Les créateurs et les artistes tunisiens, dont plusieurs ont pris part aux manifestations de contestation qui ont amené la métamorphose politique et sociale que connaît la Tunisie aujourd'hui, expriment leurs sentiments ci-après. La fierté et la conviction en des lendemains meilleurs ne leur font pas oublier la reconnaissance et le respect pour ces jeunes qui, par leur courage, se sont élevés au rang de symbole. Lotfi Bouchnaq (artiste) " Sans précipitation, ni improvisation" Nos jeunes ont démontré combien l'image qu'on leur attribue est fausse. Ils étaient là quand il le fallait et ils ont contribué à la transformation du paysage politique, social et culturel du pays. Ce qui vient d'être réalisé est grandiose et je suis sûr que ce qui va être fait le sera davantage. Nous devons toutefois être attentifs dans cette période de transition très délicate, nous soutenir les uns les autres pour résister à tous ceux qui veulent du mal à la Tunisie pour garder les avantages qui ne sont pas les leurs. Ce faisant, nous avons à nous éloigner de toute précipitation, ne pas improviser, veiller à mettre la personne idoine à la place qu'il faut et ne jamais oublier que le droit équivaut au devoir et vice-versa. J'invite tout Tunisien à s'atteler à la tâche pour reconstruire la Tunisie d'aujourd'hui, la Tunisie de demain. Cela commence par la contribution à l'effort national pour le rétablissement de l'ordre et de la quiétude. Sonia M'barek (artiste) "Fière d'être Tunisienne" Que dire, sinon rendre hommage à ces jeunes martyrs, devenus un exemple pour le monde arabe, sinon pour le monde, et présenter mes vives condoléances à leurs familles. Grâce à eux, mon sentiment de fierté d'être Tunisienne s'est accru, car j'ai désormais l'impression que nous venons d'entrer effectivement dans l'histoire universelle moderne. En ce moment historique et au nom du sang qui a coulé, nous devons tout faire pour rétablir, dans une première étape, la sécurité et ramener la quiétude dans tous les foyers. Ensuite, Il nous faut œuvrer à développer la conscience collective afin de réapprendre à dire "non", quand il le faut – ce que nous avons eu souvent tendance à oublier. Il est indispensable enfin d'assurer un équilibre régional réel avec ce que cela suppose comme égalités économiques, sociales et culturelles. C'est la vraie décentralisation dans les régions, c'est le développement autour des spécificités, et la multiplication des espaces ludiques et de loisirs qui aboliront le sentiment d'exclusion et de marginalisation dans les régions et qui empêcheront le fil de casser. Néjib Ayed (producteur) "Garantir une réelle liberté d'expression" Comme l'ensemble des Tunisiens, dont les hommes de culture, qui ne se sont pas compromis dans des pratiques illicites, je suis heureux que le peuple tunisien reprenne le pouvoir de décider de son sort, de son avenir malgré ma profonde tristesse pour les martyrs qui sont tombés et pour leur sang qui aura coulé pour libérer le peuple et le pays. Aujourd'hui, il faut s'attacher à rétablir le climat de quiétude, lui-même propice au travail et au labeur. Il faut avoir en tête qu'il n'y aura plus de chèque en blanc à donner à qui que ce soit ou à n'importe quelle partie, quels que soient leurs promesses et degrés de patriotisme. Si nous voulons couper une fois pour toutes avec tout ce qui peut nous induire en erreur nous devons exiger la transparence dans toutes les entreprises de l'Etat, de ses institutions et structures, en plus de la liberté réelle d'expression et de presse seule garante d'une vraie démocratie. Enfin, nous, intellectuels et acteurs culturels, devons reprendre notre rôle de "conscience du peuple", place que nous avons, pour diverses raisons, cédée aux "fous des rois".