Malgré l'interdiction des étals anarchiques, ces derniers signent leur retour en force dans la ville des Aghlabides Devant le boom spectaculaire géographique et démographique qu'a connu Kairouan au cours des dernières décennies et la création de nouveaux quartiers anarchiques à la périphérie, sans aucune infrastructure ainsi que face à la demande pressante des citoyens pour l'aménagement de cités champignons, l'action municipale s'est caractérisée par l'esprit de réforme globale qui s'est fondé sur la planification et une stratégie globale claire faisant des différents plans communaux une composante intégrée au plan global de développement. Ainsi, la cité aghlabide se réinvente et se métamorphose de jour en jour, notamment avec la création d'espaces verts pour la promotion du cadre de vie et de l'esthétique urbaine à travers des programmes ambitieux de reboisement. Néanmoins, ces espaces verts sont quotidiennement ravagés par des troupeaux de chèvres et de vaches qui envahissent, sans aucune impunité, les artères de Kairouan, ravageant sur leur passage, conteneurs d'ordures, arbustes et verdure. Même les clôtures verdoyantes des villas et les feuillages d'arbre d'ornementation ne sont pas épargnés, un paysage apocalyptique s'offre à nos yeux avec une myriade d'ordures ménagères et la présence de caprins et de brebis qui broutent à longueur de journée acacias et sacs en plastique. Même les branches des arbres sont souvent massacrées puisqu'elles servent de combustibles pour les familles riveraines. Il va sans dire que la commune a essayé à plusieurs reprises d'infliger des contraventions et de saisir ces animaux tout en essayant de trouver des solutions à ce phénomène, sans léser ces citadins-éleveurs pour qui l'élevage constitue une importante source de revenus. Mais le phénomène persiste avec l'augmentation par ailleurs, de véhicules à traction animale conduits par de jeunes impulsifs ayant causé un grand nombre d'accidents. Par ailleurs, on assiste, depuis la révolution du 14 janvier, à un véritable spectacle de désolation dû, d'une part, à l'incivisme des citoyens, d'autre part au sentiment d'impunité générale et à l'absence de l'autorité publique. Partout, des rues bitumées, devenus pareilles à des pistes agricoles, des trottoirs aux pavés arrachés, des bas-côtés jonchés de gravats et de toutes sortes d'ordure. Des conteneurs pleins à craquer En outre, par ces grandes chaleurs estivales, la levée des conteneurs ne s'accompagne pas d'opérations de nettoyage sérieux de tout ce qui s'est amassé sur le sol : îlots de sacs, cartons, et autres formes de poubelles qui subissent l'effet des fortes chaleurs, dégagent des odeurs nauséabondes et drainent les mouches. Cela devient une menace sanitaire qui invite à une action énergique et urgente. Il ne s'agit pas uniquement de sauver la face d'une cité historique, mais aussi d'assurer le minimum requis de confort aux habitants, en termes d'odeurs, et surtout de prévenir ce qui pourrait se muer en catastrophe si des maladies contagieuses venaient à se déclarer. Les étals anarchiques persistent et signent Malgré l'interdiction des étalages anarchiques agglutinés autour de plusieurs marchés de la ville de Kairouan, avec leurs marchandises exposées sur de vieilles brouettes et malgré les campagnes de sensibilisation entreprises par la commune pour l'organisation de l'activité économique dans le périmètre urbain, les étals anarchiques continuent d'occuper les trottoirs et même la chaussée avec des spectacles d'un autre âge. Ces marchands ambulants ne se soucient ni des règles d'hygiène, ni de la santé des citoyens à qui ils vendent des produits exposés en plein soleil, ni des plaintes des commerçants dont les boutiques connaissent des pertes financières. Invasion des moustiques Après les dernières pluies qui se sont abattues sur la ville de Kairouan, l'invasion des moustiques a obligé les citoyens à se rendre chez les menuisiers pour confectionner des moustiquaires afin d'essayer de se protéger des piqûres douloureuses de ces insectes. Il