Les disparités au niveau de l'éducation préscolaire sont énormes tant sur le plan social que régional : les taux de couverture par les établissements préscolaires sont respectivement de 15% dans les régions de l'intérieur et de 73% dans les régions côtières, et de 13% pour les classes défavorisées contre 81% pour les classes sociales aisées Pour les institutions financières et les organisations internationales, le salut d'une nation passe obligatoirement par le développement prospère et équitable de la petite enfance. S'agissant d'une tranche d'âge à la fois critique et déterminante, la petite enfance fait désormais l'objet d'investissements prioritaires et cruciaux pour la société et l'économie nationale. Sans hésitation, les experts de la Banque mondiale l'affirment «selon les études dont nous disposons, nous savons que ça marche, et nous savons comment le faire», soutient le représentant de la Banque mondiale en Tunisie. Les mille premiers jours de l'Homme Ainsi, la Tunisie, n'a pas tardé à adhérer à ce programme inédit et global de la petite enfance et vient de valider une stratégie intégrée (multisectorielle) de développement de la petite enfance, que l'Unicef qualifie d'exemplaire, à l'échelle mondiale. «La stratégie élaborée en Tunisie figure parmi les expériences pionnières dans le monde. Il y a peu de pays qui ont réussi à établir un programme pareil où 10 ministères ont été impliqués pour faire aboutir la stratégie à temps», a déclaré Lilia Peters, représentante de l'Unicef en Tunisie, lors d'une conférence de presse tenue jeudi dernier à Tunis, à l'occasion de l'adoption de la nouvelle stratégie multisectorielle de développement de la PE. L'événement, organisé par le ministère de la Femme, de la Famille, de l'Enfance et des Personnes âgées (Mffep), a fait office d'une séance de discussion et de présentation de la nouvelle stratégie. Dans son mot d'ouverture, Mme Nabiha Laâbidi a souligné l'importance des mille premiers jours dans la vie de l'enfant, une période déterminante dans la vie de l'Homme. Elle a expliqué que cette nouvelle stratégie vise essentiellement à améliorer, sur le long terme, les prestations des services de prise en charge de la PE en Tunisie. Sur le court terme, Mme Laâbidi, a affirmé que le ministère se penche, actuellement, sur deux projets importants, qui seront très prochainement adoptés en Conseil ministériel. A savoir, le congé de paternité avec la prolongation de la durée du congé de maternité et la mise en œuvre de la loi relative à la lutte contre la violence. L'impératif de lutter contre la violence «Nous avons reçu, durant les 18 derniers mois, plus de 40 mille signalements concernant des femmes, des enfants et des personnes âgés, à travers le numéro vert. Il faut imaginer les efforts énormes déployés par nos équipes relevant du Mffep, pour la prise en charge des victimes violentées, avec les moyens du bord, sachant que le budget alloué au Mffep est le plus faible. Nous disposons de ressources financières et humaines très restreintes. Ce qui nous motive, c'est notre passion et notre dévouement pour le travail qu'on réalise», confie la ministre de la Ffep, dans une déclaration à La Presse. Elle a expliqué que le déferlement de la violence dans notre société revient essentiellement à une décadence et un effondrement des valeurs morales, que la société tunisienne connaît depuis 8 ans. De son côté, Mme Lilia Peters, la représentante de l'Unicef en Tunisie, a fait savoir que malgré les progrès enregistrés en matière de prise en charge de la petite enfance en Tunisie, la disparité et l'iniquité des chances des enfants persistent. Elle a réitéré l'engagement ainsi que l'appui de l'Unicef à l'équipe gouvernementale, notamment le département de la Ffep, qui affiche sa volonté d'investir dans la petite enfance pour lutter contre la disparité et assurer le développement cognitif des petits enfants en Tunisie. «Un gouvernement qui investit dans la petite enfance est un gouvernement gagnant», soutient Mme Peters. Elle a affirmé que la violence à l'égard des enfants en Tunisie est un véritable fléau contre lequel il faut lutter. «Il faut vraiment s'attaquer à la violence morale. Nous avons mis en place un programme pour apprendre aux parents comment faire de la discipline positive sans avoir recours aux mots blessants», soutient-elle. L'Investissement le plus rentable ! Pour les représentants de la Banque Mondiale, l'on parle, plutôt, chiffres et gains. M. Tony Verhejen, représentant de la Banque Mondiale en Tunisie, a affirmé que le retour sur investissement dans la petite enfance est le plus rentable de tous les domaines. «L'investissement de 1 dinar dans la PE permet un retour sur investissement qui s'élève à 15%. Un taux jamais enregistré dans les autres domaines», affirme M. Tony. Il a fait savoir que la banque travaille en collaboration avec le gouvernement tunisien sur l'augmentation du taux d'accès aux écoles préparatoires pour les enfants âgés de 5 ans, pour le hausser de 40 à 80% voire 90%, dans les 5 prochaines années. Par ailleurs, il a affirmé que les objectifs de développement de la petite enfance en Tunisie figurent parmi les clauses de contrat du prêt de 100 millions de dinars versés pour le compte du gouvernement tunisien. A l'occasion de cet événement, M. Tony Verhejen a annoncé que la banque lancera dans les trois semaines à venir un nouvel indicateur de croissance et de développement baptisé l'indice du capital humain. Il a expliqué qu'à l'issue de plusieurs études établies à cet effet, les experts de la Banque mondiale sont parvenus à une finalité : les pays les plus développés économiquement sont les pays qui ont investi dans le capital humain. «Investir dans le capital humain veut dire investir dans le futur du pays et dans la lutte contre la pauvreté. L'investissement dans la petite enfance est un élément différenciateur entre les nations en termes de capital humain. Les premières cinq années de la vie des enfants sont déterminantes dans le développement de la société», soutient-il.