Anouar Ayed n'est plus l'entraîneur de l'ESS    Zied Dabbar : en un an, 39 journalistes ont été inculpés en dehors du décret 115 !    Mohamed Khalil Jendoubi, meilleur athlète arabe pour la saison 2023-2024    Revue de la semaine du 26 avril au 03 mai: TRE: Hassen Laabidi annonce les bonnes nouvelles en cascade    La CAF dévoile les dates de la finale entre l'EST et Al Ahly    Cimetières: Les morts ouvrent les yeux des vivants !    Prix FABA de littérature 2024 : ouverture de l'appel à candidature    Tunisie: Ce dimanche, accès gratuit aux musées    Section VR de GCFen : Un RDV fixe qui explore des histoires de drames et d'espoir en 2024    Guerre en Ukraine: Situation actuelle (Ambassade d'Ukraine en Tunisie)    Non TikTok n'a pas été interdit en Tunisie    Ben Mustapha à propos des énergies renouvelables : une belle stratégie n'est pas nécessairement une bonne stratégie !    Marché de travail au Maroc: 80.000 postes d'emploi perdus à cause de la sécheresse    La forêt de chêne liège, la richesse menacée de la Tunisie    Tunisie : Réserves en devises de la BCT au 02 Mai 2024    Film Mars One Thousand One projeté au Planétarium de la Cité des Sciences à Tunis (trailer)    Météo du week-end : Temps doux et printanier    Médenine : Saisie de 50 tonnes de produits alimentaires subventionnés    Signature d'un mémorandum d'entente entre la Tunisie et l'Irak dans le domaine de l'eau    Le Smartphone Reno11 F 5G lancé en Tunisie (caractéristiques)    RDC : le M23 s'empare d'une ville très riche en minerais, le Rwanda va encore se gaver?    «La Quête de l'Espoir Sublime» de Héla Jenayah Tekali comme récit de voyage    L'énigmatique affaire Fethi Dammak revient sur le devant de la scène : De probables révélations compromettantes lors du procès ?    Météo en Tunisie : Mer agitée , températures en légère hausse    Exécution du budget de l'Etat : le point sur les résultats provisoires à fin décembre 2023    Daily brief national du 03 mai 2024: Saïed insiste pour "la purge de l'administration des éléments infiltrés ou incompétents"    Jaouhar Ben Mbarek empêché d'assister à son audience devant la cour d'appel    Souad Sassi nommée directrice exécutive de la FNCT    La Tunisie veut protéger et sauver son patrimoine architectural avec une loi    L'Otic cherche des solutions face à la hausse des prix des sacrifices    Vers une ère législative renouvelée : Les priorités de Kais Saied et Ahmed Hachani    Une réforme de l'enseignement supérieur en vue : Les nouvelles orientations de Kais Saied    Le CSS accroche l'EST dans son arène : Un premier pas important    Le CA reçoit le CSS ce dimanche : Le cœur à l'ouvrage...    L'EST tenue en échec par le CSS – Aholou et Meriah : du recul !    Rencontre avec la Palestinienne Adania Shibli, invitée de la 38e édition de la FILT : «La littérature, pour moi, est le seul lieu qui accepte le silence»    «Les contours de l'Infini», exposition individuelle de Jamel Sghaier au Club Culturel Tahar Haddad, du 3 au 22 Mai 2024 : Quête d'Absolu dans la peinture de Jamel Sghaier    La police évacue les migrants subsahariens du jardin public des Berges du Lac    15 morts et 500 blessés en 24 heures selon un bilan de la Protection civile    En bref    France : Un vent de contestation pour la Palestine souffle sur les universités    USA : un campement d'étudiants dénonçant l'agression sioniste contre la Palestine démantelé    Les écoles et les entreprises ferment de nouveau aux Emirats    Giorgia Meloni reçoit le roi Abdallah II de Jordanie au palais Chigi à Rome    Palestine: Pour un simple statut d'observateur aux Nations Unies!    Fadhloun : voici comment la Tunisie peut annuler les sanctions de l'Agence mondiale antidopage    Adhésion de la Palestine à l'ONU: La Tunisie regrette l'échec du projet de résolution porté par l'Algérie    Sanctions confirmées par l'Agence mondiale antidopage contre la Tunisie    







Merci d'avoir signalé!
Cette image sera automatiquement bloquée après qu'elle soit signalée par plusieurs personnes.



