Jaouhar Ben Mbarek, Chaima Issa, migration… Les 5 infos de la journée    Allocution de Nabil Ammar à l'occasion de la célébration de la journée de l'Europe : « Notre relation devrait, pour prospérer dans le futur, être fondée beaucoup plus sur le partenariat que sur l'assistance »    Coopération tuniso-libyenne : Vers une lutte renforcée contre l'immigration irrégulière    Tunisie – Enfidha : Arrestation d'un dealer de Cannabis    La Tunisie au premier rang du Concours international européen de l'huile d'olive Edition 2024    Espionnage aérien au-dessus de Gaza : l'implication controversée du Royaume-Uni    Visite de la délégation chinoise à la cimenterie de Bizerte : un pas de plus vers la construction du nouveau pont    La Tunisie s'engage à soutenir les efforts onusiens pour la paix en Libye    Programme des huitièmes de finale de la Coupe de Tunisie    Hausse de 18% des investissements étrangers au premier trimestre 2024    376 morts sur les routes et 2204 blessés en à peine 4 mois    Féminicides: 25 femmes tuées en 2023    La Mechouia et Omek Houria dans le TOP 10 des meilleures salades au Monde    Le Commandant Ahlem Douzi reçoit le prix "Trailblazer" de l'ONU (vidéo)    Leila Hadded sur la migration : jusqu'à quand va durer cette hémorragie !    City Cars Kia renouvelle son partenariat avec le Tennis Club De Tunis et présente la 18ème édition du « Kia Tunis Open »    Des difficultés en cascade pour les producteurs de fraises [Vidéo]    « La Tunisie de jadis et de naguère » nouvel ouvrage de Mohamed El Aziz Ben Achour, retrace l'histoire riche et complexe de la Tunisie    Tunisie – Leishmaniose cutanée : entre 4 000 et 5 000 cas par an    Un séminaire sur la Philosophie et monde arabe : quelles perspectives face aux crises et à la révolution technologique ?    Révolution dans l'obtention du visa Schengen : Vers une procédure entièrement numérisée    Fermeture temporaire de l'église Saint-Louis à Carthage    Transition énergétique : Le gouvernement accélère la cadence    La Nasa finance le projet d'un système ferroviaire sur la lune !    2ème édition du manifestation « un monument... et des enfants... » au Palais Abdellia    Avis de grève des agents de la SNCFT    La répression contre les universités françaises s'intensifie : à quand la fin du scandale ?    Tournoi de Rome : Ons Jabeur connaît son adversaire    Nacir Triki, nouveau DG d'Amen Invest    Exposition personnelle de Rym Hajjem à la Galerie Saladin : Des œuvres picturales pleines de vie et de fraîcheur    Ce vendredi, au Rio, Projection et débat : «Bye Bye Tibériade» et la Nakba en toile de fond    Chokri Hamda : nous devrions recevoir la réponse de l'Agence antidopage dans un délai de quinze jours    EXPATRIES : L'EST veut récupérer Montassar Talbi    Rallye Tanit : Plus de cent motards au rendez-vous!    Qui peut le plus, peut le moins… : A table avec le Stade Tunisien    Hommage à un héros méconnu, le Dr Fadhel Samir Ftériche, "le chirurgien des pauvres"    Grève générale des avocats à Kasserine    Sourires, chantages et quelques marchandages    La Tunisie réaffirme son soutien inconditionnel au peuple palestinien frère    Météo : Temps partiellement nuageux avec des pluies éparses    Chaima Issa condamnée à un an de prison    Manifestations étudiantes et soutien académique à la cause palestinienne : la ministre allemande de l'Education sous le choc !    Tunisie : appel à la solidarité mondiale contre les crimes sionistes    Blessé, le nageur tunisien Ahmed Ayoub Hafnaoui est forfait pour les JO 2024    La troupe "Mâlouf Tunisien Paris" en concert le 11 mai à Paris    Jabir Ibn Hayyan: Le «père de la chimie expérimentale»    Retour sur «Danse pour tous» au Théâtre de l'Opéra de Tunis à l'occasion de la Journée internationale de la Danse : 10 heures de danse non-stop    Une épine au pied    







Merci d'avoir signalé!
Cette image sera automatiquement bloquée après qu'elle soit signalée par plusieurs personnes.



De la conscience au démon de Socrate
Philosophie et psychanalyse
Publié dans La Presse de Tunisie le 23 - 02 - 2018


