Dans un gouvernorat où 80% de la population vivent en milieu rural et où l'infrastructure de base est défaillante, ce nouveau projet paraît précipité. Le ministère de l'Education vient de mettre en place une plateforme destinée à permettre aux parents d'inscrire leurs enfants nés entre le 1er janvier et le 31 décembre 2013 dans les écoles primaires. Et ceux qui n'ont pas pu le faire, entre 2010 et 2012, à cause de maladies ou d'handicap quelconque, peuvent également inscrire leurs enfants à distance. Il va sans dire que ce projet, qui utilisant les nouvelles technologies, qui a démarré le 14 février pour se poursuivre jusqu'au 31 mars 2019, paraît séduisant et avant-gardiste puisqu'il est poursuivi par tout gouvernement qui se veut moderne. En effet, les objectifs de cette campagne visent à rapprocher les services administratifs des citoyens, à atteindre le «zéro papier» et à faciliter la tâche de l'administration. Or, dans un gouvernorat, comme celui de Kairouan, où 80% de la population vivent en milieu rural et qui souffre d'une infrastructure de base défaillante, de la pauvreté, de la marginalisation et de l'analphabétisme, ce nouveau projet parait précipité, incongru et prématuré. Ridha Abdellaoui, père de 4 enfants dont deux jumeaux qui vont intégrer l'école primaire au mois de septembre 2019, nous confie dans ce contexte : «Ici, dans les zones montagneuses de Oueslatia, la plupart des écoles primaires n'ont ni eau potable, ni cantine, ni clôture, ni blocs sanitaires, ce qui oblige les jeunes écoliers à faire leurs besoins en pleine nature. En outre, le transport scolaire fait défaut et la plupart des familles n'ont ni PC, ni tablette, ni smartphones, ni même de téléphone. Cela va obliger les villageois à se déplacer en ville pour inscrire leurs enfants…». Mokhtar Taalbi, de la zone de Mouisset (délégation de Bouhajla), est du même avis : «Avant de prendre une telle initiative, il fallait d'abord moderniser le réseau internet et le généraliser à travers tout le pays. En effet, la couverture Web n'englobe pas les zones rurales dont les habitants sont nécessiteux…». Madame Hadda Rebhi, mère de 3 enfants, se souvient avec amertume des difficultés rencontrées l'année dernière lorsque le ministère de l'Education a lancé l'opération d'inscription à distance pour les collégiens et lycéens : «Nous qui habitions le village de Dhibet (délégation d'El Ala), nous avons dû nous déplacer en ville pour faire inscrire ma fille aînée. Et on a eu beaucoup de contretemps et de souffrance. Entre les longues files d'attente dans les recettes postales, les formulaires pleins de clauses à remplir, les photocopies de la CIN, les frais d'inscription et les reçus à imprimer dans les publinets, on ne savait plus comment réagir face à tant de temps perdu et d'argent à payer. En plus, l'introduction des données n'était pas du tout une sinécure! C'est pourqui nous avons très mal accueilli le nouveau projet d'inscription à distance pour les élèves de première année de base. D'ailleurs, plusieurs de mes cousins qui ont essayé de faire inscrire leurs enfants ont rencontré beaucoup de difficultés en consultant le site proposé par le ministère dont l'accès n'est pas tellement garanti. Alors, ils ont abandonné leurs démarches. Franchement, nous préférons les vieilles méthodes d'inscription qui étaient profitables aux élèves et à leurs parents. En un mot, ce nouveau projet n'a rien d'urgent!»