est vrai que les étangs qui ont surgi aux alentours de la ville et les dépôts d'ordures ménagères sauvages et le non-traitement des gîtes et des eaux usées à ciel ouvert, ont aidé à la prolifération de ces insectes indésirables. Or, pour parvenir à la délarvisation des gîtes potentiels de reproduction d'insectes, il fallait procéder, par étapes : recenser d'abord les gîtes et axer ensuite les opérations de lutte sur les travaux d'assainissement, sachant que les moustiques vecteurs passent par un stade de développement aquatique. «J'ai changé 3 fois mes amortisseurs» Outre la prolifération des moustiques, l'amoncellement des gravats et des poubelles qui envahissent même la chaussée, les constructions anarchiques qui enlaidissent tous les quartiers, on assiste à un autre phénomène inquiétant, à savoir la multiplication des nids de poule qui gênent la circulation et qui ruinent les automobilistes. Naceur Khalfaoui, louagiste, nous parle de son calvaire : «J'ai changé trois fois mes amortisseurs en un an, sans compter les rotules et les roulements. Quand les responsables vont-ils comprendre que ces nids de poule sont une vraie catastrophe et causent l'hémorragie de nos devises ?». La synergie nécessaire Somme toute, la relation entre la commune et les citoyens demeure étroite, et ce, malgré l'existence de part et d'autre beaucoup d'attentes non encore satisfaites. Mais au fait, quelles sont les attentes des habitants des nouvelles instances municipales après les dernières élections qui ont été marquées par le désenchantement et le désintérêt des jeunes qui ont ras-le-bol de l'amateurisme de la classe politique et de trop de problèmes socioéconomiques accumulés en 7 ans ? Mais comme les jeunes élus sont présents à raison de 40% dans les 13 communes que compte le gouvernorat, on peut rester optimiste quant à l'avenir esthétique de nos cités. Fayçal Rebhi, 38 ans, master en informatique, nous dit toute sa colère face à tant de promesses de réalisation de projets communaux non tenues et tant de blablas politiques qui se sont évaporés comme son espoir : «Ils n'ont pas arrêté de promettre à tout va. C'est pourquoi les jeunes ne croient plus au Père Noël et affirment qu'ils n'ont rien vu venir en 7 ans...». Son ami Ramzi Oueslati renchérit : «Les élections municipales se sont presque passées sans les jeunes qui sont démissionnaires. En fait, on est tellement déçus par les politiciens qu'on préfère se réfugier dans le monde virtuel pour mieux canaliser nos déceptions, même si on ne change pas les cours des événements en se cloîtrant derrière son ordinateur...». Pour Ridha Sellami, 59 ans, la commune a toujours besoin d'un renfort fourni par la société civile : «La participation de tous est le seul recours à même d'embellir cette vaste cité. Et pour se faire, il faudrait organiser des réunions avec les citoyens en vue de les sensibiliser sur l'action bénévole, les informer sur les lois régissant le comportement de l'individu...». Quant à Ahmed Jrad, 69 ans, il trouve que nos villes souffrent encore de plusieurs maux dont le flot incessant de camions transportant des matériaux de construction et traversant le centre-ville à longueur de journée, l'existence d'abattoirs clandestins anarchiques qui nuisent à l'esthétique urbaine : «Quand on s'acquitte des redevances municipales et qu'on est en règle avec la recette de la commune, on aimerait bénéficier des services afférents à ces paiements avec la célérité requise. J'espère que chaque responsable municipal mènera à bien sa mission...». Pour d'autres citoyens, dont Adem et Anas Methani, il serait souhaitable d'organiser des campagnes de sensibilisation afin d'encourager le citoyen à avoir un comportement civilisé à respecter l'environnement et la propreté, à s'entretenir avec les conseillers municipaux en s'informant sur les projets d'urbanisme ou les prévisions budgétaires : «Et puis, il faudrait punir les contrevenants à la loi qui sortent leurs ordures en dehors des heures fixées ou qui se débarrassent des gravats dans les places publiques».