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«J'ai défendu les chefs de toutes les mouvances politiques»
Mokhtar Trifi, ancien président de la Ligue tunisienne des droits de l'Homme :
Publié dans La Presse de Tunisie le 01 - 03 - 2019

Journaliste indépendant dans sa jeunesse, Mokhtar Trifi s'est par la suite engagé dans le Barreau tunisien. Une longue carrière de défenseur des droits humains s'ouvre alors devant maître Trifi en ces années 70, 80, 90 et 2000 mouvementées et jalonnées de soulèvements sociopolitiques. A l'occasion du 70e anniversaire de la Déclaration universelle des droits de l'Homme, maître Mokhtar Trifi a été décoré par le président de la République, avec son ami Khemaies Chammari, de l'Ordre tunisien du mérite, le 10 décembre dernier. Une reconnaissance officielle à un parcours de militant sincère et déterminé. Ancien président de l'Ordre des avocats tunisiens, ancien président de la Ligue tunisienne des droits de l'Homme (Ltdh), vice-président de l'Organisation mondiale contre la torture (Omct), Mokhtar Trifi continue à défendre devant les chambres spécialisées avec le même acharnement que dans sa prime jeunesse toutes les victimes des violations graves des droits humains, qu'elles soient de gauche ou de droite. Rencontre
Avant la révolution de janvier 2011, vous faisiez déjà partie des personnalités tunisiennes les plus engagées pour la défense des droits humains. Est-ce pour cette raison qu'on vous a vu prendre part d'une façon très active et dès le début au processus de justice transitionnelle ?
-Il faut dire que je me suis intéressé très tôt à la justice transitionnelle. En 1998, je suis parti en mission en Afrique du Sud avec Amnesty International pour rendre visite à Desmond Tutu, qui nous avait longuement parlé de la justice transitionnelle. Le processus chez les Sud-Africains à cette époque-là s'achevait presque. Par la suite, j'ai suivi de très près l'expérience marocaine en assistant aux auditions publiques, que ce soit à Rabat ou dans les régions sinistrées. Je me suis très vite intéressé aux parcours de la justice transitionnelle dans le monde, m'informant des textes fondateurs de cette spécialité juridique et des grandes résolutions internationales en la matière. Comme beaucoup d'autres en Tunisie, j'espérais que mon pays passe par le même exercice, une fois la transition entamée. La justice transitionnelle se situe en fait au cœur de mon parcours professionnel et de militant avant le 14 janvier 2011. Après la révolution, j'ai été invité par l'Ictj à New York en mai 2011 et devant un grand panel, j'ai évoqué la forme de justice transitionnelle la plus adaptée à la Tunisie selon mon point de vue et à la lumière des expériences comparées. D'autre part, nous avons participé à la Ligue tunisienne des droits de l'Homme (Ltdh), dont j'étais le président jusqu'en octobre 2011, à la mise en place de la Coalition tunisienne de la justice transitionnelle. Or le processus au début en Tunisie, à mon avis, a commencé avec des piétinements. Malheureusement, je n'ai pas été consulté, et je n'ai pas participé à la rédaction du projet de loi, car les décideurs de l'époque ne me voyaient pas impliqué dans cette entreprise.
L'Instance vérité et dignité (IVD) a achevé ses travaux le 31 décembre 2018. Pensez-vous que le processus de justice transitionnelle en Tunisie sera clos avec cette date ?
-Le processus ne doit pas être clôturé au 31 décembre 2018 ou au 31 mai 2019, à savoir le délai que s'est donné l'Instance pour liquider ses biens. Le processus de par la loi doit continuer. Aujourd'hui, c'est le travail post-IVD qui doit commencer : l'application des résolutions et des recommandations du rapport final de l'IVD. Malheureusement, ce rapport n'est pas encore publié. D'autre part, la loi prévoit la formation d'une autre commission qui sera désignée et installée par l'Assemblée des représentants du peuple (ARP) et qui prendrait en charge les recommandations de l'Instance afin de poursuivre le processus. Or de ce projet, on ne parle même pas aujourd'hui, aucune réflexion à ce propos ne se profile. D'où la conviction d'un certain nombre de personnes, dont je ne fais pas partie, que la justice transitionnelle est déjà morte et enterrée. Mais je le vois : la société civile continue à se battre pour la continuation du processus.
Qu'est-ce qui reste à faire à votre avis ?
