Par Abdelhamid GMATI Beaucoup de paroles importantes en ce début d'année. Et d'abord, cette annonce surprenante, mercredi dernier, d'«une grève générale contre les grèves», décidée par l'Utica et l'Ugtt en vertu d'un programme commun. Le nouveau président élu de l'Utica, Samir Majoul, explique : «Nous ne pouvons pas nous permettre, aujourd'hui, de subir des conditions sociales critiques engendrées par les grèves. Nous allons œuvrer plutôt à augmenter la production, améliorer la productivité ainsi que promouvoir l'investissement et l'exportation. Nous allons également veiller à honorer nos engagements envers les jeunes chômeurs qui s'attendent à ce que nos promesses de créer des emplois pour eux soient tenues». De son côté, le secrétaire général de l'Ugtt, Noureddine Taboubi, souhaite l'arrêt des grèves «à condition que le climat social s'y prête». Pour lui, «la Tunisie ne peut plus supporter les tensions. Il faut relancer l'économie». Des paroles susceptibles de nourrir l'espoir d'une paix sociale, d'une relance de l'économie, d'une sortie de crise. D'autant qu'un membre du gouvernement, le ministre des Domaines de l'Etat et des Affaires foncières, Mabrouk Korchid, a lancé «un appel à toutes les parties pour unir les rangs afin de pouvoir dépasser cette crise qui semble devenir chronique». Et de fait, les représentants de l'Ugtt et de l'Utica sont parvenus à un accord, mercredi dernier, concernant une reprise des activités de la Stip, bloquée depuis des mois. Dans la foulée, la grève annoncée par le syndicat général des chemins de fer a été annulée. Mais, en même temps, d'autres paroles donnent à réfléchir. Le secrétaire général de l'Ugtt nuance ses propos : « Nous sommes pour la grève contre les grèves, mais nous restons en grève contre ceux qui ne respectent pas les droits des travailleurs. Car la grève n'est pas une fin en soi, mais un moyen pour faire prévaloir ses droits». Les travailleurs étant des citoyens comme les autres, l'on s'interroge sur la nature et l'étendue de ces «droits des travailleurs». Les paroles de Noureddine Taboubi en donnent une idée. «Chedly Ayari a fait son temps et il serait opportun de le changer», déclarait-il jeudi dernier. «Chaque début a une fin. Des indicateurs économiques tels que le glissement du dinar et les difficultés que rencontre l'économie tunisienne plaident en faveur d'un changement du gouverneur de la Banque centrale. Il est temps que d'autres compétences prennent le relais». Les droits des travailleurs incluent le départ du gouverneur de la Banque centrale. D'autre part, et selon Taboubi, l'Ugtt va organiser un forum économique dans la seconde moitié du mois de février. Il s'agira «de définir une politique de développement qui tienne compte des capacités financières et humaines de la Tunisie». On notera, aussi, que depuis un mois et dans l'indifférence générale, la Sotacib, à Feriana (gouvernorat de Kasserine), seule usine de production de ciment blanc, est à l'arrêt et ses 2.800 employés, au chômage technique. Tout le secteur du bâtiment se trouve aujourd'hui bloqué face à cette situation. A l'origine du conflit social, une grève décrétée par le syndicat de base le 26 décembre 2017 pour réclamer le changement du directeur de l'usine, que les syndicalistes accusent d'autoritarisme et, d'autre part, la participation des syndicats aux questions relatives au départ anticipé à la retraite et enfin une révision de leur système de sécurité sociale. Face à «cette intervention du syndicat dans la gestion de la société et à la grève anarchique décrétée par les syndicalistes», la direction de la Sotacib a décidé de suspendre 7 syndicalistes de leurs fonctions. Elle ferme, temporairement, le site pour 6 mois à partir du 5 janvier 2018. On le constate : les «droits des travailleurs» brassent large et se confondent avec les ambitions des syndicalistes. Beaucoup de paroles. Qu'en retenir ? En attendant, des grèves sont annoncées pour le mois de février, celle de l'enseignement secondaire et celle de la Poste. On évoquera, toutefois les paroles du P.-d.g. de la Poste tunisienne, Moëz Chakchouk, qui, parlant de la grève générale à laquelle a appelé le syndicat de la Poste pour les 21, 22 et 23 février prochain, a rappelé que « des solutions existent et il faut toujours privilégier le dialogue sur toute autre alternative car le contexte du pays ne permet pas «d'y rajouter des problèmes». Sera-t-il entendu ?