Des thèmes universels qui ont inspiré les poètes français et les chanteurs à texte, Barbara, mais encore Ferré, Brel et tous les autres. La nouveauté, c'est cette corrélation thématique traversant le spectacle de bout en bout qui a bercé le public du début jusqu'à la fin. C'est par un hommage à Barbara que l'espace l'Agora de La Marsa a choisi de clore l'année dans un foisonnement de mots et d'émotions. Barbara, auteur-compositeur-interprète française, icône des années 60-70, s'en est allée voilà vingt ans. Jeudi, malgré le froid glacial, le public s'est déplacé en nombre pour honorer sa mémoire et son héritage à travers le cabaret culturel, un spectacle imaginé et conçu par Mohamed Ali Okbi, le maître de céans. Ce cabaret, érigé sous le signe de l'art et de la culture, est un nouveau concept qui, à la faveur d'une mixture faite de poésie et de mélodies, libère le sens des mots et invite le rythme. Dans une ambiance feutrée qui se prête au genre et sur une scène drapée de gris et de rouge, les célèbres chansons de Barbara, «Dis, quand reviendras-tu?», «L'Aigle noir», «Ma plus belle histoire d'amour, c'est vous», « Göttingen» sont interprétées par Imen Khayati et Amel Chérif. Les poèmes de Ronsard, Verlaine, Baudelaire sont déclamés par Daly Okby, lui-même, animé par une forte charge émotionnelle et par une voix qui l'a également porté à chanter la terrible chanson «Drouot-La salle des ventes». Une histoire qui raconte la tragique dépossession d'une femme contrainte par l'indigence de vendre aux enchères un bijou, vestige d'un ancien amour. En voici l'incipit : «Dans les paniers d'osier de la salle des ventes ; Une gloire déchue des folles années trente ; Avait mis aux enchères, parmi quelques brocantes ; Un vieux bijou donné par quel amour d'antan». De la poésie Le spectacle, mis en scène comme une pièce de théâtre, se déroule en quatre actes. L'acte premier intitulé «Du dépit amoureux», une thématique récurrente dans la littérature, illustrée par le poème «Sonnet pour Hélène» de Ronsard. L'acte II revient sur l'enfance tragique de Barbara. L'acte III raconte la guerre, les incessantes fuites et les souffrances. Et pour finir sur une note positive, un brin céleste, l'auteur du cabaret a choisi de déclamer le célèbre poème de Baudelaire, «Elévation», en voici le premier quatrain : «Derrière les ennuis et les vastes chagrins ; Qui chargent de leur poids l'existence brumeuse ; Heureux celui qui peut d'une aile vigoureuse ; S'élancer vers les champs lumineux et sereins». Chaque acte se déploie à travers une tonalité différente pour inviter à pérégriner entre les textes littéraires et les chansons. Une immersion dans la magie des mots et une belle occasion offerte au gré d'un soir de décembre pour se ressourcer et interroger son imaginaire et ses propres émotions. Sur une durée d'un peu plus d'une heure, le public a savouré un moment de qualité savamment agencé entre morceaux choisis déclamés et chantés. «Je pars du principe que ce vous aimez vous arrivez à le faire partager», nous confie M.Okby, ajoutant : «Je crois qu'il y a une société qui est en manque de concept intellectuel». Le concept a séduit Les musiciens Kays Rostom aux percussions, Maher Karoui à la contre-basse et Omar El Ouaer au piano ont accompagné chant et lecture avec des notes douces, laissant la primeur à la résonance des textes. «J'ai fait un mix à partir de poèmes et de chansons, révèle encore l'artisan du cabaret, pour chanter la mort, l'amour, la vie, la lumière, la transcendance, l'inaccessible étoile, tout un monde de souffrances et d'exaltation», analyse-t-il. Des thèmes universels qui ont inspiré les poètes français et les chanteurs à texte, Barbara, mais encore Ferré, Brel et tous les autres. La nouveauté, cette corrélation thématique traversant la scène de bout en bout qui a bercé le public du début jusqu'à la fin. La représentation est la deuxième du cycle et donnera suite à une troisième, compte tenu du succès rencontré. Mais encore, le concept ayant séduit, le canevas étant fin prêt, d'autres hommages à d'autres artistes, chanteurs, à des hommes et des femmes de lettres pourraient être présentés à l'avenir. Cette fois-ci, par la mise en contexte des textes littéraires, la déclamation des poèmes, l'évocation de quelques bribes de la vie de Barbara et l'interprétation de ses chansons, le cabaret a réussi à créer une atmosphère particulière, mélancolique, où la célèbre interprète, qui avait imprégné toute une époque, semblait planer sur la salle à travers son ombre fluette.