La soie a toujours ouvert des routes, sillonné les continents, tissé des liens entre les civilisations. Skila fera-t-elle de même dans cette jolie aventure qu'elle entreprend ? Malek, la créatrice du concept, venait d'un tout autre univers que celui des artisans. Mais elle était née à Mahdia, et dans cette cité si fortement ancrée dans son patrimoine, on n'échappe pas à son destin. La soie est exigeante, elle demande passion, rigueur, savoir- faire, valorisation, respect, et patience. Ce n'est qu'à ces conditions qu'elle prend son envol et part à la conquête du monde. Malek Hamza et Hassine Labaïed, son époux, étaient prêts à accepter la gageure, mais à leur manière. Tout d'abord en inversant l'approche. Créant un atelier, ils l'implantèrent à Sakiet El Khadem, à mi-chemin entre Mahdia et El Djem, au milieu des oliviers, à proximité d'un village rural, fief d'une communauté d'artisans soyeux connus pour leur savoir- faire ancestral. Ceux-ci, condamnés à aller chercher du travail en ville, ou même au-delà des frontières, virent le travail arriver à eux. Pas d'horaires, pas d'horloge pointeuse, pas d'objectif de rendement dans cet atelier pas comme les autres. Les artisans sont payés à la pièce, chacun à son rythme, en fonction de ses besoins, et obtiennent ainsi une rémunération avantageuse atteignant jusqu'à 3 ou 4 fois le Smig. Et le monde qu'ils se pensaient condamnés à sillonner en quête de travail venait désormais à eux. L'atelier faisant désormais partie d'un circuit de tourisme culturel en tant qu'escale de référence. Les ateliers Skila comptent parmi les plus grands ateliers de tissage main de Tunisie. Ils couvrent 400 m2, disposent de dix métiers, et ont une capacité actuelle de 10.000 écharpes par an. Depuis sa création, Skila a développé quelque 400 modèles d'écharpes, variant les couleurs, les techniques de tissage, les fils de soie, les alliages de matières. Aujourd'hui, Skila décide de s'ouvrir à l'international. Une manifestation de prestige la conforte dans son choix. Citroën, la firme automobile française, l'a choisie comme partenaire pour le lancement de son nouveau modèle, la DS 7, sachant que les lancements du même modèle, à Paris et à Shangaï, avaient été réalisés avec la maison Hermès. Une superbe installation racontant l'histoire de la marque, celle de sa ville et de ses racines, la présence d'un tisserand, ont su séduire. Ce cobranding de haut niveau d'une marque de luxe tunisienne avec une multinationale donne des ailes à notre Skila nationale. Aujourd'hui, forte d'un nouveau partenaire, Guillaume Rambourg, lui aussi victime de la séduction de la soie, Skila va pouvoir multiplier sa production, et d'ouvrir à l'international. Car si elle est présente dans une quinzaine de concept stores à Tunis, elle n'était, à ce jour, représentée qu'en Suisse où elle vient d'ouvrir une boutique dans une ville touristique près de Berne. Avoir une implantation à l'étranger permettra de conquérir des marchés déjà intéressés puisque Skila reconnaît, en toute modestie, avoir de la demande pour l'Europe, bien sûr, mais aussi pour le Brésil. Mais Hassine et Malek Labaïed ne s'arrêteront pas en si bon chemin. Ils créent une nouvelle marque, Nsija, qui produira des tissages manuels de différentes fibres : coton, lin, laine, soie, alternant les alliages, affinant les compositions, expérimentant les mélanges, et retrouvant les recettes oubliées des teintures végétales. Avec pour objectif, pour ces deux Mahdois bon teint, de faire de Sakiet el Khadem, région défavorisée, un véritable centre du tissage fait main. Souhaitons- leur de suivre le fil d'Ariane.