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Hommage à un esthète disparu
Décès de Mohamed Ben Ismaïl, fondateur des éditions Cérès
Publié dans La Presse de Tunisie le 10 - 07 - 2018


Par Azza FILALI
Encore un chêne qu'on abat ! Mohamed Ben Ismaïl, fondateur des Editions Cérès, s'est éteint vendredi 6 juillet. Que dire de cet homme, qui ne soit jamais trop et toujours pas assez ?
Il avait l'amour des mots, chevillé à l'âme. Excellent journaliste, compagnon de Béchir Ben Yahmed, lors de la fondation de l'hebdomadaire « L'Action », qui allait devenir « Jeune Afrique ». Après de brèves responsabilités au ministère du Tourisme puis un passage éclair à la tête de ce qui était alors la Radio Télévision Tunisienne, Si Mohamed se lance dans la grande entreprise de sa vie. En 1975, une maison d'édition voit le jour : d'abord Cérès production, puis Cérès Editions. Très vite, elle se distingue par la qualité de ses ouvrages, forme et fond mêlés, soumis tous deux à une même exigence : la qualité d'abord !
Comme journaliste puis éditeur, Si Mohamed n'a jamais plié la tête devant les décideurs politiques : l'obéissance n'était pas son sport favori. Qu'on se souvienne d'un fameux discours prononcé par feu Hédi Nouira devant l'Assemblée nationale, discours que Si Mohamed, alors directeur de la RTT, avait refusé de transmettre dans son intégralité. Le lendemain, H. Nouira retourne lire son discours devant une salle vide, et la fameuse allocution est retransmise intégralement à la télévision. Entretemps, le directeur de la RTT avait présenté sa démission. Plus près de nous, le refus de Si Mohamed de publier un ouvrage, commandé à un pisse-papier italien et chantant les louanges du président Ben Ali, a valu à Cérès Editions d'être assujettie à un contrôle fiscal. Si Mohamed, homme libre, a toujours gardé la tête haute, à une époque où les fronts en berne étaient foison.
Que dire de l'homme ? Sa lucidité hors-pair, nichée dans la fulgurance du regard, son intelligence des êtres, sa rapidité de jugement (parfois lapidaire) ne le dispensaient pas de faire preuve d'une extrême courtoisie ainsi que d'une écoute ouverte et attentive. Si Mohamed était joyeux, comme on l'est lorsqu'on réalise que rien, ici-bas, ne vaut vraiment la peine de s'en faire. Lui-même se jugeait aussi, sans complaisance. Jamais satisfait de lui-même, questionnant souvent les autres sur son propre travail, cet homme aux apparences joviales cachait, sans doute, une profonde solitude et bien des désarrois. En vérité, il se livrait peu, à chaque fois par bribes fugaces, telle une porte à peine entrouverte aussitôt refermée. Sur ses photos, le sourire, prêt à s'élancer et grandir, semble retenu dans sa course par on ne sait quelle amertume enfouie. De cette amertume, les livres peuvent nous éclairer : Si Mohamed était un fervent lecteur d'Emile Cioran, ce philosophe du désespoir, hanté par la mort, considérant la vie comme un interlude entre le traumatisme de la naissance et la terreur de la fin. Comment concilier cela avec le bon vivant que fut Si Mohamed Ben Ismaïl, tennisman accompli, cultivant l'amitié avec ferveur ? En réalité, nous sommes tous des puzzles aux pièces aussi jointives que désaccordées et il n'est pas incongru qu'un être possédant l'acuité de Si Mohamed n'ait été habité avec constance par des problèmes existentiels aussi douloureux qu'insolubles.
S'il est vrai que chacun de nous vit pour exécuter un projet (jouer et rejouer des variations sur une même partition), pour Si Mohamed, ce projet fut Cérès. Par la fondation de cette maison, il a fait œuvre de pionnier. En ce temps-là, la Tunisie était portée par une génération de bâtisseurs, unis autour d'un projet commun, vibrant de la flamme des débuts. Travailler pour soi était aussi construire le pays. Faire œuvre utile (et belle) constituait un acte de militantisme. La nôtre d'époque peine à bâtir un projet commun. Les individus peinent à trouver un sens aux jours qui se suivent. Lorsque les individualités se regroupent, c'est parce qu'elles « sont du même monde » et gare à celui qui ne partage pas leur « code couleur »; le voici étranger dans son propre pays. Au sein de ces « meutes », le militantisme a désormais pour maîtres mots l'ambition, l'argent ou la course au pouvoir. Agir pour le pays par amour du pays ? C'est d'un ringard !
Cher Si Mohamed, merci pour tout ce que vous avez été : votre raffinement, votre culture, votre exquise élégance. Merci pour votre amour des livres. Merci pour Cérès et derrière elle tous les auteurs que vous avez encouragés et publiés. Les êtres s'en vont, mais les mots demeurent. Et tous les mots de tous vos livres continueront de témoigner de ce que vous avez été.


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