En fait, beaucoup de dossiers s'ouvrent aujourd'hui. Celui des victimes en premier lieu. L'IVD est en train de délivrer les certificats de réparation aux rescapés de la répression, mais il reste le grand chantier de la réconciliation, à laquelle tendent beaucoup parmi les victimes. La réforme de l'administration n'est pas encore entamée. Comment garantir alors que les erreurs, les pratiques et les crimes anciennement commis ne se reproduisent plus ? Et la vérité sur ce qui s'est passé dans notre pays pendant des décennies ? Une petite partie a été dévoilée. Et le reste alors ? Comment transmettre également la vérité aux nouvelles générations ? Un autre volet important concerne les chambres spécialisées en justice transitionnelle : les jugements qui doivent être rendus tardent beaucoup. En outre, la justice transitionnelle intéresse aussi les régions. Comment procéder avec les régions qui ont été marginalisées pendant des décennies et qui seront sûrement citées dans le rapport final ? Et les archives de l'IVD, qu'est-ce qu'on en fait ? On va probablement les confier aux Archives nationales. Mais pour quel type d'utilisation ? Finiront-elles par être enfermées dans les tiroirs ? Autre problématique : comment garantir que ces archives-là ne tombent pas entre des mains hostiles ou nocives ? Car elles contiennent des informations de première importance sur la vie privée des personnes.
Justement, le chef du gouvernement n'a toujours pas fixé de rendez-vous pour la présidente de l'IVD, Sihem Ben Sedrine, afin qu'elle lui transmette le rapport final de l'Instance. Quelle lecture faites-vous de ce retard ?
Je crois que le conflit est essentiellement d'ordre politique. En haut lieu, on ne croit pas et on n'a jamais cru au processus de justice transitionnelle. Le paradoxe qui s'est posé chez nous réside dans le fait que la loi sur la justice transitionnelle — mal faite d'ailleurs et ponctuée de beaucoup de lacunes dont nous continuons à en pâtir aujourd'hui — a été rédigée essentiellement par les supposées victimes, les gens d'Ennahdha, au moment de la Troïka et de l'Assemblée constituante. Sauf que les choses ont changé après les élections de 2014. Ce sont les supposés tortionnaires qui appliquent cette loi ! Les premiers ont écrit une loi très avantageuse pour les victimes et les seconds constatant cet état de fait contraire aux intérêts de personnalités proches de l'ancien régime, dont beaucoup sont actuellement au pouvoir, s'ingénient à bloquer et entraver le processus. On se rappelle cette séance plénière historique au Parlement du 26 mars 2018 où les députés de la majorité ont émis un veto contre la poursuite des travaux de l'IVD. Depuis, le gouvernement n'a pas suspendu de force le fonctionnement de l'IVD mais a cessé de traiter avec l'Instance. D'où toutes les interrogations que pose la situation actuelle : le chef du gouvernement va-t-il recevoir Mme Ben Sedrine et les membres de son conseil pour la remise du rapport final ? Ce rapport sera-t-il publié au Journal officiel ou subira-t-il le même sort que la liste des martyrs et blessés de la révolution, qui a été pourtant transférée au gouvernement par le Haut comité des droits de l'Homme et les libertés publiques depuis décembre 2017 ? Car le Journal officiel ne publie que sur ordre du chef du gouvernement. D'un autre côté, le président du Parlement doit lui aussi accueillir Mme Ben Sedrine et son équipe. Toutefois, il est coincé entre son devoir de recevoir la présidente de l'Instance et la pression des députés contre la tenue d'une telle entrevue à cause du veto du 26 mars. Sauf que les députés n'ont prévu aucun scénario pour la suite : que fait-on du travail réalisé le long de quatre années et demie par l'Instance ? Le chef du gouvernement doit trancher et doit publier le rapport. Des décisions doivent être prises pour appliquer les recommandations de l'IVD.
Au cours des procès des chambres spécialisées, on a remarqué votre présence dans les affaires de victimes islamistes comme de victimes de la gauche. Notamment celles ayant subi des tortures. Vous faites partie des rares avocats à ne pas distinguer entre la couleur politique des uns et des autres…
Oui, mais j'estime que ce n'est pas là un grand fait d'arme. D'abord, moi je me constitue devant les chambres spécialisées en tant qu'avocat au nom de l'Omct et au profit des familles de plusieurs victimes. Ensuite, de tout temps, y compris avant la révolution, avant même le début du processus de justice transitionnelle, je n'ai jamais fait de distinction entre les victimes quelle que soit leur tendance politique. Je crois qu'une victime au fond n'a pas de couleur. Elle a subi des exactions et ses droits humains élémentaires ont été bafoués. C'est mon rôle en tant que défenseur des droits humains de m'engager pour que justice soit faite en sa faveur. Sinon qui le ferait ? Il ne me revient aucunement de faire la différence entre les uns et les autres pour cause de leurs opinions politiques, leur race ou leur croyance religieuse ou philosophique. J'ai défendu beaucoup de monde au cours de mon parcours d'avocat, dont des chefs de toutes les mouvances politiques opposées à l'ancien président Ben Ali. Ça n'a jamais été pour moi un motif de fierté.


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