Nous avons, tant de fois, appelé à mettre la question de la jeunesse au cœur de l'actualité nationale et à hisser le secteur au niveau des sphères stratégiques. Le temps est venu, avant qu'il ne soit trop tard, d'élucider cette question et penser à une véritable politique de la jeunesse qui soit « une charte de référence et un guide indispensable pour le traitement des questions de la jeunesse ». « Mandaté » pour faire les bons offices entre le gouvernement et les « sit-inneurs » du bassin minier, le secrétaire général adjoint, Bouali Mbarki, a rompu les discussions entamées quatre jours avant. « Je me suis rendu compte que les jeunes n'ont plus confiance dans le gouvernement », a-t-il expliqué. « Cette crise de confiance n'est pas nouvelle, elle a toujours existé et s'est particulièrement approfondie au cours des dernières années », a-t-il ajouté. Mbarki a préféré jeter l'éponge que de « mettre la crédibilité de la centrale syndicale en jeu ». Il a appelé le gouvernement à trouver des réponses aux revendications légitimes des citoyens de la région à l'emploi, la dignité et à une vie meilleure. Sans revernir sur les raisons de ce problème chronique du bassin minier, berceau de la contestation sociale en Tunisie et auquel les gouvernements successifs n'ont pas réussi à trouver des solutions depuis plus d'une dizaine d'années, ni sur le laxisme des autorités et leur incapacité à assurer la production de phosphates et à protéger les sites de production, nous allons plutôt nous pencher sur cette crise de confiance qui a toujours caractérisé les rapports des jeunes avec les institutions de l'Etat et les partis politiques. Une crise née d'un sentiment d'exclusion chez les jeunes de toute forme de participation dans la prise de décision. D'où leur rejet du personnel politique et des représentants des autorités qu'elles soient nationales, régionales ou locales. Les jeunes « floués » par les politiques Le rapport final du dialogue sociétal sur les questions de la jeunesse clôturé le 28 décembre 2016 a fait apparaître ce manque de confiance des jeunes dans les institutions de la République de manière générale et dans la classe politique en particulier. Le même rapport a relevé que les jeunes ne sont pas satisfaits des services publics, de la santé, du transport et de l'emploi. La plupart d'entre eux considèrent que leurs diplômes ne leur permettent pas d'obtenir un emploi et que les concours de recrutement sont souvent entachés d'irrégularités. Ces jeunes qui ont beaucoup attendu de leur « révolution » se sentent « floués » par des politiques peu soucieux de leurs préoccupations. A peine quelques jours après le 14 janvier 2011, ils ont réclamé des réformes en adéquation avec leurs revendications politiques, économiques et sociales, à savoir rompre avec l'exercice arbitraire et absolu du pouvoir, en finir avec la corruption et le népotisme qui ont, longtemps, étouffé l'économie et affirmer leur droit à une vie décente. Au cours de la campagne électorale pour les législatives d'octobre 2014, les promesses mirobolantes des partis politiques en faveur des jeunes sont restées lettre morte. Ne dit-on pas que « les promesses n'engagent que ceux qui les croient » ? Ces partis ont, pour la plupart d'entre eux, axé leurs programmes sur « la création d'emplois et le développement régional ». Les deux principaux alliés au pouvoir, Nida Tounès et Ennahdha, ont fait miroiter des promesses qui se sont avérées impossible à tenir. En 2012, le mouvement de Rached Ghannouchi, encore au pouvoir, avait promis de « réaliser un taux de croissance annuel moyen de 7 % sur toute la période 2012/2016, permettant de passer en 2016 à un revenu national disponible par habitant de 10.000 dinars, contre 6.300 dinars en 2011 ». Il avait, également, annoncé la création d'environ « 590 mille emplois » en cinq ans et promis de ramener « le taux de chômage de 14.4% en 2011 à environ 8,5% à l'horizon 2016 ». Il a récidivé, en 2014, dans son programme électoral, en promettant de réaliser un taux de croissance d'au moins 5% durant les années 2015-2017 et de « l'élever jusqu'à 7 % à partir de l'année 2018 en cas de réussite de la transition démocratique et l'achèvement des réformes commencées depuis 2012 ». Il s'est fixé comme objectif de « réduire le taux de chômage à moins de 10 % à moyen terme et d'augmenter le rythme de l'embauche de 2.1 % à 3 %. ». De son côté, Nida Tounès a promis « un nouveau modèle de développement » et la réalisation « d'un effort d'investissement sans précédent d'un volume de 125 milliards de dinars » au cours des années 2015-2019 ainsi que la création de 450.000 emplois en cinq ans. « Notre principal objectif, lit-on dans son programme, est de mettre fin aux disparités régionales, de faire renaître l'espoir chez les jeunes et les sans-emploi, d'assurer une vie digne pour tous et de lever les obstacles à l'accès des femmes à la vie économique ». Trop ambitieux comme programmes des deux principaux partis du pays, mais qu'en est-il trois ans après sur le terrain. Peu ou prou, si ce n'est rien. Avec la montée des revendications sociales et l'exacerbation de la grogne à travers les régions, aussi bien le gouvernement Habib Essid que celui de son successeur Youssef Chahed se sont trouvés dans l'incapacité de répondre aux attentes de ces milliers de jeunes, en raison de l'absence d'une feuille de route claire. Il est vrai qu'après la chute du régime de Ben Ali, le pays est entré dans une sorte de chaos économique et les gouvernements successifs ont été confrontés à des violences, des dérapages et des pressions de tous bords et ont eu du mal à gérer les revendications d'une jeunesse exaspérée et inquiète face à un avenir qu'elle croyait prometteur mais qui, au fil des ans, est devenu de plus en plus incertain. Une carte de priorités régionales En 2016, un dialogue sociétal avec les jeunes a été initié par le président de la République dans le but de se rapprocher davantage des jeunes, d'être plus près d'eux, de les écouter et surtout de les impliquer dans la mise en place d'une véritable stratégie intégrée. Plusieurs congrès régionaux ont été organisés avec la participation de plus de 45.000 jeunes. Il a été clôturé le 28 décembre de la même année par le chef du gouvernement qui a annoncé cinq mesures phares : l'organisation d'une conférence nationale sur l'investissement au profit des jeunes, la révision des attributions du Conseil supérieur de la jeunesse, l'institutionnalisation du dialogue avec les jeunes, la création d'une agence nationale de volontariat pour les jeunes et l'élaboration d'une loi d'orientation pour les activités de jeunesse. Qu'en est-il plus d'une année après ? Aujourd'hui, en l'absence de feuille de route qui permettrait d'identifier des pistes de solutions dans le but d'améliorer les conditions de vie de la jeunesse tunisienne, on ne saurait apporter de réponses claires aux préoccupations des jeunes. Elle ne pourrait être définie sans la mise en place d'une politique nationale de la jeunesse, que nous avons évoquée dans La Presse du 13 octobre 2017. Cette politique devrait se donner comme objectif stratégique « d'avoir une vision nouvelle de la jeunesse » en rapport avec les nouvelles mutations et l'évolution du pays, à tous les niveaux et les défis des générations futures. Une politique qui garantirait « une vision de société ouverte pluraliste », respectueuse des principes fondamentaux de la Constitution, de l'unité nationale et à forte cohésion sociale. Elle devait également s'inscrire « de manière cohérente » dans les stratégies de développement politique, économique, social et culturel du pays ». Il faudrait, aussi, réfléchir à la réalisation d'une carte de priorités selon les régions, pour mieux appréhender les véritables préoccupations des jeunes et identifier les opportunités qu'offre chaque région dans les domaines de la santé, l'éducation et la formation, l'emploi, les loisirs et la participation... Avec pour objectif stratégique élaborer un véritable projet pour les jeunes et avec les jeunes, au niveau local, régional et national. La carte des priorités permettra de pourvoir les pouvoirs publics, le secteur privé et la société civile d'une connaissance objective et scientifiquement fiable de la réalité et de l'évolution des conditions des jeunes, pour mieux élaborer et cibler leurs programmes et actions. Cette carte pourrait, enfin, contribuer, à une meilleure intégration de la question des jeunes dans la planification nationale et régionale. Nous avons, tant de fois, appelé à mettre la question de la jeunesse au cœur de l'actualité nationale et à hisser le secteur au niveau des secteurs stratégiques. Le temps est venu, avant qu'il ne soit trop tard, d'élucider cette question et penser à une véritable politique de la jeunesse qui soit « une charte de référence et un guide indispensable pour le traitement des questions de la jeunesse ».