On efface et on recommence. Chassez le militarisme, il revient au galop. Aux dernières nouvelles, une batterie de missiles Patriot américains sera déployée en avril dans le nord de la Pologne. Avec, en sus, bien évidemment, l'unité américaine qui en aura la charge. Selon l'agence de presse polonaise PAP, "le ministère de la Défense prévoit la mise en œuvre début avril dans la ville de Morag de la première phase du stationnement d'une batterie anti-aérienne Patriot et d'une équipe d'entretien de 100 hommes". Ce faisant, les Américains avancent une tour plutôt qu'un pion aux marches de la Russie. D'ailleurs, le déploiement de cette batterie initie l'Accord sur le "statut des forces" (Sofa) signé entre les Etats-Unis d'Amérique et la Pologne en décembre 2009. Son annonce fut, on s'en doute, vivement dénoncée par Moscou. Les Polonais, il est vrai, ont tout fait pour conclure cet accord. Leurs premiers responsables ne cessent de déplorer ce qu'ils qualifient volontiers d'attentisme occidental. A les en croire, malgré les ambitions renouvelées de la Russie en politique étrangère, il n'y a guère de troupes ou de grandes installations militaires américaines sur le territoire polonais. Les hauts responsables roumains déplorent cela avec la rage aux tripes. Ils font valoir que cela fait bien plus de dix ans que leur pays a adhéré à l'Otan. Par ailleurs, la Pologne s'est empressée de diligenter de bien importants contingents militaires à la rescousse des Etats-Unis tant en Irak qu'en Afghanistan. Comme on s'y attendait, la réaction russe a été prompte. Le ministre russe de la Défense a déclaré que son pays pourrait déployer des missiles tactiques Iskander dans son enclave de Kaliningrad s'il se sentait directement menacé par l'Europe. Or il n'y a guère pire que des missiles pour effrayer Moscou. Et l'enclave de Kaliningrad est, bien évidemment, frontalière de la Pologne. Pourtant, il y a quelques mois, Moscou semblait enclin à mettre un bémol dans son dispositif géostratégique frontalier avec la Pologne. En janvier 2009, la Russie a bien suspendu le déploiement de missiles Iskander à Kaliningrad. C'était au lendemain de l'annonce faite par le Président américain Barack Obama qu'il n'était pas pressé d'installer en Europe des éléments d'un bouclier antimissile américain. La Russie avait alors publiquement loué l'attitude d'Obama qui tranche net avec la politique de son prédécesseur George W. Bush. N'empêche que la décision de la Pologne de déployer sur son sol des missiles intercepteurs Patriot a de nouveau irrité la Russie. La Pologne joue à quitte ou double. Ses rivalités historiques avec la Russie expliquent ses positionnements actuels. Mais cela n'est pas sans risques et périls. L'attitude consistant à avoir des alliés très loin et des ennemis dans son voisinage immédiat n'est pas toujours heureuse, stratégiquement parlant. La Géorgie en a fait lourdement les frais à ses dépens il y a un an et demi dans son conflit avec la Russie, qui a tôt fait de se muer en une guerre-éclair. L'Amérique lointaine n'avait pas vu venir la ravageuse contre-offensive du voisin russe. La géopolitique a ses exigences. Les nations et peuples voisins ont tout intérêt à coexister pacifiquement. Autrement, tous tant qu'ils sont s'avèrent, au bout du compte, perdants. Dans les guerres modernes, il n'y a plus guère de gagnants et de vaincus. Tous les pays, tous les peuples sont embarqués dans la même croisière ou dans la même galère, c'est selon. En tout état de cause, l'imminent déploiement de missiles américains en Pologne n'augure rien de bon pour l'Europe. N'oublions guère que la Russie est une nation européenne. Et que l'interférence d'une puissance extra-européenne dans les rapports intra-européens, si tendus et chargés d'émotions et de significations négatives soient-ils, fait en premier lieu la misère des Européens. Sans distinction. S.B.F.