L'instance de la discorde
Justice transitionnelle
Publié dans La Presse de Tunisie le 10 - 03 - 2018

« Les risques que court la justice transitionnelle en Tunisie sont à prendre au sérieux. Le processus déjà biaisé par tant de dérives internes a besoin d'être revu et corrigé pour la garantie de son succès et de sa crédibilité déjà profondément altérée... En conclusion, un constat s'impose à nous. Nous l'emprunterons au célèbre dramaturge allemand Bertolt Brecht (en le changeant) : ainsi va la justice transitionnelle en Tunisie et elle ne va pas bien. Hélas ! » (Noura Borsali)
La réunion du bureau de l'ARP, jeudi 8 mars, sous la présidence de Mohamed Ennaceur réservée à l'examen de la prolongation ou non du mandat de l'Instance vérité et dignité (IVD) a été émaillée par des tensions entre les représentants des groupes parlementaires. Cette décision est-elle du ressort de l'Instance ou relève-t-elle des attributions de l'Assemblée des représentants du peuple ? Les avis ont divergé et chaque partie y est allée de sa propre interprétation de l'article 18 de la loi organique de décembre 2013 relative à la justice transitionnelle. « La durée d'activité de l'Instance a été délimitée à quatre années, à compter de la date de nomination de ses membres, renouvelable une fois pour une seule année suite à une décision motivée de l'Instance et soumise au Parlement, trois mois avant l'achèvement de son mandat ». Pour le député du groupe Al Horra Mashrou3 Tounès, Hassouna Nasfi, membre du bureau de l'ARP, « une telle décision fait partie intégrante des attributions de la séance plénière de l'Assemblée des représentants du peuple (ARP) ». C'est pourquoi le bureau a décidé de transférer la question à la plénière dont la date sera fixée ultérieurement. C'est aussi l'avis de l'ancien juge administratif Ahmed Souab qui, dans sa lecture de cet article, a précisé que la décision de prorogation ou non du mandat de l'IVD revient en définitive à l'Assemblée, en vertu du parallélisme des formes. Il a expliqué que le terme « soumise » dans ledit article signifie qu'une requête doit être levée à une autorité supérieure de la part d'une autorité inférieure et l'autorité supérieure ici est l'Assemblée des représentants du peuple qui a élu les membres de l'instance. Ce n'est pas l'avis du député du Courant démocratique Ghazi Chaouachi qui va dans le sens de l'interprétation du conseil de l'IVD, lequel a décidé, le 27 février 2018, la prolongation d'une année le mandat de l'Instance conformément aux dispositions de l'article 18 de la loi organique sur la justice transitionnelle. La présidente de l'Instance vérité et dignité (IVD), Sihem Ben Sedrine, a affirmé que la décision est de la compétence de l'Instance et non celle de l'ARP. Elle est, selon elle, irrévocable et a appelé les représentants du peuple à « bien lire le texte de la loi ». De son côté, le député de Harak, Imed Daimi, a accusé ses collègues de Nida Tounès et de « Mashrou3 » d'avoir « comploté » pour transférer la décision à la plénière sans en fixer la date. Il a ajouté que toute décision du bureau d'arrêter une date pour la plénière ne passera pas parce que « nous allons déposer un recours auprès du Tribunal administratif». Une batille est donc engagée autour de cette question et le groupe parlementaire d'Afek Tounès a déjà déposé un recours contre la décision de l'Instance auprès du Tribunal administratif.
Faire la part des choses
Il est évident qu'il faut toujours faire la part des choses. La justice transitionnelle est un processus « dont l'objet officiel est de cicatriser des meurtrissures du tissu social par l'apaisement des tensions au sein du corps social, la réconciliation et le pardon dans les Etats en transition ». C'est un choix qui a été adopté en Tunisie après un long processus « entamé depuis janvier 2011 avec la participation des instances gouvernementales, des instances judiciaires et des composantes de la société civile, et l'appui des organisations internationales ». En tant que processus, il ne peut être remis en question, ni faire l'objet de tiraillements entre les différentes parties. Mais c'est au niveau de l'Instance chargée de conduire cette justice que les divergences sont inconciliables. Et plus précisément au niveau de sa présidente Sihem Ben Sedrine, « l'une des figures publiques les plus controversées ». « Convertie à la justice transitionnelle, elle voudrait l'incarner à elle seule », écrivait Jeune Afrique en septembre 2015. Le dirigeant de Nida Tounès Wissem Saidi l'a affirmé sans ambages : « Oui nous avons un problème avec la présidente de l'IVD et non avec la justice transitionnelle ». On reproche à la présidente, qui a été imposée par le mouvement Ennahdha du temps du gouvernement de la Troïka, de ne pas remplir les critères de « l'indépendance, la neutralité et l'impartialité » tels que stipulés dans l'article 21 de la loi organique relative à l'instauration de la justice transitionnelle de décembre 2013. «Elle n'a ni la personnalité ni le profil pour cette mission», comme l'affirme un député de Nida Tounès. Ben Sedrine a été une opposante à l'ancien régime qui l'a poursuivie de sa vindicte et, de ce fait, elle ne peut pas être à la fois juge et partie. Elle a été parmi les premières personnalités à fustiger les écarts de l'ancien régime et la corruption des familles qui « pillaient la Tunisie» et elle en a payé pour sa liberté, mais, pour certains observateurs, elle a dilapidé ce capital dont elle jouissait et même sa famille politique et ses anciens compagnons de route dans « le combat pour les libertés » l'ont désavouée.
