«Vivre de son propre travail, c'est la meilleure dignité qu'on puisse avoir», tel est le slogan de l'association Femmes, montrez vos muscles, qui aide des artisanes à être autonomes Mercredi dernier, des tisserandes de Birrinou et Layoun (Kasserine) ont exposé leurs créations en laine à Gammarth, dans la banlieue nord de Tunis. L'évènement a nécessité plus de trois mois de préparation. Sans le soutien de l'association Femmes, montrez vos muscles, il n'aurait peut-être jamais eu lieu. Tout a commencé en juin 2013. L'organisation avait rencontré les artisanes dans leur village, et les a encouragées à reprendre le travail du tissage traditionnel. Elle leur a rendu visite à plusieurs reprises, et a organisé pour elles des ateliers de «perfectionnement» et de «contrôle qualité». Les femmes, ainsi regroupées, pouvaient s'entraider et développer leur activité. L'association a essayé de soutenir les femmes artisanes dès sa création, en 2011. La première expérience s'est déroulée dans la localité de Foussana à Kasserine. La motivation première était de contribuer au développement de cette région, particulièrement touchée par le chômage et la pauvreté. «J'ai constaté qu'il y avait un nombre incroyable de femmes qui ont un savoir-faire extraordinaire et qui sont complètement coupées du monde et abandonnées dans la misère», raconte Sadika Keskes, souffleuse de verre et designer, présidente-fondatrice de l'association. Que ce soit à Foussana, à Layoun ou à Birrinou, l'association propose aux artisanes des modèles de produits innovants, les forme pour améliorer la qualité de leur travail et leur fournit la matière première. L'association accompagne aussi les artisanes qui souhaitent ouvrir une patente ou créer une coopérative. Tout dans la tradition Les écharpes, plaids, tapis, coussins exposés mercredi se déclinent dans les tons de blanc, de gris et de noir. Aucune teinture n'est utilisée, les couleurs sont naturelles. Du cardage au tissage, tout est fait à la main. L'association achète les toisons de mouton à des bergers de la région et les donne aux femmes qui les cardent et font le filage. «Le travail de la laine est difficile. Les conditions de vie sont dures», affirme Monia Mansouri, bénévole à l'association. «A Birrinou, par exemple, il n'y a pas d'eau. Pour pallier ce problème, l'association lave la laine à Foussana puis la rend aux femmes artisanes. D'autres fois, elle leur ramène de l'eau au village pour qu'elles puissent nettoyer la laine sur place. Mais ce n'est pas la solution idéale pour les femmes. Laver de la laine en hiver est pénible», explique la jeune femme. «L'autre problème qu'on rencontre, c'est l'approvisionnement en laine. La matière première n'est pas toujours disponible. La laine noire, surtout, est rare», ajoute-t-elle. Les artisanes tissent chez elles ou à l'atelier à Foussana. Aziza Mansouri, 29 ans, a été chargée par l'association de superviser leur travail. «En général, les femmes savent tisser. Certaines d'entre elles ne savent pas lire ou ne comprennent pas les chiffres. Je leur explique comment faire des mesures. D'autres viennent apprendre un métier pour améliorer leurs conditions de vie», raconte Aziza. A l'atelier, les femmes analphabètes côtoient les jeunes diplômées. Les plus âgées, comme Zahra Missaoui, transmettent leur savoir-faire aux novices. «J'ai commencé à tisser à l'âge de 16 ans, juste après mon mariage. J'ai donné naissance à 7 enfants. Ils sont tous sans emploi, à l'exception du plus grand. Je travaille encore pour eux», confie la femme de 72 ans. D'après Aziza, elles sont 200 artisanes impliquées dans le projet. Export Les tisserandes de Kasserine ont des difficultés à commercialiser leurs produits. Néanmoins, la situation s'est améliorée depuis que l'association les soutient. «Actuellement, on a par exemple une exportation pour la Norvège de tapis de Foussana. On prépare également une grande exposition pour avril 2014, à Gammarth, à l'occasion du centenaire de Paul Klee», annonce Sadika Keskes. Le prix des produits est déterminé avec les artisanes selon des critères précis. «Nous avons instauré un système de commerce équitable avec les femmes. L'association ne touche aucun pourcentage sur les ventes», dit-elle. D'après la présidente, les artisanes gagnent entre 350 et 800DT par mois. Il n'y a donc pas vraiment de régularité dans les revenus. Pour leur donner un coup de pouce supplémentaire, l'association a «pris» un ancien houch (maison) pour en faire une coopérative pour les artisanes. «On a créé également un noyau de commerce et de marketing, et on prépare le site de vente en ligne», affirme Keskes. Une fois la coopérative mise en place, l'association envisage de créer d'autres bureaux communautaires et de continuer ainsi à appuyer le développement social par le travail artisanal.