Par Raouf SEDDIK
Que signifie l'expression «en mon âme et conscience» ? Est-ce que la conscience se surajoute à l'âme, comme une sorte d'excroissance, ou n'est-elle pas autre chose que l'âme elle-même, en tant cependant que cette dernière s'affirme ou s'érige en instance de prescription et de proscription ?
La relation qui existe entre l'âme et la conscience— d'unité ou de dualité — peut trouver la source de sa première expression avec le phénomène du «démon de Socrate» : un démon qui, comme chacun sait, n'a rien de démoniaque, mais qui est en revanche, selon l'expression des historiens de la philosophie, «démonique»...
Le daïmon, comme on dit aussi pour parer à toute confusion, est un intermédiaire entre l'homme et les dieux et, dans la mesure où il se manifeste en tant que «voix intérieure», il est souvent considéré comme l'ancêtre de la conscience. Quand les juges athéniens ont condamné Socrate à boire la ciguë, l'un des chefs d'accusation était qu'il introduisait de nouvelles divinités dans la cité et, de leur point de vue, c'est essentiellement de ce démon qu'il s'agissait.
A vrai dire, Socrate ne se contentait donc pas d'introduire une nouvelle divinité, il introduisait plutôt un nouveau type de divinité : une divinité privée, en quelque sorte. Mais, pour l'intéressé, comme nous l'avons souligné, il s'agissait d'un médiateur entre l'homme et le dieu et non d'un nouveau dieu ni d'un nouveau type de dieu.
La voix intérieure, dans l'expérience socratique, ne sourdait pas de l'âme : elle y trouvait seulement un écho. L'écoute ouvre sur un en dehors de soi comme source de la parole qui se donne à entendre. C'est en quoi elle se distingue foncièrement de la conscience telle que nous en parle Rousseau, même quand ce dernier la qualifie «d'instinct divin» et de «céleste voix»: «Conscience ! conscience ! Instinct divin, immortelle et céleste voix» (Emile, livre IV). La raison, c'est que l'espace du divin est conçu ici comme un espace d'intériorité. Il est ancré dans «l'instinct». Le ciel de la céleste voix n'est plus le lieu d'une rencontre en laquelle je défaille : il est la métaphore d'une immensité et d'une sacralité qui appartiennent en propre à l'intériorité de la conscience.
De la douceur de Rousseau
au coup d'éclat de Nietzsche
Avant Nietzsche, Rousseau a été le penseur pour qui l'homme n'a pas su s'approprier son propre pouvoir à exercer une autorité divine et dont il n'a placé la source en dehors de lui qu'en raison de cet échec. Pour Nietzsche cependant, le renversement reste inaccompli chez ses prédécesseurs. Le coup de force de l'appropriation ne prend toute la mesure qui lui revient qu'avec sa pensée du surhomme. La critique qu'il adresse au moralisme moderne, celui de Rousseau et celui de Kant également, porte sur le caractère hésitant du renversement, et non sur l'existence même de ce renversement. Ces penseurs, selon lui, ne vont pas assez loin dans ce qu'ils ont entrepris : ils s'arrêtent en chemin, ils ont des remords... Bref, ils veulent sauver la morale. Celle-là même qui a pourtant présidé à un état de démission prolongée de l'homme par rapport à son pouvoir divin.
Pourtant, on peut bien dire que le coup d'éclat de Nietzsche n'aurait pas pu avoir lieu sans cette délicate manipulation effectuée par le patient Rousseau, qui s'est évertué à mettre dans la boîte de l'intériorité, pour ainsi dire, la diversité des traditions religieuses. Dans le «cœur» de l'homme se rejoignent en leur universalité toutes les croyances des hommes...
Le cœur est le lieu de la sensibilité, de la sympathie entre les êtres, de «l'amour du prochain» : Jésus était un précurseur ! (Mais l'Eglise, avec la puissante armée de ses prêtres, a trahi son vrai enseignement. Elle n'a pas su faire ressortir à l'adresse des hommes ce vers quoi il faisait signe, à savoir cette religion du cœur, cette «religion naturelle» en laquelle toutes les croyances se retrouvent...!)
C'est parce que l'âme est un cœur, qui reçoit en son large sein la diversité des cultes et des croyances, qu'elle peut aussi être une conscience, dont la loi commande à travers les frontières des pays et des cultures. Ainsi nous enseigne le philosophe genevois, qui fera bien des émules parmi des missionnaires d'un nouveau genre (dont beaucoup sont encore parmi nous, disciples tardifs du «Vicaire savoyard»).
Reconfigurer le monde à partir de l'ordre divin
Mais la centralité de la conscience morale et de son intériorité n'aurait pas eu l'assise dont elle a besoin sans le «roc» de la conscience de soi, sans la certitude de l'ego cogito cartésien. La certitude de soi qui sous-tend la conscience morale nomme la césure la plus profonde qui sépare cette dernière du daïmon socratique. Elle marque la séparation entre l'âme auto-législatrice de la modernité et l'âme herméneutique de l'antiquité puisque, en tant que médiateur, le daïmon accomplit une mission qui fut celle du dieu Hermès : faire retentir dans la pensée de l'homme la parole divine et en livrer le sens...
Ce n'est pas seulement Aristote dont toute la philosophie est une herméneutique, comme nous avons tenté de le soutenir la semaine dernière : c'est aussi Platon, avant lui, comme cela ressort assez clairement du Phèdre et de ce passage que nous avons évoqué où il est question de la définition de l'âme.
Ce qui veut dire que la prise de distance par rapport aux mythes, loin d'être une rupture, est bien plutôt une façon de se repositionner par rapport à eux pour aller à la rencontre de l'essentiel du «dit» des dieux : ne plus se contenter de folklore, pour ainsi dire ! Mais cette façon de se repositionner est dans le même temps ce qui est déjà obéissance à l'injonction divine...
Ce n'est pas seulement Socrate qui philosophe en vertu d'un commandement lui enjoignant de «faire de la musique» (Phédon) : c'est-à-dire de reconfigurer le monde et la vie des hommes à partir d'un ordre divin (Le mot «ordre» pouvant être pris ici dans son double sens d'ordre qu'on intime et d'ordre qu'on instaure ou qu'on préserve)... C'est aussi le cas de ses successeurs.
L'herméneutique, en tant qu'activité intellectuelle, est aussi une activité hautement éthique et politique... On ne comprend pas l'œuvre de Platon et d'Aristote si on perd de vue l'entremêlement de ces deux dimensions.


Cliquez ici pour lire l'article depuis sa source.