Parmi les griefs qu'on lui fait, sa propension à condamner avant de juger. En plus de ne pas avoir la compétence requise dans un domaine, celui de la justice, qui lui est complètement étranger, de par sa formation, et bien qu'elle se targue d'avoir une certaine expérience en matière de justice transitionnelle, elle est perçue beaucoup plus comme «une inquisitrice » que comme « une justicière ». Mais ce n'est pas tout. Car Sihem est accusée d'avoir été derrière la dissolution de l'ancien parti au pouvoir alors qu'elle va juger ses responsables. Elle est désignée comme étant l'instigatrice de la «liquidation» de ce qui est appelée la police politique alors que ses membres pourraient être traduits devant « sa juridiction ». Sa gestion de l'Instance est pointée du doigt et elle a été émaillée par plusieurs accrocs avec des démissions et des révocations. Feu Noura Borsali, qui avait démissionné de l'Instance avait écrit « qu'il est nécessaire que soient revues (...) la composition de l'IVD et sa présidence.». Elle avait dénoncé « les allégeances politiques néfastes pour le bien de la commission » ajoutant que «le soutien des islamistes d'Ennahdha à la présidente de l'IVD n'aide aucunement l'instance à se réformer et s'améliorer.». Ce que Ben Sedrine a toujours nié rejetant les accusations de favoritisme pour les « nahdhaouis » et dénonçant les attaques d'une certaine presse à la « solde » de «l'ancien régime » qui « fait tout » pour déstabiliser l'Instance.
En conflit avec les institutions
La présidente de l'IVD est entrée en conflit avec les institutions de l'Etat et notamment la présidence de la République qu'elle accuse de « faire obstruction à la justice transitionnelle ». Elle était partie en guerre contre le projet de loi de réconciliation présenté par le président de la République, Béji Caïd Essebsi, et elle ne se prive pas de dire qu'il lui en veut personnellement. Elle l'est aussi avec l'Assemblée des représentants du peuple, du moins avec un bon nombre de députés. Le gouvernement de Youssef Chahed a jeté « tous nos courriers à la poubelle. La justice transitionnelle n'existe pas dans son programme, dans son discours », (le Point du 17 novembre 2017). Tout comme la justice militaire, le pôle financier et le ministère de l'Intérieur qui, selon elle, refusent de collaborer avec l'IVD. Elle a également une dent contre, non seulement le régime de Ben Ali, mais également contre celui de Bourguiba dont les agents ont, d'après elle, « écrit l'histoire officielle de la Tunisie ». C'est pourquoi, il faut réécrire cette histoire à partir de témoignages des victimes de cette période précise, parce qu' « on a éliminé certains acteurs d'un crayon et imposé l'omerta sur certains faits historiques », a-t-elle souligné dans une interview à Jeune Afrique au mois de juin 2017. Cette attitude a fait réagir plusieurs historiens qui ont répondu à « ses accusations et ses insinuations quant à la véracité de l'histoire du Mouvement National tunisien à l'époque de la lutte contre le colonisateur». Dans un communiqué publié par un collectif de 60 historiens experts en histoire contemporaine, ils réfutent « les hypothèses présentées par l'instance IVD et appellent à vérifier les dires et l'historique des personnes présentées comme étant des témoins de cette époque ». Ils critiquent « toute tentative de déformation de la réalité et tout appel à réécrire l'histoire en dehors des circuits reconnus par leur expertise ».
Elle tient son instance avec une main de fer
Face à ces attaques qu'elle considère comme orchestrées, Sihem Ben Sedrine n'en démord pas et tient son Instance d'une main de fer. Elle compte sur le soutien indéfectible du groupe parlementaire du mouvement Ennahdha et sur les députés du CPR, du Harak de l'ancien président Moncef Marzouki et du Courant démocratique et accessoirement sur le groupe du Front populaire. Mais elle s'appuie surtout sur la loi qui lui donne de larges prérogatives ne la soumettant pratiquement à aucune autre autorité. Pour pouvoir modifier la loi sur la Justice transitionnelle, il faut réunir les deux tiers des voix de l'ARP. Ce qui est pratiquement impossible. Même les jugements rendus par le Tribunal administratif sont nuls et non avenus.
Censée réconcilier les Tunisiens avec leur passé, l'Instance vérité et dignité les a plutôt divisés. Elle s'est même transformée en « un instrument de règlement de comptes politiques », selon le député Mustapha Ben Ahmed.
Aujourd'hui, « les risques que court la justice transitionnelle en Tunisie sont à prendre au sérieux. Le processus, déjà biaisé par tant de dérives internes, a besoin d'être revu et corrigé pour la garantie de son succès et de sa crédibilité, profondément altérée. Car nous ne cesserons jamais de le répéter : la justice transitionnelle est l'un des piliers importants de la transition démocratique qui peine à se concrétiser. En conclusion, un constat s'impose à nous. Nous l'emprunterons au célèbre dramaturge allemand Bertolt Brecht (en le changeant) : ainsi va la justice transitionnelle en Tunisie et elle ne va pas bien. Hélas ! ». C'était prémonitoire de la part d'une grande Dame, feu Noura Borsali, dans une tribune publiée sur les colonnes de la Presse du 18 mars 2017.


Cliquez ici pour lire l'article depuis sa source.