Les premières apparitions de la femme sur la scène théâtrale ont encore, aujourd'hui, un sens particulier. Déjà pour les hommes de théâtre, la pratique de cet art comportait son lot de tribulations, dans la mesure où lorsque pointèrent les premières expériences, le pays était parcouru par un mouvement de colère contre l'occupation. C'est l'origine du regard réducteur qui caractérisait l'accueil de cette expérience par la société.Par ces temps de la mobilisation des forces vives du pays, pratiquer du théâtre équivalait à une perte de temps et d'énergie, un comportement oisif et sans aucune utilité sociale. Pour les femmes, c'était plus grave: il s'agissait d'une dépravation pure et simple... L'expérience étant à peine entamée, les hommes de théâtre , tous des amateurs , à l'époque et jusqu'en 1954, date de la fondation de la première troupe professionnelle, en l'ocurrence la T.V.T., ont persisté et lutté pour venir à bout de ce refus. Leur adhésion au mouvement de libération du pays a, peu à peu, intégré le théâtre dans une dynamique telle qu'il a fini par jouer un rôle d'accompagnement de la lutte politique. Mais le prix de cette lutte a été lourdement payé par les femmes de théâtre qui sont restées cloîtrées dans une image réductrice dont elles ont traîné les répercussions longtemps après. Celles que l'on considère aujourd'hui comme des étoiles ont connu des jours difficiles, des dépressions, des douleurs qu'elles n'ont pu totalement sublimer par leur art... Leur descendance envisage actuellement ce parcours comme un modèle sacré, comme une démarche idéale, sinon lorsqu'il s'agit de faire parvenir leur voix, du moins en ce qui concerne la détermination, la préservation de la flamme créatrice, de la passion du métier. C'est un véritable culte de la mémoire de ces femmes que l'on ne cesse de célébrer. Hbiba M'sika, Fadhila Khitmi, Zohra Faïza, Hassiba Rochdi, Fathia Khaïri, Dalenda Abdou, Nejiba Sabri, Chefia Rochdi et d'autres encore sont autant de phares auquelles l'on doit le respect témoigné aujourd'hui à leurs jeunes héritières...