Par Jalel Mestiri La plupart des entraîneurs le confessent: «Nous n'avons pas d'autre choix que de jouer ainsi». Comme s'il était interdit d'avoir des ambitions tactiques lorsqu'on en a pourtant les moyens. Il y en a même qui imposent à leur équipe une ligne de cinq défenseurs et justifient cela par un chimérique apport des latéraux... Mais peut-on vraiment leur en vouloir? Les grandes idées amènent les grands changements et les grandes évolutions. Si un entraîneur n'est pas prêt à changer, c'est qu'il n'a pas suffisamment conscience de son rôle et de sa raison d'être sur le terrain et... ailleurs. Il faut dire cependant que l'obligation de résultat, sans cesse croissante, n'a fait qu'accentuer la nécessité pour la plupart de techniciens de grappiller tous les points possibles pour éviter d'être limogés. Dans cette situation, l'hypothétique point du nul vaudra même plus que les supposés inaccessibles trois points de la victoire. Les contraintes de l'entraîneur d'aujourd'hui ne lui permettent plus de peaufiner ni les tactiques, ni la formation. Il n'est plus en mesure d'user d'une large palette ni de jeu ni d'attitude. Et tant pis pour le football... Le jeu que beaucoup d'équipes pratiquent est réduit à son plus simple appareil : on bétonne devant les buts, et on balance devant dès la récupération pour des contre-attaques éclair mais rarement inspirées. On distingue là, brièvement résumée, une tendance opposée à ce qu'on avait l'habitude de voir, d'apprécier et même de bénir et qui consistait à prendre le jeu sur son compte. En renonçant au jeu, dans cette innovation tactique faite de restriction, de réticence et de réserve, on ne voit plus, ou presque, des joueurs qui conservent le ballon, qui imposent leur rythme, qui proposent un beau football. Il existe pourtant celles qui ont réussi à démontrer qu'il était largement possible d'évoluer. La victoire au-dessus de toute autre considération, sens de l'adaptation et discours mobilisateurs, il est aujourd'hui de plus que plus question de réinventer en profondeur les règles du jeu, sans le moindre souci pour l'esprit du jeu. Chez nous, comme partout ailleurs, les tendances vont clairement dans le sens inverse. Ah, le football spectaculaire! Vaste sujet qui ne cesse de traverser les époques mais qui ne s'invite plus dans notre cher football. Mais le plus contraignant dans l'excès de thèse de conjuration d'aujourd'hui, c'est qu'il touche les principaux acteurs qui gravitent autour de la compétition. Tous y vont du petit bourdonnement infondé, de la persistance d'une croyance absurde ou encore d'une vérité cachée. Ce qui est étrange avec ce mode de comportement, c'est qu'il explique l'inexplicable, justifie l'injustifiable et accrédite l'invérifiable. Un prisme populiste pour qui parvient à s'en servir. Une tactique qui vise moins à gagner qu'à faire perdre ses repères à l'adversaire. Et c'est toute la base de ce renoncement au football, notamment lorsqu'elle est menée avec insignifiance et imperceptibilité. Il existe pourtant des équipes qui ont réussi à démontrer qu'il est largement possible d'évoluer sans pour autant renoncer au jeu. Plutôt que de prendre les solutions faciles et défendre plus pour gagner un peu plus, elles font le choix de l'audace. Cela peut paraître très simple, et pourtant cela exige de se projeter sur le long terme, mais aussi d'anticiper les mutations sur des années. Un rôle que seuls quelques entraîneurs, mais aussi dirigeants visionnaires, peuvent sans doute assumer. En s'inspirant du meilleur modèle, elles ont su développer leur propre identité de jeu. Le jeu offensif et d'attaque n'apportera pas beaucoup de résultats, mais il en apportera les bons. Il est clairement défini que perdre fera sûrement perdre des points, des gens et des supporters, mais jamais les valeurs et les acquis du vrai football. Les matches et les épreuves ne sont pas gagnés par les plus forts, ni par les plus avertis, mais par ceux qui évoluent et qui n'abandonnent jamais.