en est-il et qu'en sera-t-il ? se demande cet intelligent apprenti du savoir. Tout était clair pour lui. La Tunisie nouvelle ne s'affiche point comme il l'aime. Sept ans ou presque depuis la Révolution de 2011, la déstructuration sociale se poursuit. La pyramide étant inversée, les couches privilégiées d'hier se retrouvent aujourd'hui au bas de l'échelle. Enseignants, journalistes, ingénieurs et médecins ne font plus rêver ces élèves et écoliers des temps qui courent. L'intérêt pour le travail «socialement utile» a cédé la place aux activités et «métiers» les mieux rémunérés. Et les vraies compétences du pays choisissent l'immigration quand elles ne se résignent pas à garder un silence morne. Les Tunisiens de la classe moyenne endurent souffrances et inquiétudes, étant englués dans les difficultés kafkaïennes de la vie quotidienne. De quoi demain sera-t-il fait pour leur progéniture? L'école publique, la santé publique, la lutte contre les inégalités sociales, l'incitation des paresseux au travail et des récalcitrants au respect des lois régissant le vivre-ensemble, somme toute, la restitution du prestige de l'Etat (dans son acception la plus noble et la plus large), sera-t-on en mesure de gagner le pari et avec quels moyens humains, matériels et logistiques ? Voilà les préoccupations actuelles des Tunisiens. Mustapha en est un. D'ailleurs, le classement de son université hors du top 1000 des meilleurs établissements de l'enseignement supérieur du monde l'inquiète et l'agace. Aura-t-il demain les moyens de concurrencer les diplômés de Harvard ou de Cambridge ? Aura-t-il encore les moyens de mener comme il se doit des négociations avec l'une des institutions internationales, une fois qu'il est nommé représentant officiel de son pays ? Près de sept années depuis le soulèvement populaire qui a mis fin à un régime dictatorial, le miracle tant attendu ne s'est pas produit. Aux années de braise et du changement en trompe-l'œil, s'ensuit la période de vaches maigres. En témoignent des taux de pauvreté de 15%, de chômage d'un peu plus de 15%, d'inflation de près de 6%), selon des statistiques officielles et un indice de criminalité de 36,15 % sur 100, d'après le rapport 2017 du site spécialisé Numbeo. Que se passera-t-il demain, en 2018, et après 2018, avec ces « has-been » et professionnels du verbe qui improvisent et naviguent à vue ? Comment sera le pays à l'aune d'un exercice politique où les coups bas pleuvent ici et là et dans les médias ? Quelle trajectoire prendra la nouvelle Tunisie avec l'homme au turban, celui qui a brillamment réussi à mettre en place une dictature tellement camouflée qu'elle semble ne pas en être une? Qu'en sera-t-il de la Tunisie en 2018 ? Qu'en sera-t-il selon ces journalistes et communicateurs qui, puisant dans le sensationnel, ne font que niveler par le bas discours et matière médiatiques, à un moment crucial pour un pays qui se reconstruit ? Comment distinguer le bon grain de l'ivraie face à ce tohu-bohu repéré à tous les étages ? Et à qui prêter l'oreille parmi ces journalistes et communicateurs qui dissonent dans la chorale du pouvoir ? Bien d'interrogations chevillées à l'esprit, ainsi entamera Mustapha 2018. Une chose est toutefois sûre pour lui : face à un monde qui paraît prospérer contre toute culture, il ne reste que la volonté des enfants valeureux de la patrie pour semer les grains du changement. Et les grains du changement sont sciences, rigueur, ordre, mérite, persévérance et surtout ouverture sur le monde et les expériences d'autrui.