La question du genre dans les médias a fait l'objet, récemment, d'une journée de formation organisée par le Capjc. Cette problématique continue de constituer un thème d'envergure dans la mesure où, consciemment soit-il ou avec préméditation, la présence de la femme dans le message médiatique arabe demeure, souvent, en deçà des espérances. L'image de la femme véhiculée dans les moyens d'information est-elle fidèle à cet être richement complexe ? La femme arabe jouit-elle du droit légitime à l'information utile ? Quel genre de produits médiatiques colle-t-on à la gent féminine ? Et ces mêmes produits sont-ils appréciés et approuvés par la destinataire ? La problématique a suscité plus de polémique et de critique que des jugements positifs. C'est que la place de la femme dans les médias arabes se trouve, dans la plupart des cas, lésée tant au niveau de la forme que du contenu. Parmi les moyens d'informations les plus problématiques en ce sens figure la télévision; cette boîte magique qui envahit quasiment tous les ménages et qui diffuse des contenus échappant parfois à l'examen et au contrôle, livre au récepteur des produits informatifs et divertissants touffus de lacunes idéologiques et bourrés de fausses notes. La part du lion dans ces déphasages se trouve réservée à la femme, nuisant aussi bien à son image qu'à son profil de destinataire. Partant de ce fait, le Dr Moncef Ayari, professeur à l'IPSI, a axé son intervention, lors de cette journée de formation, sur la problématique du genre dans le message télévisé. En effet, l'orateur a choisi de traiter ce volet en particulier, compte tenu de l'impact considérable qu'opère la télévision sur l'opinion publique et sa contribution dans la modification des mentalités et dans l'ancrage des valeurs sûres. «La télévision est l'un des plus dangereux moyens d'information», indique Dr Ayari. L'image de la femme telle qu'elle est véhiculée par la télévision arabe est-t-elle fidèle à son statut en tant qu'actant social à part entière ? Ou au contraire, vise-t-elle à standardiser et à stéréotyper une image négative car rétrograde ? La création d'une chaîne spécial femme arabe, il y a quelques années, appelée alors Heya puis convertie La chaîne de la femme arabe, promettait d'être une chaîne proposant des contenus intéressants et diffusant une image fidèle de la femme dans la région. Or, il n'en est rien de ces espérances. Le Dr Ayari précise que les programmes de voyance, d'astrologie et de charlatanisme couvrent à eux-seuls 15 heures de transmission. Ceux de la médecine naturelle s'étalent journellement sur 130 minutes. Les autres contenus comptent essentiellement des programmes de beauté et de mode. «Même les feuilletons proposés sont des feuilletons étrangers qui traitent des problématiques de la femme occidentale. Tout converge vers la marginalisation de la femme arabe», note l'orateur. Pour ce qui est de la publicité, la femme arabe est exploitée en tant que moyen de promotion de certains produits bien précis, tels que les ustensiles de cuisine, les vêtements, les produits de nettoyage et autres. La présence féminine dans les spots publicitaires n'est point retenue dans la promotion de produits bancaires, économiques; bref dans la promotion des produits qui reflètent la place de la femme dans le développement. Il y a lieu de préciser que la femme est exploitée dans la majorité des cas pour son pouvoir de séduction et pour stéréotyper une image fondée sur la banalité et la non-productivité. Le pouvoir de séduction purement physique qu'opèrent les femmes sur le téléspectateur est utilisé d'une manière abusive dans les vidéoclips. En effet, il s'agit, généralement, d'une jeune femme portant des vêtements osés et dont les parties du corps sont prises au zoom. C'est aussi une femme qui reflète les non-valeurs, telles que l'infidélité et l'attachement aux apparences et à l'aspect matériel. C'est aussi une fausse blonde qui porte des lentilles, chose qui traduit l'artifice. Côté production dramaturgique, c'est une autre paire de manche tout aussi négative, et qui, de surcroît, opère une plus grande influence sur les téléspectateurs et sur la société arabe. En effet, les feuilletons arabes nous livrent une image fort péjorative de la femme. La violence à l'égard de la femme apparaît comme anodine surtout lorsqu'il s'agit d'un époux. Le Dr Ayari cite l'exemple d'un feuilleton où la femme se trouve brûlée vive sous prétexte de préserver l'honneur de la famille. Le profil d'une femme victime, soumise, inactive, dépendante tant sur le plan économique que sur le plan social s'avère une monnaie courante. L'autre revers de la médaille‑: un profil négatif représentant une femme révoltée, refusant toutes les conventions. «Le juste milieu n'existe pas, étant donné que le but principal d'un feuilleton c'est de choquer», fait remarquer l'orateur. Et d'ajouter que les principaux profils de la femme dans la production dramatique tournent autour de l'épouse soumise, la mère mélancolique, la sœur impuissante ou encore la jeune femme frivole. L'orateur profite de l'occasion pour faire un zoom sur le feuilleton-choc : Zohra et ses cinq maris. Ce feuilleton qui constitue une réponse maladroite au feuilleton La famille de Haj Metoualli; ce dernier se présente comme une véritable apologie de la polygamie. L' héroïne est une infirmière pas du tout modèle, qui vole les médicaments et les vend au marché parallèle. Une infirmière qui n'hésite pas à faire des chantages aux patients, prenant pour prétexte sa situation économique critique. Outre l'atteinte à une noble profession, celle d'infirmière, le feuilleton n'a fait que chosifier la femme. Elle apparaît comme une marchandise vendue aux enchères. Le pire, c'est que l'héroïne s'adonnait aux mariages multiples par ignorance des textes de loi. Le feuilleton Zohra et ses cinq maris n'a fait que véhiculer une image fort négative de la femme. D'autant plus qu'il n'a traité d'aucune problématique sérieuse qui touche la société égyptienne et celle arabe en général. L'orateur n'a toutefois pas manqué de souligner que les exemples de feuilletons réussis ne manquent pas tant à l'échelle arabe qu'à celle nationale. C'est le cas de bon nombre de feuilletons tunisiens qui traitent de problèmes liés à la femme, comme le harcèlement sexuel dans Sayd errim, les relations sexuelles extraconjugales dans Casting, mais aussi la femme combative dans Maliha. L'image de la femme dans les médias arabes s'avère, par ailleurs, rayonnante notamment en tant que journaliste de terrain, en tant que rédactrice en chef et en tant qu'animatrice de programmes sociaux et de débats. L'orateur prend l'exemple du programme Kalam naouaem, qui permet aux femmes de débattre de bon nombre de thèmes qui touchent à la famille et à la société. Il souligne également la contribution féminine dans les programmes de talk show tels que les programmes 22h00, 90 minutes, ou encore Al Hakika, Al rabiaâ, Fi daïrat edhaw. Le Dr Ayari appelle à la mise en place d'une stratégie médiatique susceptible de reproduire la réalité et non de transcrire une vision stéréotypée de notre société arabe et de la femme en particulier. Il attire l'attention sur la nécessité de procéder à un contrôle rigoureux des contenus médiatiques.